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Agriculture en Algérie: de la patate algérienne à l'ail chinois

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  • Agriculture en Algérie: de la patate algérienne à l'ail chinois

    En Algérie, l'histoire récente de notre agriculture démontre que nous sommes devenus trop nombreux pour une production en déclin.

    Selon Omar Bessaoud, «au cours des premières années d’indépendance, l’Algérie a hérité d’une agriculture qui représentait plus de 20% du produit intérieur brut, occupait plus de la moitié (55%) de la population active et exportait plus de 1,1 milliard de DA annuellement, ce qui représentait le tiers (33%) des exportations totales du pays. Ces exportations couvraient largement les importations alimentaires (0,7 milliard de DA par an)». A l’époque déjà. Les premiers fruits de l’indépendance étaient bons et promettaient de devenir meilleurs grâce à un élan populaire qui a permis la prise en charge du secteur agricole par les agriculteurs eux-mêmes, dans une quasi-spontanéité héritée de la douleur coloniale. Un défi à l’Histoire lancé par les enfants de la terre. Fallait-il laisser les terres des colons abandonnées ou se remettre au travail sans tenir compte des promesses d’un Etat en voie de gesticulation ? A l’époque déjà, les leaders se disputaient entre clan d’Oujda et clan de Tunis.

    Entre partisans du socialisme et partisans du libéralisme. Entre combattants de l’intérieur, qui commençaient à s’essouffler par manque de logistique militaire et «combattants» de l’extérieur à la recherche d’une légitimité à faire valoir pour participer au pouvoir ou essayer de le prendre. De le prendre et de le garder le plus longtemps possible pour pouvoir écrire une Histoire qui semble avoir perdu sa langue à force d’un bilinguisme qui a fini par réduire au silence arabophones et francophones, au profit de la seule langue aujourd’hui compréhensible, l’argent. Et ça continue. Les véritables combattants, eux, se sont tus et continuent de se taire pour ne pas dénaturer une Histoire fragilisée par des règlements de comptes. Jusqu’à leur mort et nous n’en saurons probablement rien ou quelques fragments difficiles à recoller. L’Etat en gestation et malgré les «réglages» de sa machine grippée avait compris que la prise en charge par les agriculteurs de terres abandonnées pouvait produire de l’excellence sans qu’il ait à intervenir. Il a fini par appeler cela l’« autogestion agricole» et s’est mis à rechercher dans les archives de Tito, l’explication théorique, la doctrine, qui pouvait servir de lit à ce nouveau phénomène, une façon de l’apprivoiser de peur qu’il ne génère des formes d’expression incontrôlables par le pouvoir. Dans la culture locale, cela aurait pu s’appelait «touiza» et il n’était pas besoin d’aller si loin pour la définir. Mais l’Etat, lui, avait besoin de diriger, d’avoir un oeil sur tout en évitant de tout regarder dans les détails. Il inventa alors le décret de mars 63, censé organiser l’élan populaire, l’apprivoiser, le fonctionnariser, le dociliser. Le même phénomène avait commencé à prendre forme dans le secteur industriel encore à ses débuts. Le parti unique a fait le reste du travail sur le terrain.

    Il a reçu pour mission de faire peur et il a longtemps fait peur jusqu’à épuisement de toute forme de contestations en dehors de celles qui se faisaient à l’intérieur de l’appareil par ceux qui croyaient à l’entrisme avant de se démarquer une fois l’utopie passée.

    Une fois la révolution agraire échouée pour cause de trop de bénéfices distribués comme par enchantement. Comme pour dire à l’Algérien «ne travaille pas, tu auras tout ce que tu veux». Et l’Algérien a cessé de travailler. Il s’est mis au négoce et le pétrole a fait le reste. Le négoce a tout intégré.

    Il va de la table de cigarettes à tous les coins de rues jusqu’aux containers en provenance de Dubaï en passant par les trous des banques conçues pour encourager cela. Le déficit agricole, malgré les plans de développement pompeusement exposés, est le plus lourd dans l’ensemble euro-méditerranéen. Ces programmes s’attaquent à une pauvreté inexplicable si l’on occulte ce que la politisation de la terre a eu comme répercussions sur l’ensemble du monde rural en particulier et l’ensemble du pays par extension.

    La terre n’est pas politique, contrairement aux transactions dont elle fait l’objet. Passer d’une situation d’exportateur à une situation de bouche tendue vers les terres des autres, attendant le dernier arrivage de produits alimentaires, est tout simplement condamnable. Mais qui condamner ? Passer d’une situation d’autosuffisance dans la majeure partie des produits de base à une situation de mendicité en réclamant sa souveraineté est tout simplement risible. Mais de qui rire si ce n’est de nous-mêmes qui avons fini par accepter cette fatalité ? De nos richesses confisquées ?

    De la convoitise d’une classe politique prompte à baisser l’échine à la moindre carotte accrochée à un bâton attaché sur son dos ? Lorsque le pays est envahi par des fruits jadis produits chez nous en provenance du Maroc, malgré la fermeture des frontières, ne devons-nous pas nous interroger sur le sens des divergences politiques qui nous opposent à ce pays ? Les frontières ne sont-elles donc fermées qu’aux personnes ? Pendant ce temps les terres agricoles des domaines autogérés, les meilleures terres du pays sont passées par des formes d’organisations de plus en plus complexes pour «atterrir» entre les mains d’une caste intouchable du fait de ses accointances avec les dirigeants politiques et les chefs d’une guerre qui n’a jamais eu lieu. Mais à qui se plaindre dans un pays où le fruit du pauvre, la patate, devient un luxe ? Pendant ce temps l’ail chinois arrive dans nos plats en prolongement des habitations qu’ils construisent pour nous parce qu’il a été demandé à l’Algérien de ne pas travailler. Mais qu’il n’aura rien maintenant. Parce que sa terre ne le nourrit plus en attendant que ses bras repoussent. Pourtant à l’indépendance...

    Par Le Quotidien d'Oran
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