Tantôt portée aux nues comme la terre promise de la mondialisation, tantôt décriée comme une pâle rivale de la Chine qui n'a pas su planifier son développement, l'Inde connaît un autre problème. Dans ce pays où la croissance du produit intérieur brut (PIB) atteint 9 %, la pénurie de travailleurs qualifiés est aiguë dans le secteur informatique.
A Bangalore (Etat du Karnataka), quartier général des grandes sociétés informatiques indiennes, le taux d'"usure" des effectifs est le premier souci. S'y ajoutent l'insuffisance des infrastructures routières et les problèmes d'aménagement urbain.
Avec une croissance de 30 %, le secteur informatique doit beaucoup recruter. Or l'offre de techniciens et d'ingénieurs sortis des instituts de technologie locaux est loin de suffire. C'est une situation cauchemardesque pour les directions des ressources humaines (DRH). Et pour parvenir à recruter de nouveaux collaborateurs, les futurs employeurs se livrent une véritable guerre où les conditions de travail et le niveau de la rémunération comptent beaucoup.
"En Inde, le secteur informatique occupe un million de personnes, observe S. Gopalakrishnan, directeur général d'Infosys, une des plus grosses sociétés locales du secteur (70 000 salariés). En 2010, il devrait en employer 2,5 millions, ce qui veut dire qu'il nous faut 500 000 personnes par an. Or le pays en forme 400 000 chaque année. Il va donc en manquer 100 000. C'est un souci."
Les plus grosses entreprises - Tata General Consulting (TGS), Infosys ou Wipro -, ont dû apprendre à gérer la pénurie et parviennent à mieux limiter la rotation de leurs effectifs. Nasscom, le patronat de l'industrie "high tech", estime que seul un quart des jeunes diplômés indiens en ingénierie sont directement opérationnels. GTS, Infosys et Wipro ont d'ailleurs créé leurs propres programmes de formation complémentaire - un cycle de seize semaines, par exemple, chez Infosys.
UN TAUX DE "TURN-OVER" À 40 %
Elles coopèrent aussi avec les pouvoirs publics pour permettre aux universités de former plus de monde. Wipro compense enfin en recrutant des scientifiques pour des postes d'informaticiens.
Mais le casse-tête ne s'arrête pas là. Il faut également retenir ingénieurs et techniciens. Signe de la hiérarchie des priorités, le directeur financier d'Infosys a été nommé en 2006 à la DRH. " Nous arrivons à maintenir le taux de perte de nos collaborateurs autour de 12 % à 13 % grâce à notre environnement de travail et aux possibilités internes de carrière", assure le directeur général du groupe.
Dans le secteur des centres d'appels, qui a fait la renommée de Bangalore, ce taux de turn-over évolue autour de 40 %. Du coup, les grosses entreprises locales commencent à délocaliser vers la Chine. Les groupes plus modestes, les PME doivent trouver d'autres moyens. D'autant que près des trois quarts des jeunes diplômés indiens sont immédiatement recrutés par les sept plus grosses entreprises du pays.
Ainsi, Hema Hattangady, PDG de Conzerv, une PME de près de 300 personnes spécialisée dans le conseil en économie d'énergie, dit consacrer une bonne partie de son temps à "séduire" puis encore à fidéliser ses salariés.
Elle a constaté que ceux qui quittent leur entreprise le font surtout pendant les 24 premiers mois suivant leur embauche. Pour lutter contre ce phénomène, elle a mis en place un "New Employee Program" qui vise à créer un lien solide entre le collaborateur et l'entreprise. Au bout de 30, 60, puis 180 jours, il rencontre la direction pour faire le point sur sa situation et ses perspectives de carrière. Cela se double d'un système de stimulation, de récompenses et de soutien par le travail d'équipe.
"Dans leur emploi, les jeunes diplômés, note Mme Hattangady, sont demandeurs de valeurs éducative, émotionnelle et financière. Ils veulent que leur entreprise soit "socialement responsable."" Conzerv se distingue dans ce domaine en refusant le débat "pots-de-vin ou pas pot-de-vin". "Et c'est non !", affirme la jeune PDG. Cette fermeté sur les principes a valu à cette PME, en 2005, le prix de l'entreprise la plus éthique de l'année. De quoi rendre fiers ses salariés.
