La nouvelle tombée dimanche soir a fait l'effet d'une bombe : volant au secours de la banque Bear Stearns, JP Morgan Chase a accepté prendre le contrôle à 100 % de sa rivale au prix de 2 dollars seulement l'action, soit moins d'un dixième du cours de Bourse du vendredi précédent. JP Morgan ne paiera qu'environ 270 millions de dollars en actions, compte tenu des déboires de la Bear, qui a subi d'énormes pertes sur des investissements liés aux prêts immobiliers. La vente inclut l'immeuble qui abrite le siège de la banque sur Madison Avenue [il vaudrait à lui seul 1,2 milliard de dollars].
Dimanche, banquiers et décideurs se sont dépêchés de boucler les modalités de l'opération avant l'ouverture des marchés asiatiques lundi, de peur que la panique ne s'étende si la banque d'affaires ne trouvait pas preneur. Mais, à l'ouverture de la séance à Tokyo, la Bourse a plongé de plus de 4 % [le cours des banques européennes a également chuté sur tous les marchés du Vieux Continent, et Wall Street a ouvert en baisse]. Les investisseurs craignent en effet que d'autres établissements du secteur bancaire comme Lehman Brothers, qui n'a pas fini d'éponger ses pertes sur des investissements liés aux crédits hypothécaires, ne subissent de nouveaux coups durs.
L'accord, signé sous l'impulsion de la Réserve fédérale (Fed) et du ministère des Finances américain, scelle la chute stupéfiante d'une des plus prestigieuses institutions de Wall Street. La Bear a résisté aux aléas du marché depuis quatre-vingt-cinq ans, survivant à la crise de 1929 et à une dizaine de récessions, pour finalement se laisser emporter par la tempête qui secoue actuellement l'économie américaine. Vestige d'une époque révolue, elle baignait dans une culture à l'ancienne où la prise de risques était récompensée. Bear Stearns, qui n'a jamais vraiment fait partie du sérail, était considérée comme un outsider qui défiait ses concurrents.
Le bradage de la banque traduit de profonds doutes sur son avenir. Et de lourdes obligations incombent désormais à JP Morgan, qui devra garantir ses engagements. Fait exceptionnel, la Fed soutiendra l'opération, en accordant à Bear Stearns un prêt exceptionnel de 30 milliards de dollars à vingt-huit jours pour financer ses "actifs moins liquides" [les plus difficiles à vendre].
Dimanche soir, Wall Street était stupéfait. "C'est comme se réveiller en plein été et voir le sol recouvert de neige", commentait Ron Geffner, associé chez Sadis & Goldberg et ancien avocat chargé de l'application de la réglementation pour le compte de la Securities and Exchange Commission, le gendarme des marchés américains. "Le prix fixé montre que les problèmes de la Bear sont plus graves que ne le pensaient les clients et l'opinion."
L'accord est survenu au terme d'un week-end de négociations fébriles. Réunis en conférence téléphonique avec la Fed et le ministère des Finances à Washington, les dirigeants de Bear Stearns ont organisé une sorte de speed dating, les candidats éventuels au rachat étant rassemblés dans plusieurs salles de réunion au siège de la banque. Plus de 150 collaborateurs de JP Morgan ont investi les locaux pour éplucher ses comptes. Parallèlement, Bear Stearns préparait sa demande de mise sous protection de la loi sur les faillites en cas d'échec des négociations – signe de la gravité de la situation.
A l'issue de l'opération, un tiers des 14 000 salariés de la banque pourraient rester sur le carreau. Et de nombreux employés de JP Morgan risquent également de faire les frais de la fusion.
Par Andrew Ross Sorkin, The New York Times- Courrier International
Dimanche, banquiers et décideurs se sont dépêchés de boucler les modalités de l'opération avant l'ouverture des marchés asiatiques lundi, de peur que la panique ne s'étende si la banque d'affaires ne trouvait pas preneur. Mais, à l'ouverture de la séance à Tokyo, la Bourse a plongé de plus de 4 % [le cours des banques européennes a également chuté sur tous les marchés du Vieux Continent, et Wall Street a ouvert en baisse]. Les investisseurs craignent en effet que d'autres établissements du secteur bancaire comme Lehman Brothers, qui n'a pas fini d'éponger ses pertes sur des investissements liés aux crédits hypothécaires, ne subissent de nouveaux coups durs.
L'accord, signé sous l'impulsion de la Réserve fédérale (Fed) et du ministère des Finances américain, scelle la chute stupéfiante d'une des plus prestigieuses institutions de Wall Street. La Bear a résisté aux aléas du marché depuis quatre-vingt-cinq ans, survivant à la crise de 1929 et à une dizaine de récessions, pour finalement se laisser emporter par la tempête qui secoue actuellement l'économie américaine. Vestige d'une époque révolue, elle baignait dans une culture à l'ancienne où la prise de risques était récompensée. Bear Stearns, qui n'a jamais vraiment fait partie du sérail, était considérée comme un outsider qui défiait ses concurrents.
Le bradage de la banque traduit de profonds doutes sur son avenir. Et de lourdes obligations incombent désormais à JP Morgan, qui devra garantir ses engagements. Fait exceptionnel, la Fed soutiendra l'opération, en accordant à Bear Stearns un prêt exceptionnel de 30 milliards de dollars à vingt-huit jours pour financer ses "actifs moins liquides" [les plus difficiles à vendre].
Dimanche soir, Wall Street était stupéfait. "C'est comme se réveiller en plein été et voir le sol recouvert de neige", commentait Ron Geffner, associé chez Sadis & Goldberg et ancien avocat chargé de l'application de la réglementation pour le compte de la Securities and Exchange Commission, le gendarme des marchés américains. "Le prix fixé montre que les problèmes de la Bear sont plus graves que ne le pensaient les clients et l'opinion."
L'accord est survenu au terme d'un week-end de négociations fébriles. Réunis en conférence téléphonique avec la Fed et le ministère des Finances à Washington, les dirigeants de Bear Stearns ont organisé une sorte de speed dating, les candidats éventuels au rachat étant rassemblés dans plusieurs salles de réunion au siège de la banque. Plus de 150 collaborateurs de JP Morgan ont investi les locaux pour éplucher ses comptes. Parallèlement, Bear Stearns préparait sa demande de mise sous protection de la loi sur les faillites en cas d'échec des négociations – signe de la gravité de la situation.
A l'issue de l'opération, un tiers des 14 000 salariés de la banque pourraient rester sur le carreau. Et de nombreux employés de JP Morgan risquent également de faire les frais de la fusion.
Par Andrew Ross Sorkin, The New York Times- Courrier International
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