Vivre dignement
Un Smig à 3 000 DH ? Trop lourd pour les entreprises. Quand bien même ce ne le serait pas, une famille peut-elle vivre dignement avec 3 000 DH par mois ?
Un Smig à 3 000 DH ! Cette proposition des syndicats fait sourire les patrons dans un premier temps. Puis, l’un d’eux, industriel, prêt à exhiber ses comptes dans l’heure, vous démontre par A+B que cela reviendrait à faire passer ses résultats dans le rouge. A supposer que ce patron respecte déjà le Smig actuel...
Les syndicats ne sont pas fous, ils savent bien qu’ils demandent l’impossible pour arracher le plus. Augmenter le salaire minimum de 50%, c’est condamner nombre d’entreprises à une mort certaine.
Et pourtant, qu’est-ce que 3 000 DH ? Peut-on vivre au Maroc aujourd’hui avec 3 000 DH par mois ? On survit plutôt, même quand les deux conjoints travaillent. Quand on a une famille à nourrir, des enfants à scolariser, des frais médicaux incompressibles, un loyer à payer et une facture de transport pour aller travailler, c’est l’un des postes budgétaires qui est sacrifié - souvent plusieurs - au profit de l’autre.
Cette logique de hausse du Smig risque de devenir une spirale infernale avec des cycles de contestation de plus en plus courts, donc plus de risque pour un tissu économique appelé, lui, à réduire ses charges pour devenir compétitif. Plutôt que de s’attaquer à augmenter sans cesse le revenu - bien qu’il faille l’augmenter raisonnablement -, il convient de chercher les moyens d’alléger les facteurs générateurs de dépenses pour ces salariés vulnérables. Et dans ce cadre, l’augmentation du prix des denrées alimentaires n’est qu’un élément parmi d’autres, car on trouve le produit de substitution, ou on se prive plus ou moins. Réduire les dépenses des ménages, c’est assurer un transport pas cher avec un réseau assez dense, des crèches de quartier gratuites pour ne pas avoir à payer une nounou, des écoles et lycées qui n’obligent pas une famille à payer 1 200 DH de cours supplémentaires par mois dans le meilleur des cas, de vrais soins médicaux gratuits - et sans avoir à recourir à la corruption - pour ceux qui en ont besoin. A l’heure où l’on parle de l’INDH pour lutter contre la pauvreté, une autre forme de précarité est en train de s’installer : celle de ces salariés qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts, celle de ces ménages qui mettent en vente des biens pour que leurs enfants puissent passer un bac qui leur évitera de devenir chômeurs, celle de ces enfants qui dînent de pain et de thé parce que leur père a dû prendre un petit taxi au lieu d’un bus pour aller au travail ce jour-là. Ce n’est pas la hausse du Smig qui résoudra les problèmes.
Fadel Agoumi
Publié le : 04/04/2008
Un Smig à 3 000 DH ? Trop lourd pour les entreprises. Quand bien même ce ne le serait pas, une famille peut-elle vivre dignement avec 3 000 DH par mois ?
Un Smig à 3 000 DH ! Cette proposition des syndicats fait sourire les patrons dans un premier temps. Puis, l’un d’eux, industriel, prêt à exhiber ses comptes dans l’heure, vous démontre par A+B que cela reviendrait à faire passer ses résultats dans le rouge. A supposer que ce patron respecte déjà le Smig actuel...
Les syndicats ne sont pas fous, ils savent bien qu’ils demandent l’impossible pour arracher le plus. Augmenter le salaire minimum de 50%, c’est condamner nombre d’entreprises à une mort certaine.
Et pourtant, qu’est-ce que 3 000 DH ? Peut-on vivre au Maroc aujourd’hui avec 3 000 DH par mois ? On survit plutôt, même quand les deux conjoints travaillent. Quand on a une famille à nourrir, des enfants à scolariser, des frais médicaux incompressibles, un loyer à payer et une facture de transport pour aller travailler, c’est l’un des postes budgétaires qui est sacrifié - souvent plusieurs - au profit de l’autre.
Cette logique de hausse du Smig risque de devenir une spirale infernale avec des cycles de contestation de plus en plus courts, donc plus de risque pour un tissu économique appelé, lui, à réduire ses charges pour devenir compétitif. Plutôt que de s’attaquer à augmenter sans cesse le revenu - bien qu’il faille l’augmenter raisonnablement -, il convient de chercher les moyens d’alléger les facteurs générateurs de dépenses pour ces salariés vulnérables. Et dans ce cadre, l’augmentation du prix des denrées alimentaires n’est qu’un élément parmi d’autres, car on trouve le produit de substitution, ou on se prive plus ou moins. Réduire les dépenses des ménages, c’est assurer un transport pas cher avec un réseau assez dense, des crèches de quartier gratuites pour ne pas avoir à payer une nounou, des écoles et lycées qui n’obligent pas une famille à payer 1 200 DH de cours supplémentaires par mois dans le meilleur des cas, de vrais soins médicaux gratuits - et sans avoir à recourir à la corruption - pour ceux qui en ont besoin. A l’heure où l’on parle de l’INDH pour lutter contre la pauvreté, une autre forme de précarité est en train de s’installer : celle de ces salariés qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts, celle de ces ménages qui mettent en vente des biens pour que leurs enfants puissent passer un bac qui leur évitera de devenir chômeurs, celle de ces enfants qui dînent de pain et de thé parce que leur père a dû prendre un petit taxi au lieu d’un bus pour aller au travail ce jour-là. Ce n’est pas la hausse du Smig qui résoudra les problèmes.
Fadel Agoumi
Publié le : 04/04/2008
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