Un pays arabe pacifique, dépassionné, sûr, tolérant… cela tient du miracle, et c'est Oman. Mais les défis sont lourds pour le sultanat et le despote éclairé qui le dirige.
Un pays arabe pacifique, dépassionné, sûr, tolérant, respectueux des minorités ethniques et religieuses, attaché à l'environnement et à la biodiversité au point d'interdire la chasse, protecteur de son patrimoine architectural, créateur de villes nouvelles sans gratte-ciels, cela existe et cela s'appelle Oman.
Ce pays de quatre millions d'habitants, situé dans une des zones les plus instables du monde et entouré de pays en guerre, Yémen, Arabie Saoudite, Iran, est sous la surveillance permanente des grandes puissances. Elles ont toutes intérêt au maintien de la stabilité car plus de la moitié des échanges pétroliers du monde passe le long de ses côtes (détroit d'Ormuz)
Cette vigilance internationale contribue à la tranquillité du pays. Elle ne suffit pas à expliquer le « miracle » Il faut chercher d'autres raisons.
Aux origines du "miracle"
La première est liée à la géographie et à l'histoire. Oman est ouvert sur le monde. Les Omanais de la côte sont depuis l'antiquité des marins et des commerçants, se livrant à des trafics de tout genre, du cuivre vers l'empire assyrien, des armes, des épices, de l'encens et des esclaves tard dans le 19è siècle (transportés sur des bateaux portant pavillons français...).
Ils ont été même des colonisateurs en Afrique (océan indien) ou au Baloutchistan. Un temps, le sultanat avait deux capitales, Zanzibar et Mascate. Avec les changements politiques et la décolonisation, beaucoup de ces colonisateurs sont revenus à Oman et se sont mêlés à la population locale, introduisant une touche de noir car ils s'étaient métissés.
Oman, du fait de sa position stratégique entre l'Asie et l'Europe, a attiré de nombreux envahisseurs, depuis les Grecs jusqu'aux colonisateurs portugais (16è siècle) et aux Anglais, qui éliminèrent longtemps la France du jeu omanais. L'Angleterre qui a aidé le sultan actuel à accéder au pouvoir en 1970 au détriment de son père puis à régler des conflits intérieurs, reste très influente. Longtemps, les élites omanaises venaient se former à Londres.
La seconde, c'est le sultan actuel, Quabus Bin Saïd, un despote éclairé, efficace et prudent. Tout était à faire en 1970 : une seule école, pas de routes, pas d'avions ni d'hélicoptères. Tout ce que voit le visiteur aujourd'hui- ou presque- est quasiment neuf. De nombreuses infrastructures ont été réalisées : écoles (taux de scolarisation à 85% filles comprises) universités, routes fort bien entretenues, oléoducs et gazoducs, aéroports et lancement d'un gigantesque hub aéroportuaire au centre du pays (Doqum)
Toutes ces réalisations ont été rendues possible par la découverte, relativement tardive, de pétrole et surtout de gaz dans les sables et terres tourmentées du sud. Sans être un pays aussi riche que ses voisins, la ressource tirée des hydrocarbures a permis de financer, outre les infrastructures, des plans de développements incluant la pétrochimie et un tourisme de qualité (d'excellents hôtels ont été ouverts)
La rente a servi non seulement à financer la croissance mais aussi un Etat-providence. Une bonne part a été redistribuée au profit des Omanais sous forme de régimes sociaux extrêmement généreux dans les domaines de la santé, des retraites et du logement. L'impôt direct est inconnu.
Aussi spectaculaire que soit la transformation économique et sociale intervenue en un demi-siècle, l'essentiel du miracle n'est pas là. Il est plus qualitatif et diffus.
Un fabricant de paix
Le sultan a été un unificateur, un fabricant de paix et d'harmonie.
