Cap sur la répartition des fruits de la croissance
· Programmation pluriannuelle des dépenses publiques
· L’IR chutera de 42 à 38% d’ici 2015
Mondialisation oblige, les budgets de l’État font l’objet d’une philosophie nouvelle. «Nous sommes en rupture», répète le ministre de l’Économie et des Finances, Salaheddine Mezouar, dont le nom sera sans conteste attaché à ce changement. Il est vrai que son prédécesseur, Fatallah Oualalou, avait déjà pavé la voie. N’empêche que le défi reste entier, car il faut consolider les acquis, mais surtout oser. Exit le cycle de la pauvreté et de la déprime: «Le Maroc vient d’entrer dans celui de la croissance et des perspectives réjouissantes».
Invité à prononcer une conférence sur ce thème, lors de la cérémonie de remise du Prix de L’Économiste pour la recherche en économie et gestion, Salaheddine Mezouar s’est montré prolixe. Pas de langue de bois, beaucoup d’audace: des sujets comme la régionalisation ou la masse salariale de l’État ont été abordés sans détour.
«Nous avons dépassé la vision du maintien des équilibres et de la logique comptable», lance-t-il d’emblée. Aujourd’hui, le Maroc fait le choix des politiques volontaristes. «Nous savons que notre proximité géographique avec l’Europe n’assure en rien notre compétitivité». Il faut s’attaquer à l’enjeu très sérieux de la logistique. «Développer et renforcer ce facteur, il n’y a pas d’autre issue», prévient le ministre. Même constat en ce qui concerne le niveau des salaires. Nous sommes abordables certes, mais nous devons être «indispensables». Sur ce point, la position de Mezouar est claire et nette: «Formation, formation et formation. C’est le chemin qui mène vers le développement des compétences et l’amélioration de la productivité». Valorisation des ressources naturelles, plan Emergence, virage vers les énergies renouvelables, refonte de l’agriculture: la table est mise. Aujourd’hui, les finances publiques veulent parler productivité, intervention ciblée et développement durable. Enfin, Mezouar rappelle que le Maroc est le seul pays de la région à avoir signé autant de traités de libre-échange. «Il faut capitaliser sur l’accès à des marchés aussi diversifiés et importants». Le ministre des Finances place enfin la problématique de la régionalisation au cœur de ses préoccupations. «Comment nous assurer de la répartition équitable des richesses et des ressources sociales?», s’interroge Mezouar. De fait, quatre à cinq régions bénéficient de 70% des fruits de la croissance. «Faites le calcul, il reste 30% pour les onze autres». Rapidement le Maroc doit s’engager dans le développement des compétences locales et de l’attractivité de ses régions, puis dans la création de pôles économiques intégrés. «L’investissement doit pouvoir être réparti dans les régions, à travers des projets structurants qui ont un véritable impact». Et le ministre va encore plus loin: «Il faut repenser le budget, revoir la loi organique et l’adapter à cette nouvelle configuration!»
L’ère des ajustements structurels a été, il est vrai, des plus difficiles. «Mais nous l’avons traversée!», rappelle Mezouar. «Aujourd’hui, nos équilibres internes et externes sont assurés. Nous devons aller au-delà de leur simple maintien et au-delà de la gestion des contraintes». Accélération de la croissance: voilà le challenge pour lequel l’État se veut être le facilitateur, le stimulateur, l’accompagnateur. Ses ambitions sont d’ailleurs claires. «Notre croissance moyenne atteindra plus de 6%». Comment? En améliorant notamment notre compétitivité, en diversifiant notre économie, et en autonomisant notre rythme de croissance par rapport à l’agriculture. La croissance annuelle, hors agriculture, devra d’ailleurs dépasser les 7,5%.
En ce qui concerne la gestion du déficit, Mezouar se montre flexible, mais exigeant. «Je serais prêt à laisser courir le déficit jusqu’à 3% du PIB, mais il faudra s’interroger sur notre manière de gérer ces fonds». Ils devraient d’abord, selon lui, servir aux investissements. La compensation, qui va coûter cette année quelque 20 milliards de DH, devra suivre un modèle mieux ciblé.
Question privatisation, Mezouar sait bien qu’il n’y a plus de ressources à attendre pour le budget. Il rappelle cependant que des géants comme Boeing, Alstom ou Suez sont aussi nés de politiques publiques d’intégration économique. «Les grandes structures doivent ouvrir leur capital pour assurer leur rôle d’investisseur».
Fait nouveau: le Maroc lèvera dorénavant le voile sur sa politique budgétaire, en assurant une meilleure visibilité. «Il faut effectuer une programmation pluriannuelle des dépenses», tranche le ministre.
