DOCUMENT. Le groupe Banque Mondiale a rendu public son “Diagnostic du secteur privé“ marocain, annoncé par le nouveau cadre de partenariat bilatéral 2019-2024. Ce document de 154 pages analyse le marché marocain et formule différentes recommandations pour une “deuxième génération de réformes“ dans le but de “stimuler la croissance du secteur privé, la création d’emplois et l’amélioration des compétences“.
Le document a été réalisé à la demande et sous la direction de la SFI et de la Banque Mondiale, par une équipe pluridisciplinaire. Il peut être feuilleté ou téléchargé ici. Voici quelques extraits parlants.
>Croissance, emplois et productivité : résultats décevants
“Malgré le taux d’investissement remarquablement élevé du Maroc, l’un des plus élevés au monde avec une moyenne de 34 % du PIB par an depuis le milieu des années 2000, les retombées en termes de croissance économique, création d’emplois et productivité, ont été décevantes.
“Certains pays tels que la Colombie, les Philippines et la Turquie ont atteint des taux de croissance similaires ou supérieurs, avec des niveaux d’investissement nettement inférieurs. Les pays qui ont réussi à décoller économiquement sont parvenus à maintenir des taux annuels de croissance du PIB par habitant bien au-delà de 4 % pendant des décennies (contre des taux annuels moyens au Maroc de 2,9 % entre 2000 et 2017 et de seulement 1,6 % entre 1990 et 2000).
“L’économie marocaine a enregistré des performances particulièrement décevantes en termes de création d’emplois. Alors que la population en âge de travailler a augmenté, en termes nets, de 270 000 personnes par an entre 2012 et 2016, seulement 26 400 nouveaux emplois nets ont été créés en moyenne par an.
“Les gains de productivité ont été faibles : sur le long terme, entre 1970 et 2011, l’économie marocaine n’a enregistré aucun gain de productivité totale des facteurs de production (PTF).
>Investissements publics: en partie coûteux, rapport qualité-prix discutable.
“La composition des investissements aiguille quant aux raisons derrière l’impact limité de l’effort d’investissement significatif du Maroc. Le secteur public, qui investit principalement par l’intermédiaire des entreprises publiques, représente la moitié de tous les investissements réalisés dans le pays. Ces investissements ont en partie été coûteux, avec un rapport qualité-prix discutable. Alors qu’un grand nombre d’investissements ont été réalisés dans les infrastructures, dont les effets sociaux et économiques ne peuvent être pleinement observés qu’à long terme, les projets sélectionnés pour un financement public ne tiennent parfois pas suffisamment compte des problèmes d’efficacité et peuvent ne pas optimiser l’impact sur la productivité et la création d’emplois“.
“Comme l’ont fait valoir d’autres analyses, notamment le Mémorandum économique sur le Maroc (CEM) et le Diagnostic-pays systématique (DPS) de la Banque mondiale, le modèle existant basé sur une croissance dépendante du taux très élevé d’accumulation de capital public fixe, n’est pas soutenable.
>Emplois: les jeunes entreprises sont censées en créer beaucoup plus
“Le Maroc ne peut pas uniquement compter sur l’accumulation de capital pour rattraper les pays à revenu plus élevé, car cela nécessiterait des investissements toujours plus importants, mettant en péril sa stabilité macroéconomique“.
“Un secteur privé plus dynamique est nécessaire pour créer davantage d’emplois. A l’échelle mondiale, il a été démontré que la plupart des emplois sont créés par de jeunes entreprises de moins de cinq ans.
Le Maroc doit créer un environnement favorable aux entreprises afin qu’elles puissent pénétrer les marchés, se développer et exporter. Cela nécessitera des conditions propices à une concurrence équitable, du capital humain et des compétences de meilleure qualité pour répondre aux besoins d’une main-d’oeuvre moderne et encourager ainsi l’entrepreneuriat, d’un meilleur accès au financement des petites entreprises et des startups pendant tout leur cycle de vie, ainsi que des institutions qui les soutiennent.
“Dans la sphère privée, la croissance économique semble avoir été principalement tirée par des entreprises établies, souvent bien connectées, et non par de jeunes entreprises. Ces entreprises établies investissent principalement dans des secteurs non échangeables qui sont moins exposés à la concurrence, comme l’immobilier et la construction. Hormis les entreprises créées dans des zones franches au travers d’IDE, dans l’ensemble, les jeunes entreprises n’ont pas réussi à concurrencer celles établies ou à créer de l’emploi dans des proportions importantes. Les secteurs plus dynamiques et à plus forte valeur ajoutée ne représentent qu’une faible part de la croissance de l’emploi
>Etablir des règles du jeu équitables pour tous les opérateurs
“L’accent mis sur la contestabilité du marché et la concurrence contribuerait à créer les conditions de l’émergence d’un secteur privé dynamique et diversifié, capable de créer les emplois dont le Maroc a urgemment besoin.
