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La Grèce s’enfonce, l’Europe s’enlise

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  • La Grèce s’enfonce, l’Europe s’enlise

    Le cas grec a une valeur d’exemple. On ne peut pas fuir ses obligations, on ne peut pas être en défaut sur sa dette sans prix à payer et on ne peut quitter la zone euro sans douleur.

    Les images provenant de la Grèce sont à arracher le cœur. On y voit des personnes âgées attendant, ahuries et bouleversées, devant des banques fermées, et donc incapables de retirer leur chèque de pension de vieillesse. Des stations-service n’ont plus d’essence, et il y a même des files devant les marchés et les pharmacies, car la population craint qu’il y ait pénurie de biens essentiels. Quand ça va mal…


    Les banques sont fermées jusqu’au 6 juillet, car les banques grecques sont incapables de faire face à l’ampleur des retraits. Les Grecs ont retiré près d’un milliard d’euros des guichets automatiques en fin de semaine ; dorénavant, ils ne pourront retirer que 60 euros par jour. Quelque 850 succursales bancaires devraient être ouvertes pour distribuer les pensions aux retraités

    Voilà donc les répercussions immédiates, sur la population, de la rupture des négociations entre le gouvernement grec et ses créanciers.


    Cette rupture et l’annonce-surprise d’un référendum occasionnent d’autres contretemps. La Bourse d’Athènes est fermée et toutes les autres places boursières reculent fortement. Les devises, dont le dollar canadien, se replient aussi face au billet vert. Le prix du pétrole est également à la baisse. Enfin, des pays comme l’Italie et l’Espagne doivent payer plus cher pour se financer. On parle aujourd’hui d’un «tremblement de terre» ou, pire, d’un «bain de sang».

    Mais comment en sommes-nous rendus là ?

    Il y a deux niveaux d’interprétation.

    Pour certains, «un groupuscule technocratique-banquier non élu» a décidé de mener la vie dure à un gouvernement élu. Vous aurez reconnu dans ce camp les autres pays membres de la zone euro, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI).

    «Les créanciers auraient même une responsabilité criminelle», selon l’économiste et prix Nobel Joseph Stiglitz. Les mesures d’austérité qu’ils exigent ont déjà ruiné la Grèce, et il faudrait effacer une partie de la dette grecque pour permettre à l’économie de reprendre son souffle et espérer que le pays puisse un jour honorer ses engagements.

    C’est aussi la ligne défendue par le gouvernement grec d’Alexis Tsipras, qui a rompu brusquement les négociations et qui appelle le peuple grec à rejeter par référendum un accord qui n’était même pas encore ficelé.

    Les pays européens ne l’entendent évidemment pas ainsi. Sur la forme, tous les gouvernements européens ont critiqué ce référendum improvisé (des négociateurs grecs l’auraient même appris sur Twitter) et la suspension des négociations, alors qu’on aurait été «à quelques centimètres d’un accord».

    Sur le fond, le désaccord reste important.

    Tout d’abord, il faudrait cesser d’opposer la Grèce à des entités strictement bureaucratiques, comme le FMI et la BCE. L’Allemagne (56,5 milliards) et la France (42,4 milliards) détiennent, directement ou indirectement, presque le tiers de la dette grecque — qui s’élève à 321 milliards d’euros.


    Quand le ministre allemand des Finances dit aux Grecs qu’ils doivent mettre de l’ordre dans leurs affaires et rembourser leurs prêts, il parle au nom d’un gouvernement et d’une opinion publique qui en ont assez de ce cirque et qui n’acceptent pas de payer la facture à la place des Grecs. Il me semble qu’on fait fausse route en comparant la légitimité des uns et des autres.

    On dit aussi que les Grecs n’ont rien reçu en échange des milliards empruntés, puisqu’il s’agissait essentiellement de rembourser les banques européennes vulnérables à un défaut grec. Cet argument porte moins, puisqu’à l’origine, ce sont des dettes contractées par les gouvernements grecs successifs pour pallier l’insuffisance de rentrées fiscales et des dépenses trop élevées en fonction des recettes. C’est sans compter les tricheries des particuliers qui ne déclarent pas leurs revenus et de l’État qui trafiquait ses comptes pour mieux paraître.

