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Monopoly sur les Champs-Élysées

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  • Monopoly sur les Champs-Élysées

    Fiat s'apprête à surgir en trombe sur les Champs-Élysées ! La décision aurait été prise à Turin dans les bureaux du Lingotto, la mythique usine du groupe qui abrite aujourd'hui la direction mondiale de la firme. À la fin de l'année dernière, le dossier est arrivé sur la table de la redoutable Commission d'équipement commercial (CDEC) de Paris qui l'a approuvé. Même l'inflexible adjointe de Bertrand Delanoë, Lyne Cohen-Solal, qui avait opposé une fin de non-recevoir au géant suédois de l'habillement H&M, n'a rien trouvé à y redire.

    Les Italiens ont, il est vrai, soigné leur demande. Le constructeur automobile a choisi de s'installer dans les locaux de l'ancien Drugstore Matignon au rond-point des Champs-Élysées. Au fil des ans, les quelque 800 mètres carrés du complexe avaient perdu leur âme et leur vitalité. Il ne reste plus guère qu'une pharmacie pour rappeler le concept night and day avec pub, journaux et restaurant importé des États-Unis à la fin des années 1960…

    À l'instar de plusieurs constructeurs, dont Toyota, Citroën, Renault, déjà sur les Champs, Fiat souhaite y exposer les modèles les plus prestigieux de ses trois marques, Fiat, Lancia et Alfa Romeo. Un restaurant devrait également ouvrir ses portes au début de l'année 2009. Le retour de Fiat sur les Champs-Élysées, plus de vingt ans après les avoir quittés, montre que « la plus belle avenue du monde» jouit d'une excellente santé. En 2007, ce sont une dizaine d'enseignes de prestige (Bompard, Oméga, Nespresso,…) qui s'y sont installées.

    Les Champs-Élysées ,la troisième avenue la plus chère du monde

    L'émoi suscité il y a quelques mois par le départ du bureau de La Poste, d'une pharmacie, et plus récemment la rumeur d'une fermeture de McDonald's n'est pas le signe d'une quelconque désertification. Rien à voir avec la suppression du tribunal de Péronne ou de la maternité de Clamecy ! Il s'agit d'une bataille entre propriétaires, alléchés par l'envolée du prix du mètre carré sur les 1 900 mètres qui séparent l'Obélisque de l'Arc de triomphe, et commerçants, entrés en résistance. Depuis longtemps, les enseignes ne sont plus propriétaires des lieux. Il ne reste guère que la Maison du Danemark, en fait l'État danois, qui soit restée propriétaire de son immeuble. Les deux restaurants qu'elle abrite et dont elle vient de confier la gérance aux frères Blanc lui rapportent de bons loyers qui lui permettent de se passer de subvention pour son animation culturelle et ses expositions.

    Les prix du mètre carré en vitrine à la location peuvent désormais dépasser les 10 000 euros par an. Les Champs-Élysées sont devenus la troisième avenue la plus chère du monde après la Ve Avenue et Causeway Bay à Hongkong. Un tiercé dont l'ordre pourrait encore évoluer avec l'évolution de l'euro…

    Ce qui partout ailleurs se limiterait à un conflit entre bailleurs et locataires se transforme donc en une véritable guerre économique qui oppose géants du commerce mondial, fonds de pension et investisseurs internationaux. Le plus que centenaire Comité des Champs-Élysées, association des commerçants de l'avenue, qui a senti que la bataille allait être sévère, s'est restructuré. Jean-Noël Reinhardt, le patron de Virgin, a pris la tête de la fronde. Il a sous le coude un plan de développement commercial commandé au cabinet d'études Clipperton. L'objectif : obtenir des pouvoirs publics une loi, un texte, un règlement qui permettent de contrôler les mouvements sur les Champs-Élysées. Pierre Lellouche, candidat malheureux à la mairie du VIIIe arrondissement de Paris, a rédigé une proposition de loi pour éviter la prédominance d'un secteur d'activité.

    En 2007, c'est l'annonce de l'arrivée d'H&M dans les 3 000 mètres carrés qu'occupait précédemment le Club Med qui a mis le feu aux poudres. Le suédois a pourtant choisi de confier la réalisation de son concept store à l'architecte Jean Nouvel. Mais après les installations de Gap, Zara, Benetton, la Ville de Paris a considéré que les enseignes de vêtements étaient déjà trop nombreuses. H&M a toutefois obtenu l'accord de la Commission nationale de l'équipement commercial (CNEC).

