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La hausse des prix mécontente de plus en plus la population chinoise

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  • La hausse des prix mécontente de plus en plus la population chinoise

    Au croisement des rues Shuchang et Yongnian, dans le sud de Shanghaï, l'étal, avec ses pattes de poulet, son tofu (fromage de soja) et ses abats, baigne sous la lumière des ampoules nues. "Allez-y, les prix ne changent pas chez nous", ment la patronne aux passants, en ce mois de décembre. Elle reconnaît pourtant, si on le lui demande, que le museau de porc a dû passer de 12 à 18 yuans (1,8 euro) la demi-livre, depuis le début de l'année. Venue du Fujian, elle est là depuis dix ans, et rêve d'émigrer au Canada. "Le gaz a augmenté de 10 % ! Le loyer a augmenté !" se justifie-t-elle. "L'huile. C'est l'huile, surtout : 50 % !" dit une vieille dame qui a sorti son chien. Sa pension, reconnaît-elle, a quand même progressé : de 950 à 1 070 yuans (10,7 euros).

    "Les gens survivent... Regardez, ils ont même des chiens !", raille un habitant de ce quartier populaire. L'un des travailleurs du chantier voisin, qui vient acheter une barquette d'abats en sauce, s'étonne du prix mais, goguenard, explique qu'il gagne cette année 100 yuans (10 euros) par jour contre 80 en 2006 (8 euros).

    L'employée du supermarché Lianhua, tout proche, se plaint, elle, que sa paie n'a pas bougé d'un mao (un dixième de yuan). "Les prix augmentent ? Eh bien, on consomme moins", dit-elle. "C'est à cause de ce qui se passe dans le monde", croit savoir la patronne de l'étal, reprenant l'antienne des dirigeants, qui accusent l'envolée des prix mondiaux.

    A Shanghaï, comme ailleurs en Chine, l'inflation est devenue le premier sujet de conversation, celui qui, comme le mauvais temps, met tout le monde d'accord. Les prix à la consommation ont grimpé de 6,9 % par rapport à novembre 2006.

    Ce taux, le plus élevé depuis onze ans, cache de grandes disparités, puisque le porc a pris, en douze mois, près de 55 %. L'huile, le poulet ont connu des hausses similaires. Le dynamisme de l'économie chinoise, l'abondance des liquidités en amortissent pour l'instant l'impact, et les salaires sont à la hausse : nombre d'usines privées du Zhejiang, l'hinterland de Shanghaï, reconnaissent qu'elles proposent des augmentations pour garder leurs ouvriers.

    TERRAIN MINÉ

    C'est loin d'être toujours le cas : dans le Shandong (Est), à Zibo, plusieurs milliers d'employés d'une raffinerie du géant public Sinopec ont débrayé, le 3 décembre, et manifesté pendant plus d'une semaine, demandant des subventions et une augmentation (leur salaire, à 1 600 yuans (160 euros), n'avait gagné que 200 yuans en dix ans) pour compenser le renchérissement du coût de la vie. Aucun média chinois n'a relayé l'incident, rapporté par le Centre d'information sur les droits de l'homme et la démocratie à Hongkong.

    Parce qu'il est tangible, le thème de l'inflation cristallise l'exaspération des laissés-pour-compte, paysans, ouvriers, mais aussi déclassés des usines d'Etat, jeunes diplômés et petits commerçants qui supportent mal les écarts de richesse croissants.

    Le 15 novembre, le portail internet chinois QQ a lancé une discussion sur son forum avec la question "Avez-vous pu acheter de la viande récemment ?", que les téléspectateurs du journal télévisé avaient vu poser peu auparavant par le premier ministre Wen Jiabao rendant visite à des gens modestes dans le vieux Pékin.

    "Quel sacré acteur !", a raillé un internaute. "Alors, lui, il ose parler de la viande, alors qu'on ne peut même pas se payer du soja !", a lâché un autre. "On ferait mieux de se convertir à l'islam !", lit-on plus loin.
    Les commentaires ont aussi porté sur la corruption et son "coût", qui serait désormais "répercuté" sur les consommateurs... Un terrain miné pour le pouvoir communiste.

    Brice Pedroletti (Le Monde)
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