Qu'est ce que la monnaie ?
De façon un peu tautologique, on peut dire que le mot monnaie désigne l’ensemble des moyens de paiement dont les agents économiques. La monnaie présente deux caractères particuliers :
- elle est « liquide », c’est-à-dire qu’elle peut être utilisée instantanément ;
- elle est « sans risque », c’est-à-dire qu’elle peut être transformée en un autre actif sans coûts de transaction lorsqu’elle est mobilisée.
La monnaie c’est donc l’ensemble des actifs permettant de se libérer d’une dette, sur un territoire donné, sans délai et sans risque de perte en capital. Cependant, tous les actifs ne sont pas forcément de la monnaie et certains le sont plus que d’autres : il y a des degrés dans la « liquidité » et dans le caractère « risqué » d’une monnaie. Par ailleurs, comme le rappelle la Banque centrale :
En France, la masse monétaire n'a cessé de croître sur les quarante dernières années. Son niveau a même explosé suite aux mesures prises par la BCE lors de la crise sanitaire, pour soutenir l’activité économique mais aussi venir au secours de l’épargne des plus riches. Tout ceci n’a pas été sans conséquence pour notre économie, qu'il s'agisse de la crise inflationniste ou de celle du surendettement public. On vous explique tout.
La masse monétaire d’un pays désigne la quantité de monnaie qui y est en circulation. Si la notion de « monnaie » (voir sa définition ici) ne posait guère de problème jusqu’au début du XXe siècle – il s’agissait donc des pièces de monnaie et des billets –, la situation s’est largement compliquée par la suite. Il y a d’abord eu le développement de la bancarisation (la monnaie se trouve désormais principalement dans des comptes en banque), puis de la multiplication des supports d’épargne (livrets, obligations, etc.).
Au fil du temps, les banques centrales ont défini des instruments de mesure de la monnaie, appelés « agrégats monétaires ». Ces différentes « masses monétaires » dépendent en effet de la définition retenue de la monnaie. Il y en a trois principales, qui s’emboitent comme des poupées russes :
Depuis 40 ans, une explosion de la masse monétaire française
Depuis 40 ans, la masse monétaire française (M3) a augmenté de façon spectaculaire, passant de 1 000 à 3 500 Md€ en monnaie constante. L’argent très liquide (M1) représente environ la moitié de la monnaie totale.
Les années 1980 illustrent bien l'émergence des placements à long terme (M3-M2) dans la masse monétaire. Malgré des fluctuations importantes, cette fraction de la masse monétaire est aujourd’hui à son niveau d’il y a 30 ans. En revanche, l’argent liquide (M1) et l’épargne des ménages (M2-M1) ont explosé, le premier ayant quintuplé et le second presque triplé en monnaie constante depuis le début des années 2000.
En 2022, pour la première fois depuis des décennies, M1 s’est mis à fortement chuter. Cependant, la moitié de cette baisse correspond en réalité à des transferts vers des livrets d’épargne plus rémunérateurs en raison du retour de l’inflation.
Les causes : bulle immobilière et planche à billets
Ce bouleversement monétaire spectaculaire a deux origines. La première est le développement de la bulle immobilière à partir de 1997. Les banques ont prêté de plus en plus aux ménages, et une partie de ces sommes a résulté de la création monétaire des banques commerciales, selon le principe « les crédits sont les dépôts ».
C'est à cette période que les pouvoirs publics ont commencé à perdre le contrôle de la monnaie, à commencer par la masse monétaire M1, dont l’évolution parle d’elle-même – sachant que cette hausse ne résulte pas d’un transfert (par exemple depuis les comptes d’épargne). C’est bien de la monnaie « toute neuve ».
Le second bouleversement monétaire a été déclenché par la création monétaire de la Banque Centrale Européenne, dont le but était de soutenir les États en rachetant de la dette publique. Ce phénomène s'observe surtout à partir de la crise de 2015, comme nous l’avons expliqué dans cet article : c’est l’héritage du « quoi qu’il en coûte » de Mario Draghi. Elle a inversé le mouvement en 2023, détruisant donc de la monnaie.
Depuis une dizaine d’années, c’est cette création monétaire de la BCE qui a joué le rôle le plus important dans l’augmentation de la masse monétaire.