Et maintenant, comment accélérer la croissance, tout en maintenant nos équilibres externes et internes? Le premier point à l’agenda des Finances est de corriger les rigidités des structures de dépenses publiques. L’exemple de la Caisse de compensation est tout indiqué: «Ce n’est pas le montant qui importe, mais bien où va l’argent». Idem pour la masse salariale de l’État, dont la structure et l’organisation doivent être revues. «Même le système de recrutement sera revisité».
Enfin, le Maroc doit pouvoir maîtriser la pression de l’inflation. «Il faut préparer l’économie marocaine au passage à un régime de change plus flexible». Et pour Mezouar, cela passe par des politiques d’ouverture et des stratégies d’internationalisation des entreprises. Pas question, toutefois, de laisser tomber le dirham: les transferts des MRE et le tourisme valent à eux seuls plus de neuf mois d’importation. Mais tout de même, ne perdons pas de vue que l’un des enjeux majeurs de notre compétitivité à l’international se situe dans la réduction de notre déficit commercial. «Je crois que nous pourrions atteindre un équilibre à ce niveau d’ici cinq ans», avance le ministre, tout en rappelant que plus de la moitié de ce déficit (55%) est liée aux produits pétroliers.
La nouvelle loi de Finances a déjà mis la table quant à la philosophie fiscale dans laquelle s’est engagé le Maroc. En faisant chuter l’impôt sur les sociétés de 35 à 30%, le ministère des Finances envoie un signal clair: «Nous irons vite et fort». À partir de 2010, la diminution se poursuivra, à raison d’un point par an, jusqu’à ce que l’IS atteigne 25%. «C’est un contrat de confiance entre l’État et le secteur privé», affirme le ministre de l’Économie et des Finances, Salaheddine Mezouar.
En 2009, l’impôt sur le revenu suivra la même tendance, mais on ne sait pas encore à quel rythme. D’ici 2015, l’objectif est cependant de faire passer son taux de 42 à 38%, en haussant le seuil d’exonération à 30.000 DH, contre 24.000 actuellement. La taxe sur la valeur ajoutée devrait, quant à elle, se fixer à 18% d’ici 2012.
Marie-Hélène GIGUÈRE.
Sources.L'économiste.
· Programmation pluriannuelle des dépenses publiques
· L’IR chutera de 42 à 38% d’ici 2015
Mondialisation oblige, les budgets de l’État font l’objet d’une philosophie nouvelle. «Nous sommes en rupture», répète le ministre de l’Économie et des Finances, Salaheddine Mezouar, dont le nom sera sans conteste attaché à ce changement. Il est vrai que son prédécesseur, Fatallah Oualalou, avait déjà pavé la voie. N’empêche que le défi reste entier, car il faut consolider les acquis, mais surtout oser. Exit le cycle de la pauvreté et de la déprime: «Le Maroc vient d’entrer dans celui de la croissance et des perspectives réjouissantes».
Invité à prononcer une conférence sur ce thème, lors de la cérémonie de remise du Prix de L’Économiste pour la recherche en économie et gestion, Salaheddine Mezouar s’est montré prolixe. Pas de langue de bois, beaucoup d’audace: des sujets comme la régionalisation ou la masse salariale de l’État ont été abordés sans détour.
«Nous avons dépassé la vision du maintien des équilibres et de la logique comptable», lance-t-il d’emblée. Aujourd’hui, le Maroc fait le choix des politiques volontaristes. «Nous savons que notre proximité géographique avec l’Europe n’assure en rien notre compétitivité». Il faut s’attaquer à l’enjeu très sérieux de la logistique. «Développer et renforcer ce facteur, il n’y a pas d’autre issue», prévient le ministre. Même constat en ce qui concerne le niveau des salaires. Nous sommes abordables certes, mais nous devons être «indispensables». Sur ce point, la position de Mezouar est claire et nette: «Formation, formation et formation. C’est le chemin qui mène vers le développement des compétences et l’amélioration de la productivité». Valorisation des ressources naturelles, plan Emergence, virage vers les énergies renouvelables, refonte de l’agriculture: la table est mise. Aujourd’hui, les finances publiques veulent parler productivité, intervention ciblée et développement durable. Enfin, Mezouar rappelle que le Maroc est le seul pays de la région à avoir signé autant de traités de libre-échange. «Il faut capitaliser sur l’accès à des marchés aussi diversifiés et importants». Le ministre des Finances place enfin la problématique de la régionalisation au cœur de ses préoccupations. «Comment nous assurer de la répartition équitable des richesses et des ressources sociales?», s’interroge Mezouar. De fait, quatre à cinq régions bénéficient de 70% des fruits de la croissance. «Faites le calcul, il reste 30% pour les onze autres». Rapidement le Maroc doit s’engager dans le développement des compétences locales et de l’attractivité de ses régions, puis dans la création de pôles économiques intégrés. «L’investissement doit pouvoir être réparti dans les régions, à travers des projets structurants qui ont un véritable impact». Et le ministre va encore plus loin: «Il faut repenser le budget, revoir la loi organique et l’adapter à cette nouvelle configuration!»