    On peut accuser les autres pays européens de lâcheté à l’endroit de leur opinion publique, ou de dogmatisme en matière de finances publiques. Ce qui est vu comme de l’acharnement a peut-être une autre explication.

    Le cas grec a en effet une valeur d’exemple. Le message est le suivant : on ne peut pas faire ce qu’on veut quand on partage la même monnaie, on ne peut pas fuir ses obligations, on ne peut pas être en défaut sur sa dette sans prix à payer et on ne peut quitter la zone euro sans douleur. Donner un passe-droit à la Grèce revient à donner le mode d’emploi à tout gouvernement porté par un message antiaustérité qui voudrait faire pareil.

    Le précipice, c’est demain

    Mardi soir, la Grèce n’aura pas un centime pour rembourser un prêt de 1,6 milliard d’euros provenant du Fonds monétaire international et se trouvera officiellement en défaut de paiement. Elle pourrait en être exclue d’ici deux ans et se priver de l’accès aux ressources financières de cet organisme, qui regroupe 188 États membres. La Grèce pourrait aussi être bannie de la zone euro si elle ne rembourse pas ses prêts aux institutions européennes.

    Cette sortie de la zone euro sera au mieux chaotique, au pire infernale. D’abord, il n’y a pas de précédent. Comment fait-on, au juste, pour sortir de la zone euro ? L’idée serait de revenir à l’ancienne monnaie, la drachme. Il faudra imprimer de nouveaux billets de banque, puis opérer la conversion dans toutes les transactions électroniques et dans les comptes de banque.

    Comment vaudra cette nouvelle drachme ? Un économiste de la banque RBS estime que la monnaie grecque perdra 50 % de sa valeur comparativement à l’euro. Les Grecs seront plus pauvres quand ils iront à l’étranger et dépenseront davantage pour leurs produits importés, mais cette nouvelle monnaie devrait rendre le pays meilleur marché pour les touristes, et les produits grecs plus concurrentiels.

    Il s’agit peut-être là du meilleur scénario pour la Grèce, dont l’économie est laminée par des décennies de mauvaises gestion des comptes publics et des années d’austérité.

    Le référendum cristallisera l’opinion. Si les Grecs votent OUI, ce sera un vote pour l’euro et pour l’Europe. C’est ce que disent l’un après l’autre les leaders européens. Voter NON, c’est s’opposer aux mesures d’austérité imposées par les partenaires européens et décider de faire bande à part.

    Dans les deux cas, le prix est élevé.

    l'actualité

  • #2
    C’est le prix a payer d’un etat populiste, impermeable au realisme politique

    Accorder un 14 eme mois aux fonctionnaires, c’est suicidaire
    .
    .
    ''La pauvreté ne sera plus séditieuse, lorsque l'opulence ne sera plus oppressive''
    Napoléon III

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    • #3
      le problème c'est que la planète en entier va subir la récession découlant de mauvaises gestions grecques.
      ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément

      Commentaire


      • #4
        le problème c'est que la planète en entier va subir la récession découlant de mauvaises gestions grecques.
        Pas seulement Grecques, regardes aussi la France socialiste!
        Toutes les fleurs de l'avenir sont dans les semences d'aujourd'hui.

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        • #5
          haddou tu présentes le point de vue de quelle partie ??

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          • #6
            La déclaration d’indépendance de la Grèce

            30 juin 2015 | Par christian salmon

            En annonçant dans la nuit du vendredi 26 au samedi 27 juin la tenue d’un référendum, Tsipras a fait voler en éclats le cadre juridique et comptable dans lequel voulaient l’enfermer les dirigeants de la zone euro. En soumettant aux citoyens grecs les mesures souhaitées par ses créanciers (Commission européenne, BCE, FMI), il a réintroduit le peuple souverain dans la négociation. Et mis au jour la guerre qui jusque-là se déroulait derrière le paravent des négociations.

            Athènes, de notre envoyé spécial.- En annonçant dans la nuit de vendredi à samedi la tenue d’un référendum, Tsipras a fait voler en éclats le cadre étroitement juridique et comptable de la négociation dans lequel voulaient l’enfermer les dirigeants de la zone euro. En soumettant au peuple grec les mesures souhaitées par la troïka (Commission européenne, BCE, FMI), il a réintroduit le peuple souverain dans la négociation.