Une création monétaire au profit d’une infime minorité
Cette courbe M1 laisse songeur, car rappelons qu’il s’agit principalement de la somme de tout l’argent présent sur les comptes en banque (l’évolution de l’encours des pièces et billets est marginale dans cette hausse). Or, il est manifeste que la vaste majorité de la population n’a pas observé une telle évolution – multiplication par 5 – du total de ses comptes en banques. Seule une infime minorité d’acteurs économiques a donc bénéficié de ce flot de nouvelle monnaie.
En réalité, ces interventions de la BCE visaient à rembourser la dette publique détenue par les quelques % les plus riches de la population, afin qu’ils ne courent plus le risque d’un défaut des États, et ce sans que les contribuables (et surtout les plus aisés) ne voient leur épargne ponctionnée par des impôts. On retrouve ici une tendance connue du néolibéralisme : la privatisation des bénéfices (réductions d’impôts et intérêts de la dette publique perçus) et la collectivisation des pertes (risque de défaut des États). Cela signifie aussi que l’argent créé a finalement bénéficié davantage aux plus riches et non aux plus pauvres.
Le summum : 17 % de croissance de la masse monétaire en 2020
La BCE a donc renié les principes de gestion monétaire des Trente Glorieuses en laissant totalement filer la masse monétaire ; celle-ci a finalement connu une croissance de 17 % (en plus de l’inflation) en 2020.
Dans les trimestres qui ont suivi, nos économies ont vu le retour historique d’une inflation élevée, bien avant la guerre en Ukraine. En l’espèce, les causes principales étaient à trouver dans l'inadéquation entre l’offre et la demande après la crise du Covid, puis dans l’explosion des prix de l’énergie. Mais la création monétaire n’est cependant pas sans lien avec tout ceci, par exemple, en ayant donné au secteur financier les moyens de spéculer sur les prix de l’énergie, ce qui les a poussés à la hausse.
Un énorme surplus de monnaie depuis 15 ans
Cependant, le besoin de monnaie augmente naturellement avec la croissance économique. L’analyse de M3 exprimée en pourcentage du PIB permet donc de mieux cerner les périodes « anormales ». En effet, cette proportion devrait être relativement stable, et c’est bien ce qui s’est passé durant un quart de siècle, entre 1980 et 2005, où la monnaie représentait environ 70 % du PIB.
Pour les raisons que nous avons évoquées, la masse monétaire a finalement atteint 130 % du PIB avant de récemment reculer quelque peu pour se rapprocher des 120 %. Cela signifie que, pour des raisons de gestion économique à court terme (avec le bénéfice électoral lié), les gouvernements ont laissé le secteur bancaire, d’abord privé puis la BCE, créer un surplus monétaire de 50 % à 70 %. Cela ne pouvait que générer de gros problèmes économiques à long terme.
En retour, la baisse actuelle de la masse monétaire est d’une ampleur rare, inconnue depuis la crise de 1993-1994.
Cette baisse est principalement liée à une destruction de monnaie par la banque centrale. Elle vise ainsi à dégonfler son bilan et à réduire l’inflation. Mais les sommes en jeu sont trop faibles pour avoir beaucoup d’effets visibles. Par ailleurs, en raison de l’inflation élevée, les épargnants transfèrent aussi une partie de leur épargne vers d’autres types d’investissements plus rémunérateurs.
Cela devrait donc impacter l’activité économique dans les trimestres à venir. En effet, la banque centrale crée de la monnaie pour accélérer l’activité ; cette dernière a donc tendance à baisser quand la masse monétaire baisse.
Quel est le lien entre la monnaie et l’inflation ?
Il est difficile de parler en détail de masse monétaire sans parler de sa relation avec le niveau des prix. Le lien entre création monétaire et inflation a en effet toujours fait l’objet de débats passionnés entre économistes, les monétaristes expliquant que l’inflation est toujours causée par l’augmentation de la masse monétaire, d’autres économistes expliquant que ces deux phénomènes n'ont pas le moindre lien.
De façon un peu tautologique, on peut dire que le mot monnaie désigne l’ensemble des moyens de paiement dont les agents économiques. La monnaie présente deux caractères particuliers :
- elle est « liquide », c’est-à-dire qu’elle peut être utilisée instantanément ;
- elle est « sans risque », c’est-à-dire qu’elle peut être transformée en un autre actif sans coûts de transaction lorsqu’elle est mobilisée.
