Lundi 3 avril, le Conseil d’administration du Fonds monétaire international (FMI) a approuvé un accord de deux ans pour le Maroc au titre de la ligne de crédit flexible (FCL) d’un montant équivalant à 3,7262 milliards de DTS (environ 5 milliards de dollars, soit l’équivalent de 417 % du quota).
A ce sujet, Hespress Fr s’est entretenu en exclusivité avec Roberto Cardarelli, chef de mission du FMI au Maroc, qui s’est confié sur cette FCL et l’usage qui devrait en être fait.
Hespress Fr : Cette ligne de crédit de 5 milliards de dollars représente un montant important dans ce contexte difficile. Comment ce crédit va-t-il se répercuter sur l’économie marocaine ? Quelle est la vision du FMI par rapport à cette FCL ? Sera-t-elle orientée vers l’économie nationale ou aussi vers le volet social ?
Roberto Cardarelli : La FCL représente presque la même chose que la LPL (Ligne de Précaution et de Liquidité) que le Maroc a conclue avec le FMI en 2012 et renouvelé pour la 3ème fois en décembre 2018, pour une période de deux ans, avec l’intention de l’utiliser comme assurance contre les chocs extrêmes, et qu’il a obtenue sur 8 ans (remboursable sur 5 ans, avec une période de grâce de 3 ans).
Le Maroc a donc décidé d’accéder au montant en mars 2020, lorsque le risque du Covid a commencé à se déplacer. Mais c’est plus au moins la même chose que la FCL. Sauf qu’il y a deux différences entre ces deux lignes.
La première est qu’il n’y a pas de conditionnalité avec la FCL. Tout le travail que nous avons réalisé, était pour vérifier si le Maroc était éligible. Mais une fois que la ligne est approuvée, il n’y a pas de conditions.
La deuxième différence est que la ligne de crédit modulaire (FCL) est réservée aux pays qui ont des politiques monétaires, fiscales, macroéconomiques et budgétaires très solides. La LPL, elle, est dédiée aux pays qui ont une politique et une situation macroéconomique solide. La différence est le mot « très ».
C’est très difficile d’imaginer la différence entre une institution solide et une institution très solide. Mais le FMI avait publié un rapport qui clarifie exactement comment le staff du FMI arrive à ces conclusions.
Il y a d’abord 9 critères à remplir, notamment sur la situation des réserves internationales, sur la position extérieure, la soutenabilité de la dette publique etc. Ces neuf conditions doivent être respectées et vérifiées, pour arriver à ces conclusions.
C’est la raison pour laquelle il est très difficile d’accéder à cette ligne de FCL. Jusqu’à présent, seulement 100 pays ont eu la possibilité d’accéder à la ligne modulaire, notamment le Mexique, la Colombie, le Pérou, et la Pologne.
Au-delà de ces deux différences, la ligne modulaire représente presque donc la même chose que la LPL. Ce qui signifie qu’il s’agit d’une ligne de crédit de précaution que le Maroc n’a pas à disposition. Les 5 milliards de dollars sont toujours avec le FMI.
Et comment en profiter alors ?
Si le scénario négatif, que nous avons décrit dans un rapport qui sera publié prochainement, se vérifie ! Nous avons préparé un scénario négatif pour le Maroc, pour justifier les 5 milliards de dollars. Pourquoi 5 milliards, et pas 7 ou 2 ou 4 ?
Parce que nous avons préparé un scénario où le choc négatif est sérieux, comme la croissance de l’Europe qui est au plus bas, le prix de la matière première qui est trop élevé. Nous avons introduit la sécheresse en 2024. Tous ces chocs vont créer des difficultés dans la balance de paiement et vont créer une nécessité de financement extérieur. L’accès aux 5 milliards va aider à combler ce manque.
En mars 2020, le dirham a commencé à se déprécier sur les marchés internationaux. Et à ce moment-là, la banque centrale a décidé d’élargir la bande autour du dirham, en l’augmentant à 5 %. Immédiatement, le taux de change du dirham a atteint la limite supérieure. Et là, la banque centrale a décidé de faire accéder le Maroc aux trois milliards de dollars qui étaient disponibles dans le cadre de la LPL. Et cette décision a été motivée par la volonté d’aider le Maroc à surmonter les défis.