Par le Monde
A Bangalore (Etat du Karnataka), quartier général des grandes sociétés informatiques indiennes, le taux d'"usure" des effectifs est le premier souci. S'y ajoutent l'insuffisance des infrastructures routières et les problèmes d'aménagement urbain.
Avec une croissance de 30 %, le secteur informatique doit beaucoup recruter. Or l'offre de techniciens et d'ingénieurs sortis des instituts de technologie locaux est loin de suffire. C'est une situation cauchemardesque pour les directions des ressources humaines (DRH). Et pour parvenir à recruter de nouveaux collaborateurs, les futurs employeurs se livrent une véritable guerre où les conditions de travail et le niveau de la rémunération comptent beaucoup.
"En Inde, le secteur informatique occupe un million de personnes, observe S. Gopalakrishnan, directeur général d'Infosys, une des plus grosses sociétés locales du secteur (70 000 salariés). En 2010, il devrait en employer 2,5 millions, ce qui veut dire qu'il nous faut 500 000 personnes par an. Or le pays en forme 400 000 chaque année. Il va donc en manquer 100 000. C'est un souci."
Les plus grosses entreprises - Tata General Consulting (TGS), Infosys ou Wipro -, ont dû apprendre à gérer la pénurie et parviennent à mieux limiter la rotation de leurs effectifs. Nasscom, le patronat de l'industrie "high tech", estime que seul un quart des jeunes diplômés indiens en ingénierie sont directement opérationnels. GTS, Infosys et Wipro ont d'ailleurs créé leurs propres programmes de formation complémentaire - un cycle de seize semaines, par exemple, chez Infosys.
UN TAUX DE "TURN-OVER" À 40 %
Elles coopèrent aussi avec les pouvoirs publics pour permettre aux universités de former plus de monde. Wipro compense enfin en recrutant des scientifiques pour des postes d'informaticiens.
Mais le casse-tête ne s'arrête pas là. Il faut également retenir ingénieurs et techniciens. Signe de la hiérarchie des priorités, le directeur financier d'Infosys a été nommé en 2006 à la DRH. " Nous arrivons à maintenir le taux de perte de nos collaborateurs autour de 12 % à 13 % grâce à notre environnement de travail et aux possibilités internes de carrière", assure le directeur général du groupe.
Dans le secteur des centres d'appels, qui a fait la renommée de Bangalore, ce taux de turn-over évolue autour de 40 %. Du coup, les grosses entreprises locales commencent à délocaliser vers la Chine. Les groupes plus modestes, les PME doivent trouver d'autres moyens. D'autant que près des trois quarts des jeunes diplômés indiens sont immédiatement recrutés par les sept plus grosses entreprises du pays.
Ainsi, Hema Hattangady, PDG de Conzerv, une PME de près de 300 personnes spécialisée dans le conseil en économie d'énergie, dit consacrer une bonne partie de son temps à "séduire" puis encore à fidéliser ses salariés.
Elle a constaté que ceux qui quittent leur entreprise le font surtout pendant les 24 premiers mois suivant leur embauche. Pour lutter contre ce phénomène, elle a mis en place un "New Employee Program" qui vise à créer un lien solide entre le collaborateur et l'entreprise. Au bout de 30, 60, puis 180 jours, il rencontre la direction pour faire le point sur sa situation et ses perspectives de carrière. Cela se double d'un système de stimulation, de récompenses et de soutien par le travail d'équipe.
"Dans leur emploi, les jeunes diplômés, note Mme Hattangady, sont demandeurs de valeurs éducative, émotionnelle et financière. Ils veulent que leur entreprise soit "socialement responsable."" Conzerv se distingue dans ce domaine en refusant le débat "pots-de-vin ou pas pot-de-vin". "Et c'est non !", affirme la jeune PDG. Cette fermeté sur les principes a valu à cette PME, en 2005, le prix de l'entreprise la plus éthique de l'année. De quoi rendre fiers ses salariés.
Par le Monde
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