            En un discours de quelques minutes, Alexis Tsipra a redonné vie et sens à l'idée européenne, engluée dans le storytelling des institutions et des banquiers : « La Grèce, qui a vu naître la démocratie, doit envoyer un message de démocratie retentissant. » Il ne s’agit donc pas d’un coup politicien mais d’une clarification qui rétablit la question de la démocratie au cœur du débat européen. Il suffisait pour s’en rendre compte d’être présent lundi soir parmi les milliers de manifestants de la place Syntagma, à Athènes, devant le Parlement grec, écouter leurs chants et leurs slogans, voir des centaines de pancartes affichant le désormais fameux OXI (NON) qui ressemble tellement – dans son graphisme même – à un OUI ; un oui à autre chose. En appelant à ce référendum, Alexis Tsipras a mis un terme à des négociations qui n’avaient d’autre but que de l’amener à capituler. Mais il a fait plus : il a prononcé ce qui pour les dirigeants européens et les créanciers constituent un véritable casus belli : une déclaration d’indépendance !

            En appelant à voter oui au référendum convoqué le 5 juillet par Alexis Tsipras, Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, n’a sans doute pas mesuré la portée de son geste : non seulement il a commis une ingérence dans les affaires intérieures d’un pays membre, mais il a légitimé a posteriori la tenue d’un référendum considéré comme une provocation par les dirigeants de l’Union européenne. Mais Juncker et la Commission n’en sont plus à une contradiction près, et lorsque la guerre est déclarée, on ne s’embarrasse pas de ce genre d’arguties – car désormais, plus de doute possible, la guerre est déclarée. Une « guerre » d’un genre nouveau qui n’a pas pour seul objet la dette grecque mais également le crédit politique de Syriza.

            Une guerre d’un genre nouveau qui a pour théâtre d’opérations non plus les champs de bataille traditionnels mais les marchés financiers, et pour armes non plus des avions et des tanks mais les algorithmes informatiques et les avis des agences de notations. C’est une guerre de mouvement qui ne se déplace plus à la vitesse des troupes au sol mais au rythme des microsecondes des opérateurs virtuels de marché. Rythmes et algorithmes. Crédit et spéculation. Plus besoin d’assiéger les villes, on spécule à la baisse sur la dette souveraine. On compose les programmes et les gouvernements. On impose les réformes et les remaniements. Une classe politique aux ordres, peuplée de figurants. Il ne s’agit pas de négocier comme dans la diplomatie traditionnelle, il suffit de spéculer sur la chute d’un gouvernement. Et s’il lui arrive de résister, on déclenche un “bank run”, une panique financière, comme on l’a vu la semaine dernière : un véritable « coup d’État financier ». L'agence Standard and Poor's ne s’y est pas trompée qui a qualifié le référendum de mauvais signal pour la « stabilité économique» du pays et a abaissé la note de la Grèce à CCC–, un signal de défiance à l’intention des marchés. Signe éclatant de la subordination des politiques européennes aux marchés financiers !

            Mais c’est aussi une guerre médiatique qui oppose des récits rivaux et mobilise images et mots à des fins de persuasion ou d’envoûtement. C’est une guerre dont les batailles successives sont constituées de performances qui réussissent ou échouent. La fierté nationale est convoquée, bientôt battue en brèche par la peur du lendemain. La menace ou l’insulte sont mobilisées. Qui perd en position de négociation peut gagner en crédit de courage. Et vice versa. « Tsipras le tricheur », affirmait Der Spiegel après l’annonce du référendum grec. « La Grèce rackette l'Europe », tonnait Bild. Le correspondant de Libération à Bruxelles annonçait « la démission du président grec et l’annulation du référendum » ! Le Monde légitimait à l’avance un coup d’État contre le gouvernement Syriza. « Lui ou un autre », peu importe ! « Si Tsipras veut jouer au poker. Pourquoi pas nous ? » Mais qui « nous » ? Nous, les patriotes de la finance ? Nous, les légionnaires de l’ordolibéralisme ? Nous, les héritiers de l’oligarchie européenne ? La vérité sort de la bouche des enfants !