On ne peut pas dire que la situation s’est améliorée seulement par l’accès à la LPL, mais après en avoir bénéficié, il y a eu une amélioration de la condition sur le marché. La pression sur le dirham a baissé, et le dirham a commencé à s’apprécier.
Donc, si ce scénario négatif de cette nature se vérifie encore une fois, le Maroc pourra effectivement accéder à la FCL. Et l’idée, c’est la possibilité d’accéder à ce montant et fournir une assurance additionnelle pour faire face à ce type de situation.
Donc si le pire scénario dressé pour le Maroc se précise, le Royaume peut accéder à l’argent. Dans le cas contraire, le Maroc peut-il décider de ne pas utiliser la ligne modulaire ?
Jusqu’au moment où le Maroc décide d’accéder ou pas à cette ligne modulaire, l’argent n’est pas disponible chez le Maroc, mais chez la banque centrale. L’argent demeure avec le FMI. Si la situation se complique, le Maroc peut y accéder.
Seulement, ça nécessite pour nous, le staff du FMI, de discuter et d’informer le Conseil exécutif, que le Maroc a décidé d’utiliser la ligne, parce que le scénario négatif s’est vérifié et s’est matérialisé, et que nous envisageons cet écart de financement extérieur qui va être comblé par la FCL. Mais la décision se trouve au niveau de la haute autorité.
C’est une question qui revient assez souvent au Maroc. C’est les conditions d’utilisation de cette ligne modulaire. Est-ce que vous confirmez qu’il n’y a pas de conditions, par exemple, d’ordre économique ou d’investissement qui seront imposées au Maroc par le FMI, s’il accède à cette ligne ?
Il n’y a pas de conditions. Tout le travail a été fait pour vérifier que le Maroc se qualifie pour la FCL. Une fois qu’ils ont pu arriver à la ligne, c’est à la haute autorité de décider de l’utiliser ou pas.
Qu’est ce qui a poussé le FMI à accorder cette FCL au Maroc ? Est-ce notamment le retrait du Maroc de la liste grise du GAFI ?
Ce dernier point est très important. La condition pour l’éligibilité à cette ligne, est que le cadre de régulation financière soit très solide et très fort. Et le fait que le Maroc était sur la liste grise était effectivement un problème. On ne pouvait pas conclure, alors que la régulation et la supervision financière étaient très solides lorsque le Maroc était sur la liste grise. C’était effectivement le seul problème que nous avons eu dans la discussion ici.
Sur les huit autres conditions, j’étais personnellement convaincu dès le début que le Maroc n’avait pas de problème. Atteindre tous ces critères qui sont, comme j’ai dit, la soutenabilité de la dette publique au niveau des réserves internationales qui étaient suffisantes, la position extérieure était en ligne avec les fondamentaux.
Le seul problème que nous avons eu effectivement est l’efficacité de la régulation de la supervision financière à cause de la liste grise du GAFI. Une fois que le Maroc est sorti de cette liste, nous avons conclu la procédure très rapidement.
Lorsque vous accordez un crédit à un pays, dans le cadre d’une FCL, et au cas où le pays est amené à utiliser cette ligne, comment se passe le remboursement de ce crédit auprès du FMI ?
Le pays a peu de temps pour rembourser le FMI. Par exemple, et dans le cadre de la LPL, le Maroc a déjà remboursé 1 milliard de dollars, début 2021, avant même les délais programmés, pour un total de 3 milliards de dollars accordés en mars 2020.
Le Maroc doit encore rembourser les deux milliards de dollars restants. Une petite partie sera remboursée l’année prochaine, la majorité en 2024, et la partie restante en 2025.
Peut-on dire que le Maroc est un bon payeur ?
Absolument. Le Maroc était le cas exemplaire pour la LPL, puisque l’utilisation de cette ligne de crédit de précaution est effectivement comme une assurance contre le risque qu’il y ait un choc négatif.