La monnaie c’est donc l’ensemble des actifs permettant de se libérer d’une dette, sur un territoire donné, sans délai et sans risque de perte en capital. Cependant, tous les actifs ne sont pas forcément de la monnaie et certains le sont plus que d’autres : il y a des degrés dans la « liquidité » et dans le caractère « risqué » d’une monnaie. Par ailleurs, comme le rappelle la Banque centrale :
« Quelle que soit sa forme, la monnaie remplit trois fonctions différentes. C’est un moyen d’échange, à savoir un moyen de paiement ayant une valeur, fiable aux yeux de tous. La monnaie est également une unité de compte permettant d’établir le prix des biens et des services. Et elle constitue aussi une réserve de valeur. »
En France, la masse monétaire n'a cessé de croître sur les quarante dernières années. Son niveau a même explosé suite aux mesures prises par la BCE lors de la crise sanitaire, pour soutenir l’activité économique mais aussi venir au secours de l’épargne des plus riches. Tout ceci n’a pas été sans conséquence pour notre économie, qu'il s'agisse de la crise inflationniste ou de celle du surendettement public. On vous explique tout.
La masse monétaire d’un pays désigne la quantité de monnaie qui y est en circulation. Si la notion de « monnaie » (voir sa définition ici) ne posait guère de problème jusqu’au début du XXe siècle – il s’agissait donc des pièces de monnaie et des billets –, la situation s’est largement compliquée par la suite. Il y a d’abord eu le développement de la bancarisation (la monnaie se trouve désormais principalement dans des comptes en banque), puis de la multiplication des supports d’épargne (livrets, obligations, etc.).
Au fil du temps, les banques centrales ont défini des instruments de mesure de la monnaie, appelés « agrégats monétaires ». Ces différentes « masses monétaires » dépendent en effet de la définition retenue de la monnaie. Il y en a trois principales, qui s’emboitent comme des poupées russes :
- M1 est un agrégat étroit, le plus liquide et le plus facilement mobilisable, qu’on peut qualifier de « monnaie » classique. Il regroupe les pièces et les billets en circulation dans le secteur non bancaire ainsi que les dépôts à vue des clients sur leurs comptes bancaires ;
- M2 est un agrégat intermédiaire ; il est devenu significatif dans les années 1960. Il regroupe M1 ainsi que l’épargne à court terme, soit les comptes sur livrets et les dépôts à court terme (Livrets A, Livret de développement durable, Compte épargne logement) ;
- M3 est l’agrégat le plus large, et donc le moins liquide ; il est devenu significatif dans les années 1980. C’est lui que la BCE considère comme la meilleure mesure de la « masse monétaire ». Il regroupe M2 ainsi que divers placements monétaires, généralement des placements à moyen et long terme (OPCVM, SICAV monétaires).
Depuis 40 ans, une explosion de la masse monétaire française
Depuis 40 ans, la masse monétaire française (M3) a augmenté de façon spectaculaire, passant de 1 000 à 3 500 Md€ en monnaie constante. L’argent très liquide (M1) représente environ la moitié de la monnaie totale.
Les années 1980 illustrent bien l'émergence des placements à long terme (M3-M2) dans la masse monétaire. Malgré des fluctuations importantes, cette fraction de la masse monétaire est aujourd’hui à son niveau d’il y a 30 ans. En revanche, l’argent liquide (M1) et l’épargne des ménages (M2-M1) ont explosé, le premier ayant quintuplé et le second presque triplé en monnaie constante depuis le début des années 2000.
En 2022, pour la première fois depuis des décennies, M1 s’est mis à fortement chuter. Cependant, la moitié de cette baisse correspond en réalité à des transferts vers des livrets d’épargne plus rémunérateurs en raison du retour de l’inflation.
Les causes : bulle immobilière et planche à billets
Ce bouleversement monétaire spectaculaire a deux origines. La première est le développement de la bulle immobilière à partir de 1997. Les banques ont prêté de plus en plus aux ménages, et une partie de ces sommes a résulté de la création monétaire des banques commerciales, selon le principe « les crédits sont les dépôts ».
C'est à cette période que les pouvoirs publics ont commencé à perdre le contrôle de la monnaie, à commencer par la masse monétaire M1, dont l’évolution parle d’elle-même – sachant que cette hausse ne résulte pas d’un transfert (par exemple depuis les comptes d’épargne). C’est bien de la monnaie « toute neuve ».
