«Les ravages provoqués par la révolution agraire des années 1970 sont un lointain souvenir. Désormais, la production nationale remplace peu à peu les importations de denrées alimentaires. Mieux, le secteur est devenu exportateur.» (!) On croit rêver. Cette affirmation de Jeune Afrique (du 1er au 14 avril 2007) prêterait à un grand éclat de rire si la situation de notre agriculture n’était pas aussi grave.
Une contribution du professeur Hamid Aït Amara, spécialiste des questions agricoles, parue dans le quotidien El Watan du lundi 3 avril 2007, rappelle quelques réalités qui donnent «froid dans le dos». Nous connaissions notre handicap agricole même si certains ont pu croire à la légende de l’Algérie «grenier à blé du monde» (?!) Nous mesurions avec gravité notre dépendance alimentaire qui amplifiait au rythme de notre croissance démographique. Mais les chiffres que présente Hamid Aït Amara jettent un éclairage bien utile, mais surtout inquiétant par le rappel qu’ils soulignent de l’indigence des politiques agricoles menées jusqu’à maintenant dans notre pays. De même, cette contribution met-elle en exergue le manque de vision dont font preuve nos gouvernants notamment pour les enjeux agricoles et les risques que nous prenons à sous-estimer la question alimentaire.
Hamid Aït Amara commence par rappeler que l’Algérie est le pays maghrébin le moins doté en terres cultivables puisque le ratio hectare cultivable/sur population est de 0,26 hectares par habitant en 2004 (il était de 1,3 ha/hbt en 1900). Ce même ratio est de 0,5 hectare par habitant en Tunisie et de 1 hectare par habitant au Maroc. L’absence de politique de mise en valeur de nouvelles terres et la perte de terres cultivables par érosion et détournement du foncier agricole pour la construction d’habitat ont considérablement détérioré la dotation en terres cultivables du pays alors que la démographie n’a cessé de progresser.
L’auteur, reprenant un classement international, souligne que dans le domaine de la population que peut nourrir le pays avec ses propres terres, l’Algérie est classée au septième rang sur une échelle de 0 à 9. L’Algérie est un pays à risque alimentaire élevé.
Dans le domaine des potentialités agricoles, Aït Amara rappelle que l’Algérie est frappée par quatre facteurs défavorables :
1- les sols sont peu profonds
2- la fertilité naturelle est faible
3- la pluviométrie est insuffisante
4- les terres sont en pente
Ces handicaps expliquent pour une grande part - parce qu’ils ne sont pas corrigés par des politiques agricoles judicieuses – la faible productivité de l’agriculture algérienne – Les rendements – tant des cultures que ceux de l’élevage – sont bien faibles et l’auteur indique que les rendements céréaliers sont de l’ordre de 70 quintaux à l’hectare en Union européenne et seulement de 10 hectares en Algérie (qui plus est, cultive ses terres une année sur deux) –.
La production laitière n’est pas mieux lotie puisque le rendement par vache laitière est de 8000 à 10 000 litres par vache en Europe. Il n’est que de 3000 litres en Algérie. Bien évidemment, tout cela se traduit par une dépendance alimentaire de l’Algérie de plus en plus inquiétante : 80% des besoins algériens en céréales sont importés (soit nous dit Aït Amara, 6 millions de tonnes de céréales importés pour 2 millions de tonnes produits localement. Ainsi «2 calories sur 3 consommées sont importées».
La facture alimentaire est alors de plus en plus lourde puisqu’elle était de 1 milliard de dollars dans les années 1970, 2 milliards de dollars dans les années 1980, 2,5 milliards de dollars dans les années 1990 et 3 milliards de dollars dans les années 2000 (cités par H. Aït Amara). Et cette facture payée intégralement par nos hydrocarbures, ressources épuisables, risque d’être encore plus lourde à l’avenir puisque, si l’on en croit les spécialistes, l’agriculture mondiale commence déjà à faire face à trois objectifs concurrents :
1- assurer l’alimentation
2- produire des carburants
3- préserver la biodiversité
Il faut savoir en effet que la production de carburants verts (pour faire face aux pénuries annoncées du pétrole et un peu plus tard de gaz) devrait au minimum quintupler d’ici à 2030 (prévisions de l’Agence internationale de l’énergie). De ce fait, la part des terres arabes consacrées aux cultures énergétiques qui est actuellement de 1% passerait à 2,5% ou à 3,5% selon les scénarios.
Pour nourrir 9 milliards de personnes en 2050, il faudra doubler la production agricole mondiale mais la montée des biocarburants va se traduire par une «compétition pour la terre entre cultures alimentaires et cultures énergétiques. La rareté de l’énergie risque de créer une rareté alimentaire». (Michel Griffou Le Monde3 avril 2007)
Et les prévisionnistes précisent que les grandes firmes pétrolières vont se lancer dans une course à la terre (au foncier agricole) pour créer ex-nihilo des plantations qui produisent les bio-carburants. Enfin, et comme pour assombrir encore plus le tableau pour les pays africains, le changement climatique à plus long terme, se traduira pour le continent notamment, par de plus longues périodes de sécheresse. Comme on peut le voir, pour notre pays, l’enjeu agroalimentaire est considérable et les défis à relever sont autrement plus sérieux que ceux visés par le PNDRA !!
