Compte-rendu de la conférence tenue le 23 janvier 2020 à l’École militaire.
À PROPOS DES INTERVENANTS :
Général Jean-Charles Ferré : Nommé directeur central du Service des essences des armées le 1er août 2018, l’ingénieur général de 1e classe Jean-Charles Ferré a étudié à l’École navale puis à l’École de Guerre avec un passage au Centre de planification et de conduite des opérations. En 2016, il exerce les fonctions de gouverneur militaire de la place de Nancy. Le Général Ferré est également officier de la Légion d’honneur et officier de l’ordre national du Mérite.
Matthieu Auzanneau est diplômé de l’Institut d’études politiques de Bordeaux et du Centre de formation des journalistes. Ayant collaboré notamment au Monde, il est spécialiste des questions relatives à l’énergie, au climat, à l’écologie et à l’économie. Il publie en 2015 l’ouvrage Or noir, la grande histoire du pétrole (La Découverte), prix spécial de l’Association française des économistes de l’énergie, dont la traduction en anglais a notamment été saluée par Nature. En 2016, il prend la direction du Shift Project, groupe de réflexion sur la transition énergétique soutenu par des acteurs industriels français de premier plan et par l’État.
Prise de notes et rédaction par les membres du comité énergies et environnement
Relecture par le pôle publication
Téléchargez ici le compte-rendu
https://jeunes-ihedn.org/wp-content/...%A9trolier.pdf
Ce texte n’engage que la responsabilité des intervenants.
Les idées ou opinions émises ne peuvent en aucun cas être considérées comme l’expression d’une position officielle des Jeunes IHEDN.
RÉSUMÉ DE LA CONFÉRENCE :
PREMIÈRE PARTIE –Matthieu AUZANNEAU
À l’image de toutes les ressources finies, le déclin de production des puits pétroliers est inexorable (ex : la mer du Nord a connu son pic de pétrole conventionnel au début des années 2000 et la baisse de la production est actuellement de l’ordre 50 % par rapport à cette période). Certains profils de production présentent une allure « en dos de chameau », liée à des réinvestissements de capitaux (CAPEX) après une première phase de déclin.
Les CAPEX dans l’exploration et la production pétrolières s’élèvent actuellement aux alentours de 350 mds$, contre 600 mds$ avant l’effondrement du prix du pétrole en 2014, ce qui n’en constitue pas moins un montant très supérieur aux investissements consentis au cours des décennies précédentes. De manière générale, on observe une baisse tendancielle des découvertes annuelles de pétrole conventionnel depuis les années 1960 ; les volumes actuels de découvertes sont historiquement bas, et sont très en-deçà de la consommation annuelle de pétrole, qui elle continue de croître.
Ainsi, faute de suffisamment de réserves nouvelles mises en production, l’Agence internationale de l’énergie (AIE), dont les conclusions des rapports sont pourtant généralement plutôt lissées et consensuelles, tirait la sonnette d’alarme concernant un risque de décrue de l’offre mondiale de carburant liquide dans son rapport annuel 2018 :
« Global conventional crude oil production peaked in 2008. »
« New conventional crude oil projects (…) only half the amount necessary to balance the market out to 2025. »
« US tight oil is unlikely to pick up the slack on its own. »
Malgré l’essor du pétrole de schiste américain, le pétrole non-conventionnel risque de ne pas être en mesure de subvenir à la croissance de la demande mondiale de pétrole à moyen et long terme. La contraction à venir de l’offre de pétrole est un phénomène d’étendue mondiale. Plus de la moitié de la production est actuellement à maturité ou en déclin.
Exemples notables :
Baisse de production de la major algérienne Sonatrach avec des conséquences sur la capacité du régime à « financer la paix sociale » ; vers un scénario à la vénézuélienne ?
