[ 11/01/08 ] Les Echos
La perte de pouvoir d'achat n'est pas qu'une problématique franco-française. Chez nos principaux partenaires aussi, à commencer par l'Allemagne, les ménages ont des fins de mois difficiles. La faute au « choc des prix », ressenti depuis deux ou trois mois, mais pas seulement...
La question du pouvoir d'achat n'obsède pas seulement les consommateurs français. Elle dépasse même largement les frontières hexagonales. Si les ménages français se plaignent des prix du café et des restaurants, les Italiens pestent contre celui des pâtes et du carburant, les Espagnols enragent contre le prix de l'huile d'olive et le coût du crédit, et les Britanniques grognent contre celui du gaz et des « fish and chips ». La grogne des consommateurs européens a atteint un niveau tel qu'elle est souvent brandie par l'opposition comme la preuve éclatante des carences de leur gouvernement respectif.
Le mécontentement, quasi général, s'expliquerait d'abord par un « choc des prix », ressenti depuis deux ou trois mois. « Ce choc est lié à la combinaison d'une forte hausse des prix alimentaires et des prix énergétiques », explique Jacques Cailloux, chef économiste zone euro de la Royal Bank of Scotland. A laquelle s'ajoute, plus particulièrement en Espagne et au Royaume-Uni, la hausse des taux du crédit pour des ménages souvent lourdement endettés pour l'achat de leur logement. « Les consommateurs ont réagi à ce choc par un fort ralentissement de la consommation, comme on l'a vu en Allemagne, où les ventes de détail se sont contractées nettement au quatrième trimestre », poursuit l'économiste. Pour lui, le problème ne vient donc pas des salaires, « plutôt en hausse qu'en baisse dans la zone euro », ni du marché du travail, en meilleure posture qu'au début 2007.
« Un recul de 2 % »
Si la réalité des fins de mois difficiles affecte depuis peu les Espagnols et les Britanniques, habitués depuis des années à des rythmes de croissance et des progressions des salaires confortables, il n'en va pas de même en Allemagne, où les difficultés des salariés remontent à plusieurs années. « Presque toute la valeur ajoutée créée depuis trois ans dans ce pays a été récupérée par les entreprises. Les salariés du secteur public ont enregistré un recul de 2 % à 2,5 % de leur pouvoir d'achat et le secteur privé n'a pas été beaucoup mieux loti. Le revenu disponible des ménages a donc progressé très faiblement et ne s'est pas accéléré en 2007 alors même que la croissance redémarrait », rappelle Alexandre Bourgeois, économiste à Ixis CIB. Pour l'Allemagne donc, la perte de pouvoir d'achat est nette et plus ancienne. « Si elle est moins apparue dans le débat public, c'est parce qu'il s'est dégagé un consensus dans la société allemande pour régler le problème de sous-compétitivité dont le pays avait souffert dans les années 2000-2001 », souligne Alexandre Bourgeois. Entre 2002 et 2007, la croissance moyenne de la consommation des ménages allemands a progressé de 0,1 %, à comparer à 2,2 % pour la France et à 3,5 % pour l'Espagne.
Productivité, emploi, fiscalité
Jean-François Jamet, consultant à la Banque mondiale, s'est penché sur le pouvoir d'achat dans la zone euro sur une longue période. Pour lui, le sentiment de stagnation du pouvoir d'achat remonte au début des années 2000, et il a été amplifié par le contraste avec la fin des années 1990 : « Le pouvoir d'achat dans la zone euro ne s'est accru que de 1,5 % entre 2001 et 2005, soit moins que pour la seule année 2000. » Et, paradoxalement, il a progressé en moyenne de 2 % en 2007 comme en 2006. Selon lui, les racines du problème sont à rechercher non pas dans les prix, qui restent modérés, mais dans la faible croissance de la productivité, dans le taux d'emploi insuffisant des jeunes et des seniors, et dans une fiscalité qui pèse sur les salaires et sur les revenus. « L'économie française pèche dans ces trois domaines alors que l'Espagne, par exemple, a des taux d'emploi plus élevés grâce à l'immigration, que l'Allemagne jouit aujourd'hui d'une compétitivité retrouvée et que l'Irlande bénéficie d'une fiscalité allégée. » Autant de leviers sur lesquels la France peut jouer mais sans en attendre de résultats immédiats.