Et c’est certainement la façon avec laquelle le Maroc l’a utilisée. Le Maroc était un cas exemplaire. Il a remboursé près d’un tiers du montant avant la « deadline« . Et cela a aidé pour l’approbation de la FCL. Cela a été considéré comme un facteur positif.
hespress
A ce sujet, Hespress Fr s’est entretenu en exclusivité avec Roberto Cardarelli, chef de mission du FMI au Maroc, qui s’est confié sur cette FCL et l’usage qui devrait en être fait.
Hespress Fr : Cette ligne de crédit de 5 milliards de dollars représente un montant important dans ce contexte difficile. Comment ce crédit va-t-il se répercuter sur l’économie marocaine ? Quelle est la vision du FMI par rapport à cette FCL ? Sera-t-elle orientée vers l’économie nationale ou aussi vers le volet social ?
Roberto Cardarelli : La FCL représente presque la même chose que la LPL (Ligne de Précaution et de Liquidité) que le Maroc a conclue avec le FMI en 2012 et renouvelé pour la 3ème fois en décembre 2018, pour une période de deux ans, avec l’intention de l’utiliser comme assurance contre les chocs extrêmes, et qu’il a obtenue sur 8 ans (remboursable sur 5 ans, avec une période de grâce de 3 ans).
Le Maroc a donc décidé d’accéder au montant en mars 2020, lorsque le risque du Covid a commencé à se déplacer. Mais c’est plus au moins la même chose que la FCL. Sauf qu’il y a deux différences entre ces deux lignes.
La première est qu’il n’y a pas de conditionnalité avec la FCL. Tout le travail que nous avons réalisé, était pour vérifier si le Maroc était éligible. Mais une fois que la ligne est approuvée, il n’y a pas de conditions.
La deuxième différence est que la ligne de crédit modulaire (FCL) est réservée aux pays qui ont des politiques monétaires, fiscales, macroéconomiques et budgétaires très solides. La LPL, elle, est dédiée aux pays qui ont une politique et une situation macroéconomique solide. La différence est le mot « très ».
C’est très difficile d’imaginer la différence entre une institution solide et une institution très solide. Mais le FMI avait publié un rapport qui clarifie exactement comment le staff du FMI arrive à ces conclusions.
Il y a d’abord 9 critères à remplir, notamment sur la situation des réserves internationales, sur la position extérieure, la soutenabilité de la dette publique etc. Ces neuf conditions doivent être respectées et vérifiées, pour arriver à ces conclusions.
C’est la raison pour laquelle il est très difficile d’accéder à cette ligne de FCL. Jusqu’à présent, seulement 100 pays ont eu la possibilité d’accéder à la ligne modulaire, notamment le Mexique, la Colombie, le Pérou, et la Pologne.
Au-delà de ces deux différences, la ligne modulaire représente presque donc la même chose que la LPL. Ce qui signifie qu’il s’agit d’une ligne de crédit de précaution que le Maroc n’a pas à disposition. Les 5 milliards de dollars sont toujours avec le FMI.
Et comment en profiter alors ?
Si le scénario négatif, que nous avons décrit dans un rapport qui sera publié prochainement, se vérifie ! Nous avons préparé un scénario négatif pour le Maroc, pour justifier les 5 milliards de dollars. Pourquoi 5 milliards, et pas 7 ou 2 ou 4 ?
Parce que nous avons préparé un scénario où le choc négatif est sérieux, comme la croissance de l’Europe qui est au plus bas, le prix de la matière première qui est trop élevé. Nous avons introduit la sécheresse en 2024. Tous ces chocs vont créer des difficultés dans la balance de paiement et vont créer une nécessité de financement extérieur. L’accès aux 5 milliards va aider à combler ce manque.
En mars 2020, le dirham a commencé à se déprécier sur les marchés internationaux. Et à ce moment-là, la banque centrale a décidé d’élargir la bande autour du dirham, en l’augmentant à 5 %. Immédiatement, le taux de change du dirham a atteint la limite supérieure. Et là, la banque centrale a décidé de faire accéder le Maroc aux trois milliards de dollars qui étaient disponibles dans le cadre de la LPL. Et cette décision a été motivée par la volonté d’aider le Maroc à surmonter les défis.