            On a assez répété après Rudyard Kipling que « la première victime d’une guerre, c’est la vérité », et la guerre financière ne fait pas exception. Mais la vérité n’est pas seulement une victime collatérale, elle est aussi l’ennemi déclaré. Le monde virtuel de la finance a besoin de créer sa propre réalité. Comment spéculer sans les médias, sans la caisse de résonance des réseaux sociaux, sans le concours des petites mains qui rédigent les éditoriaux ?

            C’est la première guerre spéculative, financière et numérique qui utilise les nouvelles technologies de l’information et de la communication pour discréditer, intoxiquer, créer des épidémies de panique, déstabiliser un pouvoir souverain. Il ne s’agit pas de négocier comme dans la diplomatie traditionnelle mais de spéculer sur la chute d’un gouvernement.

            Michel Feher a, à plusieurs reprises, sur son blog (lire ici et là), fort bien analysé le changement de paradigme politique qu’impose le néolibéralisme à ses opposants. Pour le combattre, il ne s’agit plus de négocier le partage des revenus du capital et du travail sur la base d’un rapport de force entre capitalistes et salariés mais de « prendre pied sur les marchés des capitaux en sorte d’y modifier les conditions d’accréditation – et en l’occurrence, pour obtenir que le bien-être d’un peuple y soit davantage valorisé que sa disposition à se saigner pour renflouer le système bancaire ». Et Michel Feher d’ajouter une considération stratégique : cela « nécessite l’apparition de politiciens capables de spéculer pour leur compte ». Selon lui, « Yanis Varoufakis s’est imposé comme le premier d’entre eux... Le ministre des finances du nouveau gouvernement grec ne négocie pas : il spécule et, mieux encore, contraint ses interlocuteurs à spéculer en retour sur ses intentions. Au lieu de marchander la restructuration de la dette grecque, il parie concurremment sur la bonne volonté de chacun et sur le risque qu’il y aurait à y déroger ».

            A-t-il pour autant réussi à modifier « les conditions d’accréditation », c’est-à-dire à imposer que « le bien-être d’un peuple [...] soit davantage valorisé que sa disposition à se saigner pour renflouer le système bancaire » ? Selon Michel Feher, rien n’est moins sûr. À cela plusieurs raisons, dont la principale est liée à l’abondance des propositions avancées dans la négociation. Quand le ministre des finances allemand, Wolfgang Schäuble, s’en tenait à la tenaille « Canossa ou Grexit », les Grecs ont multiplié les propositions au risque de perdre en lisibilité. Ils ont par exemple, rappelle Michel Feher, proposé successivement le remplacement des obligations existantes par des obligations indexées sur la croissance ou par des obligations perpétuelles ; que l'Europe aide la Grèce à mieux collecter l'impôt (investissements publics à cette fin) ; que l'Europe aide la Grèce à se réformer (budget militaire enflé, immunité de l'Église et des armateurs...).

            A suivre .../...
            Dernière modification par jawzia, 30 juin 2015, 19h08.

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            • #7
              Suite

              .../...

              Tsipras et Varoufakis ont défendu la souveraineté des Grecs, le respect du mandat reçu de leurs électeurs tout en ne cessant de répéter que leur engagement européen les amenait à transiger avec leur programme afin de trouver un terrain d'entente avec les créanciers. « Tout est bon, malin et défendable dans cette panoplie », conclut Feher, mais trop de richesses nuit parfois – pas le temps de taper suffisamment sur tous les clous pour se faire entendre – et par conséquent, on risque de donner l'impression de la dispersion, voire de se prêter à l'accusation d'amateurisme.

              Ce n’est pas la première fois que les dirigeants de la zone euro bafouent la souveraineté des États qui la composent, mais jusque-là, lorsque des gouvernements furent renversés, comme celui de Papandréou ou celui de Berlusconi, ce fut au nez et à la barbe de l’opinion européenne, très discrètement, dans les couloirs du G20 à Cannes en 2013. Jamais une telle offensive n’avait été menée pendant plusieurs mois contre un État membre de l’Union européenne. Jamais la résistance des dirigeants désavoués par Bruxelles n’avait été aussi opiniâtre, dépassant le seul enjeu de la lutte contre l’austérité pour acquérir une valeur exemplaire. C’est de la démocratie en Europe qu’il est question dans le référendum grec, comme l’a observé Wolfgang Munchau dans le Financial Times, qui a accusé les créanciers de la Grèce de vouloir détruire la démocratie après avoir pillé son économie.