Déclin plausible au cours de la prochaine décennie pour le pétrole conventionnel en provenance de Russie, d’après notamment l’AIE. Cela n’a rien d’anecdotique car le pays fournit un quart des approvisionnements de l’Union européenne (UE) en produits pétroliers. Le ministre russe de l’énergie ainsi que de hauts cadres de l’industrie pétrolière russe ont récemment envoyés des signaux dans la presse (Interfax, Financial Times), mettant en garde contre une possible décroissance de la production russe de brut dès 2021. Il s’agit d’appels aux investisseurs pour permettre de compenser le déclin de nombreux champs pétroliers russes anciens. En 2011, Vladimir Poutine et Rex Tillerson, alors PDG d’Exxon, instituaient entre Rosneft et Exxon une joint-venture qui devait permettre de reconstituer les capacités de production vieillissantes des deux compagnies. Les sanctions de l’administration Obama contre la Russie, puis les soupçons de soutien illicite de Vladimir Poutine à la candidature de Donald Trump ont conduit Exxon et Rosneft à renoncer à leur joint-venture au printemps 2018, un mois avant que Rex Tillerson, devenu chef de la diplomatie de l’administration Trump, ne quitte son poste.
Le pétrole est et continuera d’être une ressource avec des enjeux stratégiques énormes, charriant des enjeux géostratégiques lourds, souvent cryptiques et délétères (ex : Irangate, question de la responsabilité américaine dans l’émergence d’Al-Qaïda, mobiles douteux de l’invasion de l’Irak en 2003).
La moitié des approvisionnements pétroliers de l’UE – premier importateur mondial de brut avec la Chine – provient actuellement de pays ayant déjà franchis leur pic de production (Norvège, Algérie, Mexique, Azerbaïdjan) ou risquant de le franchir au cours de la prochaine décennie (Russie). Il s’agit d’un risque de tout premier ordre pour l’UE et la France. En dépit des signaux d’alarmes émis publiquement par des sources majeures, ce risque sur la sécurité des approvisionnements à terme et, de façon plus immédiate, la stabilité du financement de régimes tels que ceux en place à Alger et Moscou, semble pour l’heure être complètement ignoré.
À PROPOS DES INTERVENANTS :
Général Jean-Charles Ferré : Nommé directeur central du Service des essences des armées le 1er août 2018, l’ingénieur général de 1e classe Jean-Charles Ferré a étudié à l’École navale puis à l’École de Guerre avec un passage au Centre de planification et de conduite des opérations. En 2016, il exerce les fonctions de gouverneur militaire de la place de Nancy. Le Général Ferré est également officier de la Légion d’honneur et officier de l’ordre national du Mérite.
Matthieu Auzanneau est diplômé de l’Institut d’études politiques de Bordeaux et du Centre de formation des journalistes. Ayant collaboré notamment au Monde, il est spécialiste des questions relatives à l’énergie, au climat, à l’écologie et à l’économie. Il publie en 2015 l’ouvrage Or noir, la grande histoire du pétrole (La Découverte), prix spécial de l’Association française des économistes de l’énergie, dont la traduction en anglais a notamment été saluée par Nature. En 2016, il prend la direction du Shift Project, groupe de réflexion sur la transition énergétique soutenu par des acteurs industriels français de premier plan et par l’État.
Prise de notes et rédaction par les membres du comité énergies et environnement
Relecture par le pôle publication
Téléchargez ici le compte-rendu
https://jeunes-ihedn.org/wp-content/...%A9trolier.pdf
Ce texte n’engage que la responsabilité des intervenants.
Les idées ou opinions émises ne peuvent en aucun cas être considérées comme l’expression d’une position officielle des Jeunes IHEDN.
RÉSUMÉ DE LA CONFÉRENCE :
PREMIÈRE PARTIE –Matthieu AUZANNEAU
À l’image de toutes les ressources finies, le déclin de production des puits pétroliers est inexorable (ex : la mer du Nord a connu son pic de pétrole conventionnel au début des années 2000 et la baisse de la production est actuellement de l’ordre 50 % par rapport à cette période). Certains profils de production présentent une allure « en dos de chameau », liée à des réinvestissements de capitaux (CAPEX) après une première phase de déclin.