On ne peut pas dire que la situation s’est améliorée seulement par l’accès à la LPL, mais après en avoir bénéficié, il y a eu une amélioration de la condition sur le marché. La pression sur le dirham a baissé, et le dirham a commencé à s’apprécier.
Donc, si ce scénario négatif de cette nature se vérifie encore une fois, le Maroc pourra effectivement accéder à la FCL. Et l’idée, c’est la possibilité d’accéder à ce montant et fournir une assurance additionnelle pour faire face à ce type de situation.
Donc si le pire scénario dressé pour le Maroc se précise, le Royaume peut accéder à l’argent. Dans le cas contraire, le Maroc peut-il décider de ne pas utiliser la ligne modulaire ?
Jusqu’au moment où le Maroc décide d’accéder ou pas à cette ligne modulaire, l’argent n’est pas disponible chez le Maroc, mais chez la banque centrale. L’argent demeure avec le FMI. Si la situation se complique, le Maroc peut y accéder.
Seulement, ça nécessite pour nous, le staff du FMI, de discuter et d’informer le Conseil exécutif, que le Maroc a décidé d’utiliser la ligne, parce que le scénario négatif s’est vérifié et s’est matérialisé, et que nous envisageons cet écart de financement extérieur qui va être comblé par la FCL. Mais la décision se trouve au niveau de la haute autorité.
C’est une question qui revient assez souvent au Maroc. C’est les conditions d’utilisation de cette ligne modulaire. Est-ce que vous confirmez qu’il n’y a pas de conditions, par exemple, d’ordre économique ou d’investissement qui seront imposées au Maroc par le FMI, s’il accède à cette ligne ?
Il n’y a pas de conditions. Tout le travail a été fait pour vérifier que le Maroc se qualifie pour la FCL. Une fois qu’ils ont pu arriver à la ligne, c’est à la haute autorité de décider de l’utiliser ou pas.
Qu’est ce qui a poussé le FMI à accorder cette FCL au Maroc ? Est-ce notamment le retrait du Maroc de la liste grise du GAFI ?
Ce dernier point est très important. La condition pour l’éligibilité à cette ligne, est que le cadre de régulation financière soit très solide et très fort. Et le fait que le Maroc était sur la liste grise était effectivement un problème. On ne pouvait pas conclure, alors que la régulation et la supervision financière étaient très solides lorsque le Maroc était sur la liste grise. C’était effectivement le seul problème que nous avons eu dans la discussion ici.
Sur les huit autres conditions, j’étais personnellement convaincu dès le début que le Maroc n’avait pas de problème. Atteindre tous ces critères qui sont, comme j’ai dit, la soutenabilité de la dette publique au niveau des réserves internationales qui étaient suffisantes, la position extérieure était en ligne avec les fondamentaux.
Le seul problème que nous avons eu effectivement est l’efficacité de la régulation de la supervision financière à cause de la liste grise du GAFI. Une fois que le Maroc est sorti de cette liste, nous avons conclu la procédure très rapidement.
Lorsque vous accordez un crédit à un pays, dans le cadre d’une FCL, et au cas où le pays est amené à utiliser cette ligne, comment se passe le remboursement de ce crédit auprès du FMI ?
Le pays a peu de temps pour rembourser le FMI. Par exemple, et dans le cadre de la LPL, le Maroc a déjà remboursé 1 milliard de dollars, début 2021, avant même les délais programmés, pour un total de 3 milliards de dollars accordés en mars 2020.
Le Maroc doit encore rembourser les deux milliards de dollars restants. Une petite partie sera remboursée l’année prochaine, la majorité en 2024, et la partie restante en 2025.
Peut-on dire que le Maroc est un bon payeur ?
Absolument. Le Maroc était le cas exemplaire pour la LPL, puisque l’utilisation de cette ligne de crédit de précaution est effectivement comme une assurance contre le risque qu’il y ait un choc négatif.
Et c’est certainement la façon avec laquelle le Maroc l’a utilisée. Le Maroc était un cas exemplaire. Il a remboursé près d’un tiers du montant avant la « deadline« . Et cela a aidé pour l’approbation de la FCL. Cela a été considéré comme un facteur positif.
hespress