              Quels arguments opposer à la propagande hyper réelle des pouvoirs financiers, qui désinforme et désoriente, qui affole et envoûte ? Stricto sensu : rien ! C’est une guerre aux moyens asymétriques : à la conquête des cœurs et des esprits, il n'y a guère que le cœur et l’esprit à opposer. Le courage d’Achille. La ruse d’Ulysse. La colère synchrone contre l’arrogance des puissants qui apprend aux personnes qu’elles peuvent être des citoyens. Mais cette colère a des effets performatifs puissants que les spins doctors ignorent. Les révolutions arabes ont bousculé des dictateurs.

              En appelant les Grecs à dire un « grand non » aux créanciers, Tsipras a convoqué le grand récit national des Grecs, le grand Non de Metaxas à l'ultimatum de Mussolini le 28 octobre 1940, une des deux fêtes nationales en Grèce. Chaque Grec connaît l’hommage de Churchill au courage des combattants : « Dorénavant nous ne dirons pas que les Grecs combattent tels des héros, mais que les héros combattent tels des Grecs. »

              La construction européenne, tout en brandissant les grands idéaux de démocratie et de droits de l’homme, a constamment repoussé aux lendemains la question de la légitimité démocratique de ses institutions. Ses dirigeants ont toujours contourné le suffrage universel, comme lors de l’épisode du non au référendum de 2005. Ainsi elle n’a pas seulement contribué à déconstruire la souveraineté des États-nations qui la composent par des abandons de souveraineté, elle a fait émerger un nouveau « décisionnisme » non démocratique. Le pouvoir d’agir qui se manifeste à travers le contrôle de la monnaie et du territoire s’est émancipé du pouvoir de représentation. Les gouvernants élus ont été privés des leviers de la puissance, pendant que les nouvelles institutions européennes étaient déliées de toute représentativité. Cela a produit ce visage de Janus de l’insouveraineté européenne. D’un côté, des décisions sans visage ; de l’autre, des visages impuissants. Résultat de cette dislocation : l’action est perçue comme illégitime et la parole politique a perdu toute crédibilité.

              C’est cette construction acéphale que la crise grecque a démasquée. Les visages impuissants n’ont pas changé de physionomie mais les pouvoirs sans visage sont apparus au premier plan. Les personnages mêmes de cette série “larger than life” se sont mis à ressembler à leur caricature : Moscovici plus commis que commissaire, Maîtresse Merkel doublée de son valet Matti Schäuble, Jean-Claude Juncker en Monsieur Loyal du cirque « Europa ». Le fauteuil roulant de Schäuble et la moto de Varoufakis. D’un côté, les personnages d’une comédie où la méchanceté le dispute au ridicule, où les discours des puissants ne s’embarrassent même plus de sophismes et se révèlent comme la froide résolution du plus fort – comme dans la plus désespérante des fables de La Fontaine –, où le loup de Wall Street ne prend plus la peine de se déguiser en grand-mère Merkel pour dévorer à belles dents le chaperon rouge grec.

              Depuis la victoire de Syriza en Grèce, la guerre couvait de manière sourde comme un feu de broussailles, enjambant les conseils européens, sautant d’une réunion de l’Eurogroupe à une autre, étouffée par un optimisme de commande, par les communiqués rassurants (comme les communiqués de guerre) évoquant des points de vue qui se sont rapprochés, par la perspective toujours repoussée d’un accord (toujours possible). Sur le boulier des ministres des finances, on alignait l’échéancier des remboursements et les réformes dites structurelles, coupes des budgets sociaux et des retraites, nouvelles rentrées fiscales... Comme l'usurier Shylock dans Le Marchand de Venise de Shakespeare, les créanciers entendaient bien prélever leur livre de chair sur le corps social grec, à défaut de pouvoir récupérer l’intégralité de la créance – quitte à jouer le pourrissement de la négociation avec la collaboration des médias acquis à leur cause...