Les CAPEX dans l’exploration et la production pétrolières s’élèvent actuellement aux alentours de 350 mds$, contre 600 mds$ avant l’effondrement du prix du pétrole en 2014, ce qui n’en constitue pas moins un montant très supérieur aux investissements consentis au cours des décennies précédentes. De manière générale, on observe une baisse tendancielle des découvertes annuelles de pétrole conventionnel depuis les années 1960 ; les volumes actuels de découvertes sont historiquement bas, et sont très en-deçà de la consommation annuelle de pétrole, qui elle continue de croître.
Ainsi, faute de suffisamment de réserves nouvelles mises en production, l’Agence internationale de l’énergie (AIE), dont les conclusions des rapports sont pourtant généralement plutôt lissées et consensuelles, tirait la sonnette d’alarme concernant un risque de décrue de l’offre mondiale de carburant liquide dans son rapport annuel 2018 :
« Global conventional crude oil production peaked in 2008. »
« New conventional crude oil projects (…) only half the amount necessary to balance the market out to 2025. »
« US tight oil is unlikely to pick up the slack on its own. »
Malgré l’essor du pétrole de schiste américain, le pétrole non-conventionnel risque de ne pas être en mesure de subvenir à la croissance de la demande mondiale de pétrole à moyen et long terme. La contraction à venir de l’offre de pétrole est un phénomène d’étendue mondiale. Plus de la moitié de la production est actuellement à maturité ou en déclin.
Exemples notables :
Baisse de production de la major algérienne Sonatrach avec des conséquences sur la capacité du régime à « financer la paix sociale » ; vers un scénario à la vénézuélienne ?
Déclin plausible au cours de la prochaine décennie pour le pétrole conventionnel en provenance de Russie, d’après notamment l’AIE. Cela n’a rien d’anecdotique car le pays fournit un quart des approvisionnements de l’Union européenne (UE) en produits pétroliers. Le ministre russe de l’énergie ainsi que de hauts cadres de l’industrie pétrolière russe ont récemment envoyés des signaux dans la presse (Interfax, Financial Times), mettant en garde contre une possible décroissance de la production russe de brut dès 2021. Il s’agit d’appels aux investisseurs pour permettre de compenser le déclin de nombreux champs pétroliers russes anciens. En 2011, Vladimir Poutine et Rex Tillerson, alors PDG d’Exxon, instituaient entre Rosneft et Exxon une joint-venture qui devait permettre de reconstituer les capacités de production vieillissantes des deux compagnies. Les sanctions de l’administration Obama contre la Russie, puis les soupçons de soutien illicite de Vladimir Poutine à la candidature de Donald Trump ont conduit Exxon et Rosneft à renoncer à leur joint-venture au printemps 2018, un mois avant que Rex Tillerson, devenu chef de la diplomatie de l’administration Trump, ne quitte son poste.
Le pétrole est et continuera d’être une ressource avec des enjeux stratégiques énormes, charriant des enjeux géostratégiques lourds, souvent cryptiques et délétères (ex : Irangate, question de la responsabilité américaine dans l’émergence d’Al-Qaïda, mobiles douteux de l’invasion de l’Irak en 2003).
La moitié des approvisionnements pétroliers de l’UE – premier importateur mondial de brut avec la Chine – provient actuellement de pays ayant déjà franchis leur pic de production (Norvège, Algérie, Mexique, Azerbaïdjan) ou risquant de le franchir au cours de la prochaine décennie (Russie). Il s’agit d’un risque de tout premier ordre pour l’UE et la France. En dépit des signaux d’alarmes émis publiquement par des sources majeures, ce risque sur la sécurité des approvisionnements à terme et, de façon plus immédiate, la stabilité du financement de régimes tels que ceux en place à Alger et Moscou, semble pour l’heure être complètement ignoré.
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