Le second bouleversement monétaire a été déclenché par la création monétaire de la Banque Centrale Européenne, dont le but était de soutenir les États en rachetant de la dette publique. Ce phénomène s'observe surtout à partir de la crise de 2015, comme nous l’avons expliqué dans cet article : c’est l’héritage du « quoi qu’il en coûte » de Mario Draghi. Elle a inversé le mouvement en 2023, détruisant donc de la monnaie.
Depuis une dizaine d’années, c’est cette création monétaire de la BCE qui a joué le rôle le plus important dans l’augmentation de la masse monétaire.
Une création monétaire au profit d’une infime minorité
Cette courbe M1 laisse songeur, car rappelons qu’il s’agit principalement de la somme de tout l’argent présent sur les comptes en banque (l’évolution de l’encours des pièces et billets est marginale dans cette hausse). Or, il est manifeste que la vaste majorité de la population n’a pas observé une telle évolution – multiplication par 5 – du total de ses comptes en banques. Seule une infime minorité d’acteurs économiques a donc bénéficié de ce flot de nouvelle monnaie.
En réalité, ces interventions de la BCE visaient à rembourser la dette publique détenue par les quelques % les plus riches de la population, afin qu’ils ne courent plus le risque d’un défaut des États, et ce sans que les contribuables (et surtout les plus aisés) ne voient leur épargne ponctionnée par des impôts. On retrouve ici une tendance connue du néolibéralisme : la privatisation des bénéfices (réductions d’impôts et intérêts de la dette publique perçus) et la collectivisation des pertes (risque de défaut des États). Cela signifie aussi que l’argent créé a finalement bénéficié davantage aux plus riches et non aux plus pauvres.
Le summum : 17 % de croissance de la masse monétaire en 2020
La BCE a donc renié les principes de gestion monétaire des Trente Glorieuses en laissant totalement filer la masse monétaire ; celle-ci a finalement connu une croissance de 17 % (en plus de l’inflation) en 2020.
Dans les trimestres qui ont suivi, nos économies ont vu le retour historique d’une inflation élevée, bien avant la guerre en Ukraine. En l’espèce, les causes principales étaient à trouver dans l'inadéquation entre l’offre et la demande après la crise du Covid, puis dans l’explosion des prix de l’énergie. Mais la création monétaire n’est cependant pas sans lien avec tout ceci, par exemple, en ayant donné au secteur financier les moyens de spéculer sur les prix de l’énergie, ce qui les a poussés à la hausse.
Un énorme surplus de monnaie depuis 15 ans
Cependant, le besoin de monnaie augmente naturellement avec la croissance économique. L’analyse de M3 exprimée en pourcentage du PIB permet donc de mieux cerner les périodes « anormales ». En effet, cette proportion devrait être relativement stable, et c’est bien ce qui s’est passé durant un quart de siècle, entre 1980 et 2005, où la monnaie représentait environ 70 % du PIB.
Pour les raisons que nous avons évoquées, la masse monétaire a finalement atteint 130 % du PIB avant de récemment reculer quelque peu pour se rapprocher des 120 %. Cela signifie que, pour des raisons de gestion économique à court terme (avec le bénéfice électoral lié), les gouvernements ont laissé le secteur bancaire, d’abord privé puis la BCE, créer un surplus monétaire de 50 % à 70 %. Cela ne pouvait que générer de gros problèmes économiques à long terme.
En retour, la baisse actuelle de la masse monétaire est d’une ampleur rare, inconnue depuis la crise de 1993-1994.
Cette baisse est principalement liée à une destruction de monnaie par la banque centrale. Elle vise ainsi à dégonfler son bilan et à réduire l’inflation. Mais les sommes en jeu sont trop faibles pour avoir beaucoup d’effets visibles. Par ailleurs, en raison de l’inflation élevée, les épargnants transfèrent aussi une partie de leur épargne vers d’autres types d’investissements plus rémunérateurs.
Cela devrait donc impacter l’activité économique dans les trimestres à venir. En effet, la banque centrale crée de la monnaie pour accélérer l’activité ; cette dernière a donc tendance à baisser quand la masse monétaire baisse.
Quel est le lien entre la monnaie et l’inflation ?
Il est difficile de parler en détail de masse monétaire sans parler de sa relation avec le niveau des prix. Le lien entre création monétaire et inflation a en effet toujours fait l’objet de débats passionnés entre économistes, les monétaristes expliquant que l’inflation est toujours causée par l’augmentation de la masse monétaire, d’autres économistes expliquant que ces deux phénomènes n'ont pas le moindre lien.
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