LE MONDE | 15.03.08 | 15h25 • Mis à jour le 15.03.08 |
L'Italie retient son souffle avant de connaître le détail de l'offre d'Air France-KLM pour la reprise de la compagnie aérienne Alitalia. Au terme de deux mois de négociations exclusives, le groupe italien, dont le conseil d'administration devait étudier la proposition française samedi 15 mars, n'a plus de marge de manoeuvre.
Sa trésorerie est exsangue. Les 282 millions d'euros en caisse fin janvier suffiront à peine pour attendre la recapitalisation de 750 millions d'euros promise par Air France-KLM. L'administrateur délégué, Maurizio Prato, a demandé au gouvernement d'étudier l'octroi d'un prêt relais de 250 millions d'euros, afin de tenir si la vente des 49,9 % du capital détenus par l'Etat venait à être retardée.
Or, l'inquiétude pour l'emploi, ainsi que les conditions politiques liées aux élections législatives des 13 et 14 avril, font entrevoir de nouveaux atermoiements lorsque Jean-Cyril Spinetta, le patron d'Air France, aura fait connaître ses conditions. L'aval des syndicats est loin d'être acquis. "Pas d'opposition de principe, mais pas de feu vert a priori non plus", a déclaré le porte-parole de la FILT-CGIL, principale organisation du transport aérien. Son secrétaire général, Fabrizio Solari, est encore plus net : " Si la proposition n'était pas satisfaisante pour l'emploi, l'hypothèse de la faillite ne serait pas la pire".
Outre les 1 700 suppressions d'emplois déjà évoquées à Alitalia, c'est le sort des 8 200 salariés d'AZ Servizi qui préoccupe le monde syndical. L'avenir de cette filiale d'Alitalia, spécialisée dans les services au sol et la maintenance, est l'un des noeuds qui restent à défaire et dont le gouvernement Prodi devra tenir compte, lundi 17 mars, en étudiant à son tour l'offre d'Air France-KLM. A cela s'ajoutent les pertes d'emplois induites par la suppression programmée de nombreuses dessertes d'Alitalia à l'aéroport de Milan-Malpensa.
La privatisation d'Alitalia ne pourra être actée que par le gouvernement sorti des urnes en avril. Favori dans les sondages, le leader de la droite et ancien premier ministre, Silvio Berlusconi, multiplie les déclarations embarrassées et à géométrie variable. Vingt-quatre heures après s'être montré "très critique sur la direction prise" et favorable à une contre-offre d'entrepreneurs italiens, Il Cavaliere s'est rallié à l'idée d'une "compagnie publique avec Alitalia, Air France et KLM, mais en maintenant Alitalia comme compagnie nationale avec le drapeau italien sur les avions". A condition, a-t-il ajouté, de mettre sur la table "une contribution de l'Etat".
De 2001 à 2006, son gouvernement n'avait pu que retarder l'échéance de la faillite d'Alitalia, par le biais d'une augmentation de capital d'environ 1 milliard d'euros, aujourd'hui consommée. Le choix actuel de privilégier l'aéroport de Rome comme unique "hub" d'Alitalia au détriment de celui de Milan était politiquement impossible : l'Italie du Nord est un grenier à voix pour Forza Italia, le parti berlusconien, et pour son allié, la Ligue du Nord. Cette réalité est constamment rappelée au candidat Berlusconi par le président de la région Lombardie, Roberto Formigoni, et par les industriels du Nord, opposés à la solution Air France-KLM, à moins d'un moratoire de trois ans pour le retrait des vols d'Alitalia à Malpensa. "Au fond de son coeur, Silvio Berlusconi aimerait bien pouvoir débuter l'aventure d'un nouveau gouvernement sans la patate chaude Alitalia", écrit La Stampa vendredi 14 mars.
Jean-Jacques Bozonnet
L'Italie retient son souffle avant de connaître le détail de l'offre d'Air France-KLM pour la reprise de la compagnie aérienne Alitalia. Au terme de deux mois de négociations exclusives, le groupe italien, dont le conseil d'administration devait étudier la proposition française samedi 15 mars, n'a plus de marge de manoeuvre.
Sa trésorerie est exsangue. Les 282 millions d'euros en caisse fin janvier suffiront à peine pour attendre la recapitalisation de 750 millions d'euros promise par Air France-KLM. L'administrateur délégué, Maurizio Prato, a demandé au gouvernement d'étudier l'octroi d'un prêt relais de 250 millions d'euros, afin de tenir si la vente des 49,9 % du capital détenus par l'Etat venait à être retardée.
Or, l'inquiétude pour l'emploi, ainsi que les conditions politiques liées aux élections législatives des 13 et 14 avril, font entrevoir de nouveaux atermoiements lorsque Jean-Cyril Spinetta, le patron d'Air France, aura fait connaître ses conditions. L'aval des syndicats est loin d'être acquis. "Pas d'opposition de principe, mais pas de feu vert a priori non plus", a déclaré le porte-parole de la FILT-CGIL, principale organisation du transport aérien. Son secrétaire général, Fabrizio Solari, est encore plus net : " Si la proposition n'était pas satisfaisante pour l'emploi, l'hypothèse de la faillite ne serait pas la pire".
Outre les 1 700 suppressions d'emplois déjà évoquées à Alitalia, c'est le sort des 8 200 salariés d'AZ Servizi qui préoccupe le monde syndical. L'avenir de cette filiale d'Alitalia, spécialisée dans les services au sol et la maintenance, est l'un des noeuds qui restent à défaire et dont le gouvernement Prodi devra tenir compte, lundi 17 mars, en étudiant à son tour l'offre d'Air France-KLM. A cela s'ajoutent les pertes d'emplois induites par la suppression programmée de nombreuses dessertes d'Alitalia à l'aéroport de Milan-Malpensa.
La privatisation d'Alitalia ne pourra être actée que par le gouvernement sorti des urnes en avril. Favori dans les sondages, le leader de la droite et ancien premier ministre, Silvio Berlusconi, multiplie les déclarations embarrassées et à géométrie variable. Vingt-quatre heures après s'être montré "très critique sur la direction prise" et favorable à une contre-offre d'entrepreneurs italiens, Il Cavaliere s'est rallié à l'idée d'une "compagnie publique avec Alitalia, Air France et KLM, mais en maintenant Alitalia comme compagnie nationale avec le drapeau italien sur les avions". A condition, a-t-il ajouté, de mettre sur la table "une contribution de l'Etat".
De 2001 à 2006, son gouvernement n'avait pu que retarder l'échéance de la faillite d'Alitalia, par le biais d'une augmentation de capital d'environ 1 milliard d'euros, aujourd'hui consommée. Le choix actuel de privilégier l'aéroport de Rome comme unique "hub" d'Alitalia au détriment de celui de Milan était politiquement impossible : l'Italie du Nord est un grenier à voix pour Forza Italia, le parti berlusconien, et pour son allié, la Ligue du Nord. Cette réalité est constamment rappelée au candidat Berlusconi par le président de la région Lombardie, Roberto Formigoni, et par les industriels du Nord, opposés à la solution Air France-KLM, à moins d'un moratoire de trois ans pour le retrait des vols d'Alitalia à Malpensa. "Au fond de son coeur, Silvio Berlusconi aimerait bien pouvoir débuter l'aventure d'un nouveau gouvernement sans la patate chaude Alitalia", écrit La Stampa vendredi 14 mars.
Jean-Jacques Bozonnet
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