Par Le Soir
Une contribution du professeur Hamid Aït Amara, spécialiste des questions agricoles, parue dans le quotidien El Watan du lundi 3 avril 2007, rappelle quelques réalités qui donnent «froid dans le dos». Nous connaissions notre handicap agricole même si certains ont pu croire à la légende de l’Algérie «grenier à blé du monde» (?!) Nous mesurions avec gravité notre dépendance alimentaire qui amplifiait au rythme de notre croissance démographique. Mais les chiffres que présente Hamid Aït Amara jettent un éclairage bien utile, mais surtout inquiétant par le rappel qu’ils soulignent de l’indigence des politiques agricoles menées jusqu’à maintenant dans notre pays. De même, cette contribution met-elle en exergue le manque de vision dont font preuve nos gouvernants notamment pour les enjeux agricoles et les risques que nous prenons à sous-estimer la question alimentaire.
Hamid Aït Amara commence par rappeler que l’Algérie est le pays maghrébin le moins doté en terres cultivables puisque le ratio hectare cultivable/sur population est de 0,26 hectares par habitant en 2004 (il était de 1,3 ha/hbt en 1900). Ce même ratio est de 0,5 hectare par habitant en Tunisie et de 1 hectare par habitant au Maroc. L’absence de politique de mise en valeur de nouvelles terres et la perte de terres cultivables par érosion et détournement du foncier agricole pour la construction d’habitat ont considérablement détérioré la dotation en terres cultivables du pays alors que la démographie n’a cessé de progresser.
L’auteur, reprenant un classement international, souligne que dans le domaine de la population que peut nourrir le pays avec ses propres terres, l’Algérie est classée au septième rang sur une échelle de 0 à 9. L’Algérie est un pays à risque alimentaire élevé.
Dans le domaine des potentialités agricoles, Aït Amara rappelle que l’Algérie est frappée par quatre facteurs défavorables :
1- les sols sont peu profonds
2- la fertilité naturelle est faible
3- la pluviométrie est insuffisante
4- les terres sont en pente
Ces handicaps expliquent pour une grande part - parce qu’ils ne sont pas corrigés par des politiques agricoles judicieuses – la faible productivité de l’agriculture algérienne – Les rendements – tant des cultures que ceux de l’élevage – sont bien faibles et l’auteur indique que les rendements céréaliers sont de l’ordre de 70 quintaux à l’hectare en Union européenne et seulement de 10 hectares en Algérie (qui plus est, cultive ses terres une année sur deux) –.
La production laitière n’est pas mieux lotie puisque le rendement par vache laitière est de 8000 à 10 000 litres par vache en Europe. Il n’est que de 3000 litres en Algérie. Bien évidemment, tout cela se traduit par une dépendance alimentaire de l’Algérie de plus en plus inquiétante : 80% des besoins algériens en céréales sont importés (soit nous dit Aït Amara, 6 millions de tonnes de céréales importés pour 2 millions de tonnes produits localement. Ainsi «2 calories sur 3 consommées sont importées».
La facture alimentaire est alors de plus en plus lourde puisqu’elle était de 1 milliard de dollars dans les années 1970, 2 milliards de dollars dans les années 1980, 2,5 milliards de dollars dans les années 1990 et 3 milliards de dollars dans les années 2000 (cités par H. Aït Amara). Et cette facture payée intégralement par nos hydrocarbures, ressources épuisables, risque d’être encore plus lourde à l’avenir puisque, si l’on en croit les spécialistes, l’agriculture mondiale commence déjà à faire face à trois objectifs concurrents :
1- assurer l’alimentation
2- produire des carburants
3- préserver la biodiversité
Il faut savoir en effet que la production de carburants verts (pour faire face aux pénuries annoncées du pétrole et un peu plus tard de gaz) devrait au minimum quintupler d’ici à 2030 (prévisions de l’Agence internationale de l’énergie). De ce fait, la part des terres arabes consacrées aux cultures énergétiques qui est actuellement de 1% passerait à 2,5% ou à 3,5% selon les scénarios.
Pour nourrir 9 milliards de personnes en 2050, il faudra doubler la production agricole mondiale mais la montée des biocarburants va se traduire par une «compétition pour la terre entre cultures alimentaires et cultures énergétiques. La rareté de l’énergie risque de créer une rareté alimentaire». (Michel Griffou Le Monde3 avril 2007)
Et les prévisionnistes précisent que les grandes firmes pétrolières vont se lancer dans une course à la terre (au foncier agricole) pour créer ex-nihilo des plantations qui produisent les bio-carburants. Enfin, et comme pour assombrir encore plus le tableau pour les pays africains, le changement climatique à plus long terme, se traduira pour le continent notamment, par de plus longues périodes de sécheresse. Comme on peut le voir, pour notre pays, l’enjeu agroalimentaire est considérable et les défis à relever sont autrement plus sérieux que ceux visés par le PNDRA !!
Par Le Soir
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