              À l’écran, la tension entre négociateurs était presque palpable tout autant que les grandes claques que distribuait Jean-Claude Juncker en maître gogolien des pitreries européennes. Christine Lagarde alla jusqu’à réclamer des adultes dans la salle, oubliant qu’elle jouait le rôle du gendarme dans un théâtre de Guignol, un gendarme qui, loin de veiller à la stabilité financière de la zone euro, attisait avec le concours de la BCE une panique bancaire en Grèce, afin de forcer le gouvernement de Syriza à capituler. En organisant le chaos d’un pays membre de la zone euro, ses dirigeants entendaient le mettre à genoux, au lieu de remplir leur mission de solidarité et de se porter à son secours. Ils ont ainsi bafoué l’esprit et la règle des fameux traités et se sont disqualifiés devant l'histoire.

              Pendant ces longs mois de négociation, on a vu « les institutions » peu à peu tomber le masque de la rigueur et de la raison, perdre leur anonymat garant de leur efficacité et de leur puissance et prendre un visage qui est aussi un masque, pendant qu’une nouvelle génération politique incarnée par Tsipras et Varoufakis devenait les symboles d’une résistance des peuples à la domination des puissants, des rentiers, prenait la tête d’une rébellion contre cette Europe que Habermas a qualifiée de zombie et qui n’a plus en effet ni âme ni cœur.

              Lagarde, Schäuble, Dijsselbloem, Draghi, peuvent avoir les meilleures agences de com du monde, elles ne peuvent rien pour eux. Le storytelling est efficace mais on ne ranime pas un zombie en lui soufflant des histoires dans les oreilles, le bouche à bouche narratif des puissants est impuissant devant la colère des peuples... Et peu à peu j’ai compris que ce à quoi l’on assistait n’était pas un théâtre ni une comédie ni même une série née du mixage de Game of Thrones et de House of Cards. Mais un processus irréversible, follement pathétique, une sorte de momification, de « zombification » de l’Europe.

              L’épisode grec n’était ni un aboutissement ni un prologue, ni la conséquence des arriérés de la dette européenne, ni l’incroyable affaissement de la business class européenne, qui fait que depuis un demi-siècle, génération après génération, sous la laque des privilèges, l’Union européenne gagne sans cesse en médiocrité, jusqu’à admettre en son sein néonazis, racistes, anti-immigrés...
              Le décryptage des discours et des images, l’analyse scénographique et la sociologie culturelle ne suffisent plus à expliquer ce qui s’est passé au cours des derniers mois sur la scène européenne, car la vérité de ce processus ne relève pas d’une démystification ni d’une déconstruction mais d’un processus de révélation historique, d’éclaircissement. Une Europe en mal de souveraineté est apparue non pas médiatiquement mais immédiatement dans une sorte d’éclaircissement historique : Aufklärung. Kant définit l’Aufklärung comme une « sortie », une « issue » qui nous dégage de l’état de « minorité ». Mais que signifie cet état de minorité pour Kant ? C’est un certain état de notre volonté qui nous fait accepter l’autorité de quelqu’un d’autre pour nous conduire dans les domaines où il convient de faire usage de la raison. La condition essentielle pour que l’homme sorte de son état de minorité, c'est que soit bien distingué ce qui relève de l'obéissance et ce qui relève de l'usage de la raison. C’est ce que viennent de faire les Grecs. En dénonçant l’irrationalité des créanciers, ils les ont décrédibilisés. Désormais les choses sont clairement réparties : d’un côté une autorité sans raison, en perte de crédibilité, celle de l’Europe, de l’autre une raison commune en marche vers son autorité, celle de l’histoire.

              Mediapart
              Dernière modification par jawzia, 30 juin 2015, 19h06.

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              • #8
                haddou tu présentes le point de vue de quelle partie ??

                Tawenza


                l'actualité est un journal canadien

                Commentaire


                • #9
                  Penser que c'est une histoire de 14° mois, c'est qu'on ne rend pas compte des enjeux :
                  C’est la première guerre spéculative, financière et numérique qui utilise les nouvelles technologies de l’information et de la communication pour discréditer, intoxiquer, créer des épidémies de panique, déstabiliser un pouvoir souverain. Il ne s’agit pas de négocier comme dans la diplomatie traditionnelle mais de spéculer sur la chute d’un gouvernement.