La perte de pouvoir d'achat n'est pas qu'une problématique franco-française. Chez nos principaux partenaires aussi, à commencer par l'Allemagne, les ménages ont des fins de mois difficiles. La faute au « choc des prix », ressenti depuis deux ou trois mois, mais pas seulement...
La question du pouvoir d'achat n'obsède pas seulement les consommateurs français. Elle dépasse même largement les frontières hexagonales. Si les ménages français se plaignent des prix du café et des restaurants, les Italiens pestent contre celui des pâtes et du carburant, les Espagnols enragent contre le prix de l'huile d'olive et le coût du crédit, et les Britanniques grognent contre celui du gaz et des « fish and chips ». La grogne des consommateurs européens a atteint un niveau tel qu'elle est souvent brandie par l'opposition comme la preuve éclatante des carences de leur gouvernement respectif.
Le mécontentement, quasi général, s'expliquerait d'abord par un « choc des prix », ressenti depuis deux ou trois mois. « Ce choc est lié à la combinaison d'une forte hausse des prix alimentaires et des prix énergétiques », explique Jacques Cailloux, chef économiste zone euro de la Royal Bank of Scotland. A laquelle s'ajoute, plus particulièrement en Espagne et au Royaume-Uni, la hausse des taux du crédit pour des ménages souvent lourdement endettés pour l'achat de leur logement. « Les consommateurs ont réagi à ce choc par un fort ralentissement de la consommation, comme on l'a vu en Allemagne, où les ventes de détail se sont contractées nettement au quatrième trimestre », poursuit l'économiste. Pour lui, le problème ne vient donc pas des salaires, « plutôt en hausse qu'en baisse dans la zone euro », ni du marché du travail, en meilleure posture qu'au début 2007.
« Un recul de 2 % »
Si la réalité des fins de mois difficiles affecte depuis peu les Espagnols et les Britanniques, habitués depuis des années à des rythmes de croissance et des progressions des salaires confortables, il n'en va pas de même en Allemagne, où les difficultés des salariés remontent à plusieurs années. « Presque toute la valeur ajoutée créée depuis trois ans dans ce pays a été récupérée par les entreprises. Les salariés du secteur public ont enregistré un recul de 2 % à 2,5 % de leur pouvoir d'achat et le secteur privé n'a pas été beaucoup mieux loti. Le revenu disponible des ménages a donc progressé très faiblement et ne s'est pas accéléré en 2007 alors même que la croissance redémarrait », rappelle Alexandre Bourgeois, économiste à Ixis CIB. Pour l'Allemagne donc, la perte de pouvoir d'achat est nette et plus ancienne. « Si elle est moins apparue dans le débat public, c'est parce qu'il s'est dégagé un consensus dans la société allemande pour régler le problème de sous-compétitivité dont le pays avait souffert dans les années 2000-2001 », souligne Alexandre Bourgeois. Entre 2002 et 2007, la croissance moyenne de la consommation des ménages allemands a progressé de 0,1 %, à comparer à 2,2 % pour la France et à 3,5 % pour l'Espagne.
Productivité, emploi, fiscalité
Jean-François Jamet, consultant à la Banque mondiale, s'est penché sur le pouvoir d'achat dans la zone euro sur une longue période. Pour lui, le sentiment de stagnation du pouvoir d'achat remonte au début des années 2000, et il a été amplifié par le contraste avec la fin des années 1990 : « Le pouvoir d'achat dans la zone euro ne s'est accru que de 1,5 % entre 2001 et 2005, soit moins que pour la seule année 2000. » Et, paradoxalement, il a progressé en moyenne de 2 % en 2007 comme en 2006. Selon lui, les racines du problème sont à rechercher non pas dans les prix, qui restent modérés, mais dans la faible croissance de la productivité, dans le taux d'emploi insuffisant des jeunes et des seniors, et dans une fiscalité qui pèse sur les salaires et sur les revenus. « L'économie française pèche dans ces trois domaines alors que l'Espagne, par exemple, a des taux d'emploi plus élevés grâce à l'immigration, que l'Allemagne jouit aujourd'hui d'une compétitivité retrouvée et que l'Irlande bénéficie d'une fiscalité allégée. » Autant de leviers sur lesquels la France peut jouer mais sans en attendre de résultats immédiats.
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