“(…) Récemment, les mesures qui ont permis de rendre opérationnel le Conseil de la concurrence, avec notamment la nomination de son président et de ses membres en décembre 2018, après un hiatus de quatre ans, représentent une avancée très positive.
>Les IDE accentuent les disparités, les petites entreprises luttent pour survivre
“Les politiques qui ont favorisé les IDE et de larges investissements accentuent les disparités dans les conditions de marché auxquelles sont confrontées les entreprises, d’autant que les mesures visant à répondre aux besoins des petites entreprises ont connu un succès relativement moindre“. Le document cite des exemples : Les nombreux mécanismes d’incitations offerts pour de nouveaux investissements dans les zones industrielles, mais excluant les exportateurs existants à l’extérieur de ces zones.
Ou encore les politiques qui protègent les marchés intérieurs, telle la tarification douanière, et qui offrent des incitations fiscales aux secteurs non échangeables comme l’immobilier, permettent aux grands investisseurs bien connectés de dégager un rendement élevé. "Les petites entreprises nationales se débrouillent seules du mieux qu’elles peuvent, luttant pour survivre, et sont souvent désavantagées, dans les secteurs échangeables plus compétitifs“.
>Automobile: les champions locaux doivent s'insérer dans les chaînes de valeur mondiales
Le document rappelle les nombreuses performances du secteur automobile puis nuance : “La faiblesse de l’industrie automobile réside toutefois dans les retombées économiques limitées dans l’économie locale et l’incapacité des champions locaux à faire leur entrée dans les chaînes de valeur.
“Peu d’entreprises marocaines ont rejoint les clusters automobiles, soit par la modernisation de leurs activités, soit par le biais de joint-ventures. Cela pourrait constituer un frein pour le secteur à l’avenir si les entreprises de niveau 1 et les plus grandes entreprises de niveau 2 ne sont pas en mesure de réorienter leur approvisionnement en intrants des importations vers des fournisseurs locaux plus petits (petites entreprises de niveau 2 et de niveau 3).“
>Pour prospérer et créer des emplois, les PME doivent enfin accéder aux services essentiels.
“À l’échelle mondiale, ce sont les nouvelles entreprises et les entreprises à forte croissance qui créent le plus d’emplois. Les analyses empiriques dans les pays de l’OCDE indiquent qu’en moyenne, si les entreprises de cinq ans ou moins représentent environ un cinquième de l’emploi total, elles créent près de la moitié des nouveaux emplois. Bien que peu d’entre elles survivent, les jeunes entreprises contribuent au dynamisme économique en injectant de la concurrence sur les marchés et en stimulant l’innovation. Au Maroc, 37 % des entreprises enregistrées ont moins de cinq ans. Cependant, peu d’informations sont disponibles sur leur taux de survie ou leur impact sur la création d’emplois.
“Ce que l’on sait, en revanche, c’est que pour pénétrer les marchés, prospérer et créer des emplois, les PME marocaines doivent avoir accès aux services essentiels: un système de concurrence équitable, du capital humain et des compétences, un accès aux chaînes de valeur mondiales, des financements et du capital risque aux stades critiques de leur développement, un accès au foncier, aux infrastructures et aux services TIC indispensables pour une économie moderne et une culture favorable aux affaires“. (…)
>La prise de risque, l’entrepreneuriat sont découragés
(…) “Aujourd’hui, toutefois, les salaires élevés encouragent un grand nombre de personnes talentueuses et qualifiées à accepter des emplois prestigieux dans le secteur public plutôt que de s’aventurer dans un secteur privé où l’initiative et la prise de risques sont contrecarrées par des conditions de concurrence inégales. D’autres rejoignent les grandes entreprises et les entreprises publiques.
"Les salaires moyens du secteur public au Maroc sont deux à trois fois plus élevés que les salaires moyens du secteur privé, sans compter les avantages dont bénéficient généralement les employés du secteur public ou la stabilité de l’emploi.
“L’écart salarial public-privé au Maroc est plus élevé que dans les autres pays de la région MENA, à l’exception des pays du CCG riches en pétrole.