    Dépitée, la Ville a alors introduit un recours auprès du Conseil d'État qui n'a pas encore rendu sa décision. «Nous sommes à 39 % de vêtements pour l'ensemble de l'offre, explique Philippe Vincent, du cabinet Clipperton, c'est une limite que les grands centres s'interdisent de dépasser.» Soit.
    Vingt millions de touristes par an

    Ce sont surtout les conditions de la transaction financière qui ont donné le tournis aux riverains. H & M aurait versé quelque 20 millions d'euros pour entrer dans les murs et le propriétaire, la Société foncière lyonnaise, aurait quant à elle grassement indemnisé son ancien locataire, le Club Med. «Nous avons effectivement reçu un chèque qui nous a notamment permis de financer les travaux de notre nouvelle boutique à quelques mètres de là», raconte un porte-parole du voyagiste. La loi française encadre les loyers et les bailleurs doivent respecter des plafonds d'augmentation ou s'en remettre au tribunal. Pour éviter cet écueil et profiter à plein de la hausse des loyers, ces derniers préfèrent donc se débarrasser de leurs locataires, quitte à payer.

    Philippe Fatien, le patron du Queen, la célèbre boîte de nuit parisienne, a suivi l'épisode H&M avec attention. Son propriétaire, un Anglo-Saxon, veut le mettre dehors sans aucun dédommagement. Son loyer a déjà été revalorisé une fois par les tribunaux. Toujours en conflit avec son bailleur, il attend une nouvelle décision de justice. «À la fin des années 1980, j'ai participé à la relance de cette avenue, confie-t-il avec amertume, j'ai organisé des soirées dont on a parlé dans le monde entier, j'ai fait venir des stars et aujourd'hui on veut me jeter sans ménagement». Son loyer annuel serait passé en quelques années de 900 000 francs à plus d'un million d'euros… BMW et Madame Tussaud, le musée de cire londonien, seraient intéressés par le bail.

    Même Renault, dont la présence sur l'avenue remonte au début du siècle dernier, ne se sent pas à l'abri. L'ancien hôtel particulier de Louis Renault n'appartient plus au groupe. Désormais l'Atelier Renault est en location et le bail de 12 ans arrive à échéance à la fin de l'année 2009. Les juristes du constructeur sont sur le pied de guerre. «Rien n'est acquis, affirme Marc Grimaldi qui dirige l'établissement, nous avons un taux de fréquentation exceptionnel (plus de 41 000 visiteurs pour certaines expositions), mais le prix à payer est élevé. L'établissement est sous le contrôle de la direction marketing du groupe qui évalue en permanence sa pertinence.»

    Les 80 millions de chalands, dont 20 millions de touristes qui arpentent chaque année les trottoirs des Champs, suscitent la convoitise des grandes marques internationales, moins pour le chiffre d'affaires réalisé sur place que pour l'image et l'adresse. Malgré les «z'y va» de banlieue qui investissent les lieux le samedi soir, la pigallisation des rues alentour, la fermeture des cinémas… L'allée percée par Le Nôtre en 1667 a conservé son attractivité à travers le monde… Il n'est pas une grande capitale qui ne compare son artère commerciale la plus chic à l'avenue parisienne.

    Cependant, pour Isabelle Dabkowska, qui vit au-dessus de la galerie du Claridge depuis cinquante ans, la réalité est devenue bien triste. Cette jolie dame de 78 ans au chignon blond impeccable est l'une des dernières résidentes de l'avenue. Elle vit dans deux pièces minuscules, deux chambres d'hôtel réunies en appartement. Dans son immeuble, elle ne croise que des jeunes cadres étrangers qui restent quelques mois puis sont remplacés par d'autres…

    Aujourd'hui, elle n'ose plus flâner sur les Champs, de peur de se faire agresser. Il n'y a guère que Le Fouquet's qu'elle fréquente encore. Le dernier endroit du quartier où elle rencontre des «gens élégants». Mais pour combien de temps ? Son propriétaire veut récupérer les lieux... Décidément.



    Par le Figaro
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