Au mois de mai, l'Inde a importé quasiment 2 millions de barils de pétrole russe. C'est 15 % de plus que le précédent record du mois d'avril. New Delhi profite des sanctions occidentales pour acheter ces barils à prix réduit.
Les Echos Publié le 3 juin 2023 à 17:19
Environ 40 % du pétrole importé en Inde vient de Russie. C'était moins de 1 % avant le début de la guerre en Ukraine (AFP)Publié le 3 juin 2023 à 17:19
Nouveau record pour l'Inde. En mai, le pays a importé 1,96 million de barils de pétrole venus de Russie, selon la société d'analyse Vortexa. Un nouveau record, supérieur de 15 % à celui du mois d'avril.
Depuis le début de la guerre en Ukraine, l'Inde, qui dépend à plus de 80 % de l'étranger pour ses besoins pétroliers, a considérablement augmenté ses achats de brut en provenance de Russie. Avant février 2022, le pétrole russe représentait à peine 1 % de ses importations. Selon Kpler, c'est désormais 40 %. La Russie est ainsi devenu le premier fournisseur de l'Inde, devant l'Arabie saoudite et l'Irak.
Opération rentable
Pour acheminer tout ce pétrole, une mystérieuse société baptisée Gatik a acquis 56 tankers en l'espace de douze mois. Selon une enquête effectuée par le « Financial Times », tout porte à croire
L'opération est rentable pour New Delhi, car ces barils sont achetés en dessous des prix du marché. Dans les dix mois qui ont suivi l'invasion russe, l'Inde aurait ainsi économisé 3,3 milliards de dollars, ce qui l'a aidée à contenir les poussées inflationnistes et limiter la hausse des prix à la pompe.
Prix très bas
Selon les statistiques du gouvernement indien, Delhi a acheté les barils de pétrole russe à 63,87 euros en moyenne au mois d'avril, frais de port compris. Un prix au plus bas depuis que l'Inde a commencé à profiter des sanctions occidentales pour récupérer à bas prix les barils qui servaient les pays du G7 jusqu'alors.
Les prix auxquels sont achetés ces barils sont très avantageux. A titre de comparaison, le baril venu d'Arabie saoudite se monnayait à 81,42 euros en moyenne pour les importateurs indiens au mois d'avril, et celui venu d'Irak à 72,82 euros, toujours selon Vortexa. Les importations de pétrole venu d'Arabie saoudite ont d'ailleurs atteint un niveau historiquement bas au mois de mai.
Les statistiques de mai ne seront publiées qu'en juillet, mais les experts estiment que les prix poursuivent leur baisse. Et pour cause : le prix du Brent servant de référence aux prix mondiaux a reculé de 9 % lors du mois écoulé .
Exportations vers l'Europe
L'aubaine ne s'arrête pas là pour New Delhi, qui a considérablement augmenté les volumes de pétrole raffiné qu'il exporte vers l'Europe . Selon un rapport publié par la société Kpler, il est devenu le plus gros fournisseur de produits raffinés de l'Union européenne, avec 360.000 barils exportés chaque jour vers les ports européens.
Malgré l'embargo décidé par les pays du G7 sur le brut et les produits raffinés venus de Russie, le pétrole russe continue de trouver le chemin des pompes européennes. Les Indiens empochent une jolie marge au passage. Deux entreprises privées captent près de la moitié du pétrole russe pour le raffiner : Reliance, le conglomérat contrôlé par Mukesh Ambani, l'un des hommes les plus riches d'Asie, et Nayara Energy, une société à capitaux indiens et russes détenue en partie par Rosneft.
Bruxelles hausse le ton
Initialement, Bruxelles ne s'était pas ému outre mesure de ce tour de passe-passe. Car en interdisant les exportations vers le G7 et en imposant un prix plafond sur le baril russe, le but de l'UE était justement de porter un coup au portefeuille de Moscou sans provoquer un choc de l'offre qui aurait eu des conséquences dévastatrices pour l'économie mondiale.
Mais la combine indienne semble désormais agacer les fonctionnaires bruxellois. Mi-mai, le haut représentant de l'UE pour les Affaires étrangères, Josep Borrell, a estimé que l'importation en Europe de diesel et d'essence fabriqués en Inde à partir de pétrole russe constituait « assurément un contournement des sanctions » . Piqué au vif, Subrahmanyam Jaishankar, ministre indien des Affaires étrangères, avait répliqué sèchement en appelant les responsables de l'UE à relire la législation européenne.