Paix à l'intérieur, il est venu à bout des guerres civiles, rapprochant les bédouins de l'intérieur et les hommes de la côte, offrant à chacun des perspectives de développement. Il a fait des Omanais des citoyens, fiers de leur pays et de leur histoire, même si l'appartenance tribale demeure. Sur cinq cents forts et châteaux, dont certains d'origine portugaise, quatre cents ont été restaurés. Un programme de restauration des vieux villages aux hautes maisons en pisé ou bauge, qui font penser au Yémen, a été lancé.
Soucieux d'une modernisation qui ne rompe pas avec le passé, il a imposé un urbanisme à l'échelle humaine, interdisant les barres et les tours. Avec l'aide d'architectes venant d'Inde, des maisons reprenant des motifs décoratifs traditionnels se sont multipliées, les unes modestes, les autres très riches, avec une place donnée aux espaces verts.
Paix à l'extérieur, entretenant des relations avec tous ses voisins (Iran compris) refusant de participer aux interventions militaires -actuellement absent des coalitions contre le Yémen ou contre l'Etat Islamique, offrant sa médiation, appréciée parce que discrète, pour la solution des crises, les grandes (l'Iran où son rôle a été particulièrement apprécié par les Etats-Unis) et les petites (enlèvements d'Européens)
Pour autant, a-t-il fait de l'Omanais un homme nouveau, alliant la tradition et la modernité ? Une distinction entre hommes et femmes s'impose. Les hommes portent avec élégance la longue tunique au col rond (didasha) généralement d'un blanc immaculé, mais parfois grise et noire, qui dissimule l'obésité. Elle est assortie d'un turban généreux ou d'une petite coiffe ronde colorée. Un seul homme peut en posséder une trentaine, elles sont harmonisées avec le liseré et le cordon de la didasha.
L'Omanais des villes, dont le revenu est comparable à celui d'un Portugais, parait à l'aise avec tout ce qui représente la modernité, le portable, la voiture. Grand bénéficiaire de l'Etat Providence et de la politique d'omanisation mise en œuvre par le sultan, il trouve un emploi dans l'administration ou dans l'entreprise qui ne peut recourir exclusivement à la main d'œuvre étrangère mais sa productivité est faible.
La jeune Omanaise est instruite, elle réussit mieux dans les écoles et les universités que son homologue masculin. Elle est présente dans les bureaux mais le poids de la tradition est pesant. Certaines portent avec une élégance faisant penser aux Iraniennes le hijab. D'autres, même en ville, ont le visage et le corps recouvert d'un niqab. Dans les villages, des hommes emmènent dans leur voiture des femmes en niqab dans les magasins. La polygamie est en recul et l'excision serait pratiquée sur les Omanaises d'origine africaine. Pour des occidentaux, il reste beaucoup de chemin à faire.
Un sultan discret
Qui est au juste Quabus Bin Saïd ? Ici que le miracle comporte une part de mystère. Le sultan cultive la discrétion et le secret, même si les portraits de ce très bel homme, cavalier émérite et amateur de musique classique (un opéra grandiose tout de marbre blanc a ouvert récemment à Mascate) figurent dans tous les lieux publics.
Cette discrétion est-elle en lien avec une homosexualité, sue de tous et tue par tous, qui se serait déclarée à l'académie royale militaire de Sandhurst, où il se serait uni avec un anglais ? Il semble plutôt que ce soit un choix politique. Son audace notamment diplomatique, qui suscite l'hostilité de nombreux pays arabes, est tolérée parce qu'elle est discrète. Plutôt que s'agiter et paraître, il préfère influencer, agir et utiliser tous les leviers du pouvoir, en cumulant les fonctions, y compris celle de gouverneur de la Banque Centrale.
Cette action a des limites. Quabus veut certes le bonheur de son peuple mais un peuple constitué uniquement d'Omanais, à l'exclusion des étrangers, soit le tiers de la population. Venus généralement de pays d'Asie (Inde, Bangladesh, Pakistan) ces immigrés sont irremplaçables, d'autant que les Omanais se refusent à exercer un certain nombre de tâches, en particulier dans le tourisme. Leurs droits sont limités mais leur condition meilleure que dans les Emirats ou en Arabie Saoudite.