L’ère des ajustements structurels a été, il est vrai, des plus difficiles. «Mais nous l’avons traversée!», rappelle Mezouar. «Aujourd’hui, nos équilibres internes et externes sont assurés. Nous devons aller au-delà de leur simple maintien et au-delà de la gestion des contraintes». Accélération de la croissance: voilà le challenge pour lequel l’État se veut être le facilitateur, le stimulateur, l’accompagnateur. Ses ambitions sont d’ailleurs claires. «Notre croissance moyenne atteindra plus de 6%». Comment? En améliorant notamment notre compétitivité, en diversifiant notre économie, et en autonomisant notre rythme de croissance par rapport à l’agriculture. La croissance annuelle, hors agriculture, devra d’ailleurs dépasser les 7,5%.
En ce qui concerne la gestion du déficit, Mezouar se montre flexible, mais exigeant. «Je serais prêt à laisser courir le déficit jusqu’à 3% du PIB, mais il faudra s’interroger sur notre manière de gérer ces fonds». Ils devraient d’abord, selon lui, servir aux investissements. La compensation, qui va coûter cette année quelque 20 milliards de DH, devra suivre un modèle mieux ciblé.
Question privatisation, Mezouar sait bien qu’il n’y a plus de ressources à attendre pour le budget. Il rappelle cependant que des géants comme Boeing, Alstom ou Suez sont aussi nés de politiques publiques d’intégration économique. «Les grandes structures doivent ouvrir leur capital pour assurer leur rôle d’investisseur».
Fait nouveau: le Maroc lèvera dorénavant le voile sur sa politique budgétaire, en assurant une meilleure visibilité. «Il faut effectuer une programmation pluriannuelle des dépenses», tranche le ministre.
Et maintenant, comment accélérer la croissance, tout en maintenant nos équilibres externes et internes? Le premier point à l’agenda des Finances est de corriger les rigidités des structures de dépenses publiques. L’exemple de la Caisse de compensation est tout indiqué: «Ce n’est pas le montant qui importe, mais bien où va l’argent». Idem pour la masse salariale de l’État, dont la structure et l’organisation doivent être revues. «Même le système de recrutement sera revisité».
Enfin, le Maroc doit pouvoir maîtriser la pression de l’inflation. «Il faut préparer l’économie marocaine au passage à un régime de change plus flexible». Et pour Mezouar, cela passe par des politiques d’ouverture et des stratégies d’internationalisation des entreprises. Pas question, toutefois, de laisser tomber le dirham: les transferts des MRE et le tourisme valent à eux seuls plus de neuf mois d’importation. Mais tout de même, ne perdons pas de vue que l’un des enjeux majeurs de notre compétitivité à l’international se situe dans la réduction de notre déficit commercial. «Je crois que nous pourrions atteindre un équilibre à ce niveau d’ici cinq ans», avance le ministre, tout en rappelant que plus de la moitié de ce déficit (55%) est liée aux produits pétroliers.
Fiscalité: Le Maroc envoie un signal fort
La nouvelle loi de Finances a déjà mis la table quant à la philosophie fiscale dans laquelle s’est engagé le Maroc. En faisant chuter l’impôt sur les sociétés de 35 à 30%, le ministère des Finances envoie un signal clair: «Nous irons vite et fort». À partir de 2010, la diminution se poursuivra, à raison d’un point par an, jusqu’à ce que l’IS atteigne 25%. «C’est un contrat de confiance entre l’État et le secteur privé», affirme le ministre de l’Économie et des Finances, Salaheddine Mezouar.
En 2009, l’impôt sur le revenu suivra la même tendance, mais on ne sait pas encore à quel rythme. D’ici 2015, l’objectif est cependant de faire passer son taux de 42 à 38%, en haussant le seuil d’exonération à 30.000 DH, contre 24.000 actuellement. La taxe sur la valeur ajoutée devrait, quant à elle, se fixer à 18% d’ici 2012.
Marie-Hélène GIGUÈRE.
Sources.L'économiste.
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