Les Echos Publié le 3 juin 2023 à 17:19
Environ 40 % du pétrole importé en Inde vient de Russie. C'était moins de 1 % avant le début de la guerre en Ukraine (AFP)Publié le 3 juin 2023 à 17:19
Nouveau record pour l'Inde. En mai, le pays a importé 1,96 million de barils de pétrole venus de Russie, selon la société d'analyse Vortexa. Un nouveau record, supérieur de 15 % à celui du mois d'avril.
Depuis le début de la guerre en Ukraine, l'Inde, qui dépend à plus de 80 % de l'étranger pour ses besoins pétroliers, a considérablement augmenté ses achats de brut en provenance de Russie. Avant février 2022, le pétrole russe représentait à peine 1 % de ses importations. Selon Kpler, c'est désormais 40 %. La Russie est ainsi devenu le premier fournisseur de l'Inde, devant l'Arabie saoudite et l'Irak.
Opération rentable
Pour acheminer tout ce pétrole, une mystérieuse société baptisée Gatik a acquis 56 tankers en l'espace de douze mois. Selon une enquête effectuée par le « Financial Times », tout porte à croire
L'opération est rentable pour New Delhi, car ces barils sont achetés en dessous des prix du marché. Dans les dix mois qui ont suivi l'invasion russe, l'Inde aurait ainsi économisé 3,3 milliards de dollars, ce qui l'a aidée à contenir les poussées inflationnistes et limiter la hausse des prix à la pompe.
Prix très bas
Selon les statistiques du gouvernement indien, Delhi a acheté les barils de pétrole russe à 63,87 euros en moyenne au mois d'avril, frais de port compris. Un prix au plus bas depuis que l'Inde a commencé à profiter des sanctions occidentales pour récupérer à bas prix les barils qui servaient les pays du G7 jusqu'alors.
Les prix auxquels sont achetés ces barils sont très avantageux. A titre de comparaison, le baril venu d'Arabie saoudite se monnayait à 81,42 euros en moyenne pour les importateurs indiens au mois d'avril, et celui venu d'Irak à 72,82 euros, toujours selon Vortexa. Les importations de pétrole venu d'Arabie saoudite ont d'ailleurs atteint un niveau historiquement bas au mois de mai.
Les statistiques de mai ne seront publiées qu'en juillet, mais les experts estiment que les prix poursuivent leur baisse. Et pour cause : le prix du Brent servant de référence aux prix mondiaux a reculé de 9 % lors du mois écoulé .
Exportations vers l'Europe
L'aubaine ne s'arrête pas là pour New Delhi, qui a considérablement augmenté les volumes de pétrole raffiné qu'il exporte vers l'Europe . Selon un rapport publié par la société Kpler, il est devenu le plus gros fournisseur de produits raffinés de l'Union européenne, avec 360.000 barils exportés chaque jour vers les ports européens.
Malgré l'embargo décidé par les pays du G7 sur le brut et les produits raffinés venus de Russie, le pétrole russe continue de trouver le chemin des pompes européennes. Les Indiens empochent une jolie marge au passage. Deux entreprises privées captent près de la moitié du pétrole russe pour le raffiner : Reliance, le conglomérat contrôlé par Mukesh Ambani, l'un des hommes les plus riches d'Asie, et Nayara Energy, une société à capitaux indiens et russes détenue en partie par Rosneft.
Bruxelles hausse le ton
Initialement, Bruxelles ne s'était pas ému outre mesure de ce tour de passe-passe. Car en interdisant les exportations vers le G7 et en imposant un prix plafond sur le baril russe, le but de l'UE était justement de porter un coup au portefeuille de Moscou sans provoquer un choc de l'offre qui aurait eu des conséquences dévastatrices pour l'économie mondiale.
Mais la combine indienne semble désormais agacer les fonctionnaires bruxellois. Mi-mai, le haut représentant de l'UE pour les Affaires étrangères, Josep Borrell, a estimé que l'importation en Europe de diesel et d'essence fabriqués en Inde à partir de pétrole russe constituait « assurément un contournement des sanctions » . Piqué au vif, Subrahmanyam Jaishankar, ministre indien des Affaires étrangères, avait répliqué sèchement en appelant les responsables de l'UE à relire la législation européenne.
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