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Les menaces pesant sur l’archipel, identifiées depuis de nombreuses années par les différents livres blancs de la défense, dont celui de 2019, ne cessent de croître. Les forces navales et aériennes des pays voisins étendent leurs zones opérationnelles, à l’image de la Russie dans les territoires du Nord – nom donné par les Japonais aux îles Kouriles –, et bien entendu de la Chine, singulièrement autour des îles Senkaku qu’elle revendique et appelle Diaoyu. « Les navires gouvernementaux chinois violent continuellement les eaux territoriales japonaises » pointe le Livre blanc 2019 japonais qui souligne que Pékin n’écarte pas l’utilisation de la force, envisagée dans le dernier Livre blanc 2019 chinois à propos de Taïwan, où il est rappelé que « la Chine doit être et sera réunifiée ». On n’aurait garde d’oublier des tensions croissantes avec la Corée du Sud – en raison de contentieux historiques non résolus et du différend territorial autour des îles Dokdo/Takeshima – comme avec la Corée du Nord dont « les avancées militaires telles que le développement d’armes nucléaires et de missiles balistiques constituent une menace sans précédent, sérieuse et imminente ». Est pointée enfin une tendance à l’augmentation et à la prolongation des situations dites de « zone grise », zones qui ne sont ni un pur temps de paix ni un temps de guerre.
Pour faire face à cet environnement de plus en plus menaçant, mais aussi dans le but de s’affirmer sur la scène régionale et internationale, la stratégie navale japonaise est en cours d’adaptation et vise un renforcement des capacités des forces d’autodéfense, une orientation – toutes proportions gardées – plus offensive de la marine ou des moyens antinavires, et enfin une coopération plus étendue avec l’allié américain et ses partenaires stratégiques.
Développement et renforcement des capacités
Selon le dernier Programme de défense à moyen terme (PDMT), qui couvre la période 2019-2023, publié le 18 décembre 2018, la force maritime d’autodéfense japonaise (JMSDF) recevra dans ce laps de temps un total de 23 navires jaugeant 66 000 tonnes. On y trouvera notamment dix destroyers et cinq sous-marins auxquels s’ajouteront douze avions de patrouille P1, treize hélicoptères de patrouille améliorés de type SH-60K/K, trois drones embarqués et douze hélicoptères MCH-101 dragueurs de mines.
Pour la seule année budgétaire 2019, il est prévu de construire deux destroyers FFM de nouvelle génération – les troisième et quatrième – déplaçant 3 900 tonnes, équipés de coques compactes et dotés d’une capacité multi-rôles améliorée – comme des contre-mesures anti-mines qui étaient classiquement assurées par les navires dragueurs de mines –, ce qui portera le nombre total de destroyers à 54.
L’objectif est de pouvoir compter sur quatre groupes navals, soit un destroyer porte-hélicoptères et deux destroyers équipés du système anti-missiles Aegis, auxquels s’ajouteront deux groupes dotés de destroyers de nouveau type (FFM) aux capacités multi-missions et de dragueurs de mines. La JMSDF continuera en parallèle d’augmenter le nombre de ses sous-marins – avec un objectif de 22 unités – afin de pouvoir mener efficacement les missions d’intelligence, surveillance et reconnaissance (ISR), de patrouille et de défense autour du Japon. C’est dans ce cadre que le 6 novembre 2019, le JS Toryu, douzième et dernier sous-marin de classe Soryu, a été lancé par le constructeur Kawasaki Heavy Industries au chantier naval de Kobé. Considéré comme l’un des sous-marins à propulsion conventionnelle les plus imposants au monde avec 84 mètres de longueur pour un déplacement de 2 950 tonnes, le JS Toryu est, après le JS Oryu lancé en octobre 2018, le second bâtiment de sa classe équipé de batteries au lithium-ion, bien plus efficaces que les batteries conventionnelles.
Le renforcement de la posture ISR est clairement une priorité : à l’augmentation du nombre de sous-marins s’ajoute en effet une volonté d’augmenter le nombre de jours opérationnels, en introduisant des rotations plus optimales des équipages tandis que la JMSDF sera dotée d’avions d’alerte aérienne avancée (E-2D), de drones sous-marins, sans oublier des drones de longue endurance (HALE) de type Global Hawk qui permettront d’étendre les capacités de surveillance, y compris sur la côte Pacifique.
Une autre priorité est la lutte contre les missiles balistiques qui passe par l’amélioration des capacités existantes sur les systèmes Aegis et l’acquisition de missiles pour la défense anti-missiles – SM-3 Block IB et SM-3 Block IIA –, co-développés avec les États-Unis, ainsi que des missiles mer-air à longue portée SM-6.
Notons enfin une évolution d’ampleur avec le premier exercice conjoint mené en mer de Chine méridionale le 26 juin 2019 par la JMSDF et les garde-côtes, généralement chargés de patrouiller les eaux territoriales du Japon. Cette force paramilitaire puissante se verra renforcée, notamment pour lui permettre d’assurer la protection des îles éloignées comme les Senkaku.
Développement de capacités de projection
Projection aérienne
Afin d’améliorer les capacités et la flexibilité des opérations, et du fait du nombre réduit de bases aériennes terrestres, la JMSDF adapte les destroyers porte-hélicoptères de la classe Izumo – des navires de 248 mètres de long – aux avions furtifs américains F-35B à décollage vertical. Selon Tokyo, « ces destroyers continueront à assurer des missions variées comme la défense du Japon et la réponse aux catastrophes naturelles. Il n’y aura pas de changement dans la position du gouvernement concernant du matériel qui ne peut être possédé selon la Constitution »[1].
Les modifications de l’Izumo et de son sister-ship, le Kaga, n’étant, de ce point de vue, pas inconstitutionnelles, le budget prévoit pour l’année fiscale 2019 70 millions de yens (près de 600 000 euros) pour la conduite d’études nécessaires à l’adaptation des destroyers porte-hélicoptères aux avions à décollage vertical. Et pour l’année fiscale 2020, 3,1 milliards de yens (26 millions d’euros) ont été demandés le 30 août 2019[2] par le ministère de la Défense afin de commencer les travaux de modernisation du pont de l’Izumo.
Certes, il peut sembler que cette évolution était en germe dès l’origine. Le Monde rappelle ainsi que « lors du lancement de l’Izumo en 2015, le gouvernement excluait d’en faire un porte-avions et préfère aujourd’hui parler d’un bâtiment “à usages multiples”, utilisé occasionnellement comme porte-avions » tandis que [l’ancien] ministre de la défense, Takeshi Iwaya, déclarait : « nous pensons y affecter des avions de combat, uniquement lorsque cela est nécessaire », soulignant sa vocation « défensive ».
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