“Alors que les jeunes ingénieurs brésiliens, malaisiens ou turcs qui étudient à l’étranger retournent dans leur pays d’origine pour travailler dans les domaines de l’ingénierie, de l’enseignement et de la recherche, les ingénieurs marocains ne le font que rarement et préfèrent travailler en entreprise ou dans les services publics“.
Le document a été réalisé à la demande et sous la direction de la SFI et de la Banque Mondiale, par une équipe pluridisciplinaire. Il peut être feuilleté ou téléchargé ici. Voici quelques extraits parlants.
>Croissance, emplois et productivité : résultats décevants
“Malgré le taux d’investissement remarquablement élevé du Maroc, l’un des plus élevés au monde avec une moyenne de 34 % du PIB par an depuis le milieu des années 2000, les retombées en termes de croissance économique, création d’emplois et productivité, ont été décevantes.
“Certains pays tels que la Colombie, les Philippines et la Turquie ont atteint des taux de croissance similaires ou supérieurs, avec des niveaux d’investissement nettement inférieurs. Les pays qui ont réussi à décoller économiquement sont parvenus à maintenir des taux annuels de croissance du PIB par habitant bien au-delà de 4 % pendant des décennies (contre des taux annuels moyens au Maroc de 2,9 % entre 2000 et 2017 et de seulement 1,6 % entre 1990 et 2000).
“L’économie marocaine a enregistré des performances particulièrement décevantes en termes de création d’emplois. Alors que la population en âge de travailler a augmenté, en termes nets, de 270 000 personnes par an entre 2012 et 2016, seulement 26 400 nouveaux emplois nets ont été créés en moyenne par an.
“Les gains de productivité ont été faibles : sur le long terme, entre 1970 et 2011, l’économie marocaine n’a enregistré aucun gain de productivité totale des facteurs de production (PTF).
>Investissements publics: en partie coûteux, rapport qualité-prix discutable.
“La composition des investissements aiguille quant aux raisons derrière l’impact limité de l’effort d’investissement significatif du Maroc. Le secteur public, qui investit principalement par l’intermédiaire des entreprises publiques, représente la moitié de tous les investissements réalisés dans le pays. Ces investissements ont en partie été coûteux, avec un rapport qualité-prix discutable. Alors qu’un grand nombre d’investissements ont été réalisés dans les infrastructures, dont les effets sociaux et économiques ne peuvent être pleinement observés qu’à long terme, les projets sélectionnés pour un financement public ne tiennent parfois pas suffisamment compte des problèmes d’efficacité et peuvent ne pas optimiser l’impact sur la productivité et la création d’emplois“.
“Comme l’ont fait valoir d’autres analyses, notamment le Mémorandum économique sur le Maroc (CEM) et le Diagnostic-pays systématique (DPS) de la Banque mondiale, le modèle existant basé sur une croissance dépendante du taux très élevé d’accumulation de capital public fixe, n’est pas soutenable.
>Emplois: les jeunes entreprises sont censées en créer beaucoup plus
“Le Maroc ne peut pas uniquement compter sur l’accumulation de capital pour rattraper les pays à revenu plus élevé, car cela nécessiterait des investissements toujours plus importants, mettant en péril sa stabilité macroéconomique“.
“Un secteur privé plus dynamique est nécessaire pour créer davantage d’emplois. A l’échelle mondiale, il a été démontré que la plupart des emplois sont créés par de jeunes entreprises de moins de cinq ans.
Le Maroc doit créer un environnement favorable aux entreprises afin qu’elles puissent pénétrer les marchés, se développer et exporter. Cela nécessitera des conditions propices à une concurrence équitable, du capital humain et des compétences de meilleure qualité pour répondre aux besoins d’une main-d’oeuvre moderne et encourager ainsi l’entrepreneuriat, d’un meilleur accès au financement des petites entreprises et des startups pendant tout leur cycle de vie, ainsi que des institutions qui les soutiennent.
“Dans la sphère privée, la croissance économique semble avoir été principalement tirée par des entreprises établies, souvent bien connectées, et non par de jeunes entreprises. Ces entreprises établies investissent principalement dans des secteurs non échangeables qui sont moins exposés à la concurrence, comme l’immobilier et la construction. Hormis les entreprises créées dans des zones franches au travers d’IDE, dans l’ensemble, les jeunes entreprises n’ont pas réussi à concurrencer celles établies ou à créer de l’emploi dans des proportions importantes. Les secteurs plus dynamiques et à plus forte valeur ajoutée ne représentent qu’une faible part de la croissance de l’emploi
>Etablir des règles du jeu équitables pour tous les opérateurs
“L’accent mis sur la contestabilité du marché et la concurrence contribuerait à créer les conditions de l’émergence d’un secteur privé dynamique et diversifié, capable de créer les emplois dont le Maroc a urgemment besoin.