La suite..........
Un pays arabe pacifique, dépassionné, sûr, tolérant, respectueux des minorités ethniques et religieuses, attaché à l'environnement et à la biodiversité au point d'interdire la chasse, protecteur de son patrimoine architectural, créateur de villes nouvelles sans gratte-ciels, cela existe et cela s'appelle Oman.
Ce pays de quatre millions d'habitants, situé dans une des zones les plus instables du monde et entouré de pays en guerre, Yémen, Arabie Saoudite, Iran, est sous la surveillance permanente des grandes puissances. Elles ont toutes intérêt au maintien de la stabilité car plus de la moitié des échanges pétroliers du monde passe le long de ses côtes (détroit d'Ormuz)
Cette vigilance internationale contribue à la tranquillité du pays. Elle ne suffit pas à expliquer le « miracle » Il faut chercher d'autres raisons.
Aux origines du "miracle"
La première est liée à la géographie et à l'histoire. Oman est ouvert sur le monde. Les Omanais de la côte sont depuis l'antiquité des marins et des commerçants, se livrant à des trafics de tout genre, du cuivre vers l'empire assyrien, des armes, des épices, de l'encens et des esclaves tard dans le 19è siècle (transportés sur des bateaux portant pavillons français...).
Ils ont été même des colonisateurs en Afrique (océan indien) ou au Baloutchistan. Un temps, le sultanat avait deux capitales, Zanzibar et Mascate. Avec les changements politiques et la décolonisation, beaucoup de ces colonisateurs sont revenus à Oman et se sont mêlés à la population locale, introduisant une touche de noir car ils s'étaient métissés.
Oman, du fait de sa position stratégique entre l'Asie et l'Europe, a attiré de nombreux envahisseurs, depuis les Grecs jusqu'aux colonisateurs portugais (16è siècle) et aux Anglais, qui éliminèrent longtemps la France du jeu omanais. L'Angleterre qui a aidé le sultan actuel à accéder au pouvoir en 1970 au détriment de son père puis à régler des conflits intérieurs, reste très influente. Longtemps, les élites omanaises venaient se former à Londres.
La seconde, c'est le sultan actuel, Quabus Bin Saïd, un despote éclairé, efficace et prudent. Tout était à faire en 1970 : une seule école, pas de routes, pas d'avions ni d'hélicoptères. Tout ce que voit le visiteur aujourd'hui- ou presque- est quasiment neuf. De nombreuses infrastructures ont été réalisées : écoles (taux de scolarisation à 85% filles comprises) universités, routes fort bien entretenues, oléoducs et gazoducs, aéroports et lancement d'un gigantesque hub aéroportuaire au centre du pays (Doqum)
Toutes ces réalisations ont été rendues possible par la découverte, relativement tardive, de pétrole et surtout de gaz dans les sables et terres tourmentées du sud. Sans être un pays aussi riche que ses voisins, la ressource tirée des hydrocarbures a permis de financer, outre les infrastructures, des plans de développements incluant la pétrochimie et un tourisme de qualité (d'excellents hôtels ont été ouverts)
La rente a servi non seulement à financer la croissance mais aussi un Etat-providence. Une bonne part a été redistribuée au profit des Omanais sous forme de régimes sociaux extrêmement généreux dans les domaines de la santé, des retraites et du logement. L'impôt direct est inconnu.
Aussi spectaculaire que soit la transformation économique et sociale intervenue en un demi-siècle, l'essentiel du miracle n'est pas là. Il est plus qualitatif et diffus.
Un fabricant de paix
Le sultan a été un unificateur, un fabricant de paix et d'harmonie.
Paix à l'intérieur, il est venu à bout des guerres civiles, rapprochant les bédouins de l'intérieur et les hommes de la côte, offrant à chacun des perspectives de développement. Il a fait des Omanais des citoyens, fiers de leur pays et de leur histoire, même si l'appartenance tribale demeure. Sur cinq cents forts et châteaux, dont certains d'origine portugaise, quatre cents ont été restaurés. Un programme de restauration des vieux villages aux hautes maisons en pisé ou bauge, qui font penser au Yémen, a été lancé.
