Les émigrés gagnent au change
Pour les milliers d'émigrés qui viennent passer les vacances d'été en Algérie, c'est déjà la période du retour avec les tracasseries des réservations notamment et les longues listes d'attente pour ceux qui n'ont pas pris toutes les précautions. Ces derniers temps, de plus en plus d'émigrés repartent les bagages pleins. Tout y est, du démodulateur, au portable en passant même par les articles scolaires.
Comme à chaque été, le marché informel des devises connaît une activité particulière. Et les opportunités de «bonnes affaires» ne manquent pas aujourd'hui en Algérie. Il y a l'embarras du choix. Aux ports et aux aéroports algériens, la fin de l'été de ces dernières années, on assiste à un phénomène inverse, comme en témoigne le volume de bagages emportés au départ des émigrés. Finis donc ces petits souvenirs et ces petits cadeaux qu'on ramène dans un coin de valise et qui rappellent une fois rentré de vacances, l'air du bled. Les boutiquiers de souvenirs vous le diront, les affaires ne marchent plus comme avant. Il est vrai que les ustensiles en cuivre bien ciselés, la bijouterie traditionnelle ou encore les objets sculptés en bois font toujours recette, mais ne constituent plus la tasse de thé des Algériens d'un été.
A Constantine par exemple, le «nouveau Remblai» considéré il n'y a pas si longtemps comme le temple de la dinanderie et presque la Mecque des estivants algériens de la rive nord de la Méditerranée, qui se déplacent dans le Constantinois, est pratiquement boudé aujourd'hui au profit de la grande messe du marché de Tadjenanet et celui d'El-Eulma devenus l'étape incontournable avant le départ du pays pour un grand nombre d'émigrés. Les fins de semaines, Tadjenanet et El-Eulma, presque tous les jours, comptent toutes les immatriculations européennes (France, Belgique, Allemagne, Espagne...). Un tablier d'écolier made in China à 200 dinars, un pantalon pour 500 dinars, une veste pour le même prix, c'est toujours bon pour habiller son enfant pour la prochaine rentrée scolaire, pour une bouchée de pain.
Et pour ne pas gâcher ce plaisir, c'est toujours bon d'acheter un sac à main pour la petite, une parfaite imitation d'un produit de luxe parisien, un parfum qui sent toujours bon, malgré la contrefaçon ou encore un parapluie, une paire de bottes... Même les articles scolaires sont désormais de la partie. Aujourd'hui, on essaye de joindre l'utile à l'agréable, même s'il faut payer le supplément de bagages. C'est toujours un gain au change inestimable qui en bout de course finit par rentabiliser paradoxalement un «farniente» censé délier les cordons de la bourse.
Le millier de marchés informels disséminés sur tout le territoire du pays font pâlir de jalousie les braderies les plus courues en France ou ailleurs en Europe.
Pour bon nombre de nos compatriotes, ce n'est pas toujours la vie en rose. «C'est à peine, affirment certains, si on arrive à boucler les fins de mois. Et cette impression d'opulence, miroitée comme une vie de prince, nombreux sont ceux qui la doivent à des économies pas toujours faciles». Heureusement qu'il y a la magie du change de l'euro en dinars. Les soins dentaires, par exemple, qui coûtent les yeux de la tête de l'autre côté de la Méditerranée, restent accessibles, le change aidant. Les dentistes commencent à figurer en bonne place dans l'agenda estival de bon nombre de nos compatriotes vivant à l'étranger.
Installé confortablement dans les pays voisins, le Maroc et la Tunisie, depuis quelques années où les cliniques privées se sont taillé auprès de la communauté émigrée et même des Européens une solide réputation dans le rapport qualité/prix des prestations, ce phénomène commence à faire son apparition en Algérie. Particulièrement à la faveur de la floraison de cliniques qui utilisent dans certaines spécialités un matériel de pointe et un personnel médical de grande compétence.
Bien sûr, il s'agit pour la communauté émigrée de prises en charge qui ne sont pas lourdes, mais qui restent tout de même à qualification égale très onéreuses en Europe. Une hospitalisation dans une clinique privée algérienne revient relativement nettement moins cher. Quand on sait qu'une journée d'hospitalisation en Algérie est facturée dans une clinique privée dotée de tous les moyens nécessaires à une bonne prise en charge médicale à 5.000 dinars, on reste quand même loin des 500 euros et plus exigés en France. C'est à peine le dixième de ce qui est dépensé dans le pays d'accueil. Ce n'est pas pour autant que les émigrés songent à retourner définitivement au pays, car la situation n'est avantageuse que si on compte en euros et on dépense en dinars.
par Mohamed Salah Boureni (Le quotidien d'oran)
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