“(…) Récemment, les mesures qui ont permis de rendre opérationnel le Conseil de la concurrence, avec notamment la nomination de son président et de ses membres en décembre 2018, après un hiatus de quatre ans, représentent une avancée très positive.
>Les IDE accentuent les disparités, les petites entreprises luttent pour survivre
“Les politiques qui ont favorisé les IDE et de larges investissements accentuent les disparités dans les conditions de marché auxquelles sont confrontées les entreprises, d’autant que les mesures visant à répondre aux besoins des petites entreprises ont connu un succès relativement moindre“. Le document cite des exemples : Les nombreux mécanismes d’incitations offerts pour de nouveaux investissements dans les zones industrielles, mais excluant les exportateurs existants à l’extérieur de ces zones.
Ou encore les politiques qui protègent les marchés intérieurs, telle la tarification douanière, et qui offrent des incitations fiscales aux secteurs non échangeables comme l’immobilier, permettent aux grands investisseurs bien connectés de dégager un rendement élevé. "Les petites entreprises nationales se débrouillent seules du mieux qu’elles peuvent, luttant pour survivre, et sont souvent désavantagées, dans les secteurs échangeables plus compétitifs“.
>Automobile: les champions locaux doivent s'insérer dans les chaînes de valeur mondiales
Le document rappelle les nombreuses performances du secteur automobile puis nuance : “La faiblesse de l’industrie automobile réside toutefois dans les retombées économiques limitées dans l’économie locale et l’incapacité des champions locaux à faire leur entrée dans les chaînes de valeur.
“Peu d’entreprises marocaines ont rejoint les clusters automobiles, soit par la modernisation de leurs activités, soit par le biais de joint-ventures. Cela pourrait constituer un frein pour le secteur à l’avenir si les entreprises de niveau 1 et les plus grandes entreprises de niveau 2 ne sont pas en mesure de réorienter leur approvisionnement en intrants des importations vers des fournisseurs locaux plus petits (petites entreprises de niveau 2 et de niveau 3).“
>Pour prospérer et créer des emplois, les PME doivent enfin accéder aux services essentiels.
“À l’échelle mondiale, ce sont les nouvelles entreprises et les entreprises à forte croissance qui créent le plus d’emplois. Les analyses empiriques dans les pays de l’OCDE indiquent qu’en moyenne, si les entreprises de cinq ans ou moins représentent environ un cinquième de l’emploi total, elles créent près de la moitié des nouveaux emplois. Bien que peu d’entre elles survivent, les jeunes entreprises contribuent au dynamisme économique en injectant de la concurrence sur les marchés et en stimulant l’innovation. Au Maroc, 37 % des entreprises enregistrées ont moins de cinq ans. Cependant, peu d’informations sont disponibles sur leur taux de survie ou leur impact sur la création d’emplois.
“Ce que l’on sait, en revanche, c’est que pour pénétrer les marchés, prospérer et créer des emplois, les PME marocaines doivent avoir accès aux services essentiels: un système de concurrence équitable, du capital humain et des compétences, un accès aux chaînes de valeur mondiales, des financements et du capital risque aux stades critiques de leur développement, un accès au foncier, aux infrastructures et aux services TIC indispensables pour une économie moderne et une culture favorable aux affaires“. (…)
>La prise de risque, l’entrepreneuriat sont découragés
(…) “Aujourd’hui, toutefois, les salaires élevés encouragent un grand nombre de personnes talentueuses et qualifiées à accepter des emplois prestigieux dans le secteur public plutôt que de s’aventurer dans un secteur privé où l’initiative et la prise de risques sont contrecarrées par des conditions de concurrence inégales. D’autres rejoignent les grandes entreprises et les entreprises publiques.
"Les salaires moyens du secteur public au Maroc sont deux à trois fois plus élevés que les salaires moyens du secteur privé, sans compter les avantages dont bénéficient généralement les employés du secteur public ou la stabilité de l’emploi.
“L’écart salarial public-privé au Maroc est plus élevé que dans les autres pays de la région MENA, à l’exception des pays du CCG riches en pétrole.
“Alors que les jeunes ingénieurs brésiliens, malaisiens ou turcs qui étudient à l’étranger retournent dans leur pays d’origine pour travailler dans les domaines de l’ingénierie, de l’enseignement et de la recherche, les ingénieurs marocains ne le font que rarement et préfèrent travailler en entreprise ou dans les services publics“.
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