Soucieux d'une modernisation qui ne rompe pas avec le passé, il a imposé un urbanisme à l'échelle humaine, interdisant les barres et les tours. Avec l'aide d'architectes venant d'Inde, des maisons reprenant des motifs décoratifs traditionnels se sont multipliées, les unes modestes, les autres très riches, avec une place donnée aux espaces verts.
Paix à l'extérieur, entretenant des relations avec tous ses voisins (Iran compris) refusant de participer aux interventions militaires -actuellement absent des coalitions contre le Yémen ou contre l'Etat Islamique, offrant sa médiation, appréciée parce que discrète, pour la solution des crises, les grandes (l'Iran où son rôle a été particulièrement apprécié par les Etats-Unis) et les petites (enlèvements d'Européens)
Pour autant, a-t-il fait de l'Omanais un homme nouveau, alliant la tradition et la modernité ? Une distinction entre hommes et femmes s'impose. Les hommes portent avec élégance la longue tunique au col rond (didasha) généralement d'un blanc immaculé, mais parfois grise et noire, qui dissimule l'obésité. Elle est assortie d'un turban généreux ou d'une petite coiffe ronde colorée. Un seul homme peut en posséder une trentaine, elles sont harmonisées avec le liseré et le cordon de la didasha.
L'Omanais des villes, dont le revenu est comparable à celui d'un Portugais, parait à l'aise avec tout ce qui représente la modernité, le portable, la voiture. Grand bénéficiaire de l'Etat Providence et de la politique d'omanisation mise en œuvre par le sultan, il trouve un emploi dans l'administration ou dans l'entreprise qui ne peut recourir exclusivement à la main d'œuvre étrangère mais sa productivité est faible.
La jeune Omanaise est instruite, elle réussit mieux dans les écoles et les universités que son homologue masculin. Elle est présente dans les bureaux mais le poids de la tradition est pesant. Certaines portent avec une élégance faisant penser aux Iraniennes le hijab. D'autres, même en ville, ont le visage et le corps recouvert d'un niqab. Dans les villages, des hommes emmènent dans leur voiture des femmes en niqab dans les magasins. La polygamie est en recul et l'excision serait pratiquée sur les Omanaises d'origine africaine. Pour des occidentaux, il reste beaucoup de chemin à faire.
Un sultan discret
Qui est au juste Quabus Bin Saïd ? Ici que le miracle comporte une part de mystère. Le sultan cultive la discrétion et le secret, même si les portraits de ce très bel homme, cavalier émérite et amateur de musique classique (un opéra grandiose tout de marbre blanc a ouvert récemment à Mascate) figurent dans tous les lieux publics.
Cette discrétion est-elle en lien avec une homosexualité, sue de tous et tue par tous, qui se serait déclarée à l'académie royale militaire de Sandhurst, où il se serait uni avec un anglais ? Il semble plutôt que ce soit un choix politique. Son audace notamment diplomatique, qui suscite l'hostilité de nombreux pays arabes, est tolérée parce qu'elle est discrète. Plutôt que s'agiter et paraître, il préfère influencer, agir et utiliser tous les leviers du pouvoir, en cumulant les fonctions, y compris celle de gouverneur de la Banque Centrale.
Cette action a des limites. Quabus veut certes le bonheur de son peuple mais un peuple constitué uniquement d'Omanais, à l'exclusion des étrangers, soit le tiers de la population. Venus généralement de pays d'Asie (Inde, Bangladesh, Pakistan) ces immigrés sont irremplaçables, d'autant que les Omanais se refusent à exercer un certain nombre de tâches, en particulier dans le tourisme. Leurs droits sont limités mais leur condition meilleure que dans les Emirats ou en Arabie Saoudite.
La suite..........
Commentaire