                  Commentaire


                  • #10
                    Dans les conditions actuelles ,la Grèce n'est plus en mesure de payer ses dettes ,le pays est dans un cercle vicieux ,il emprunte pour les rembourser( privées,FMI,publiques françaises et allemandes et la BCE )

                    Commentaire


                    • #11
                      'actualité est un journal canadien
                      oui je vois... ALENA quoi..


                      mais nous en tant que maghrebins : quelle doit être notre position ? commune si possible ?

                      Commentaire


                      • #12
                        Un effectif pléthorique dans la fonction publique ; des armateurs ultra milliardaires qui ne paient pas d'impôt ;une église orthodoxe avec le patrimoine d'une entreprise du btp et des pensions à 45 ans de 3000 € pour des fonctionnaires qui n'ont même pas 20 ans de carrière .......

                        Quelle fut belle la vie en Grèce ???
                        " Je me rend souvent dans les Mosquées, Ou l'ombre est propice au sommeil " O.Khayaâm

                        Commentaire


                        • #13
                          Deux Prix Nobel d’économie volent au secours de Tsipras

                          Le 5 juillet, le peuple grec doit se prononcer par référendum sur la dernière proposition d’accord faite à Athènes par ses créanciers. Selon les économistes Paul Krugman et Joseph Stiglitz, il ferait mieux de voter non et ainsi la rejeter.


                          A quelques jours du référendum en Grèce, deux économistes américains de haut vol, l’un et l’autre lauréats du prix Nobel d’économie, l’un et l’autre adeptes du néokeynésianisme, s’impliquent avec force dans le débat.

                          Le premier, Paul Krugman, 62 ans, appelle clairement les Grecs à voter non. “Le gouvernement devrait être prêt, si nécessaire, à abandonner l’euro”, écrit-il dans The New York Times, titre dans lequel il tient une chronique. Le deuxième, Joseph Stiglitz, 72 ans, dit simplement, dans un article publié dans The Guardian, qu’il sait bien ce qu’il voterait. De toute évidence, il cocherait la case non sur le bulletin.

                          Un pays épuisé

                          Accepter “les propositions de la troïka [Union européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international]” plongerait la Grèce “dans une dépression économique quasiment sans fin”, argumente-t-il. “Peut-être qu’un pays épuisé – qui aurait vendu tous ses actifs et dont la jeunesse brillante aurait émigré – finirait par obtenir une remise de sa dette. (…) Peut-être que la Grèce, racornie au point de devenir une économie à revenu moyen, finirait par obtenir l’aide de la Banque mondiale. Tout cela pourrait peut-être se produire au cours de la prochaine décennie ou de la suivante.

                          Voter non, en revanche, permettrait au moins à la Grèce “de prendre son destin en main” et de se construire un avenir qui, sans être aussi prospère que son passé, serait préférable à “la torture” insupportable qu’elle subit.
                          Krugman et Stiglitz font en gros le même constat : c’est l’austérité imposée par ses créditeurs qui a plongé la Grèce dans une crise aussi profonde. Et c’est encore la même politique qu’ils lui proposent aujourd’hui.

                          “C’est une proposition que le Premier ministre Alexis Tsipras ne peut accepter, car cela détruirait sa raison d’être politique” – et les interlocuteurs du pays le savent fort bien, analyse Krugman. “L’objectif est de pousser Tsipras à quitter ses fonctions, ce qui se produira probablement si les Grecs redoutent la confrontation avec la troïka au point de voter oui.”

                          L’antithèse de la démocratie

                          Stiglitz est encore plus dur : “Les dirigeants européens révèlent enfin la vraie nature du conflit concernant la dette grecque ; il est question de pouvoir et de démocratie, bien plus que d’argent et d’économie”. L’euro “n’a jamais été un projet très démocratique”, assène-t-il. “Le modèle économique qui soutient la zone euro est fondé sur des relations de pouvoir qui désavantagent les travailleurs.”

                          Ce qui se passe aujourd’hui, c’est “l’antithèse de la démocratie : nombre de dirigeants européens veulent simplement en finir avec le gouvernement de gauche radicale d’Alexis Tsipras.”


                          le courrier international

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                          • #14
                            Que les grecques votent oui ou non, c'est une longue periode d'austérité qui les attends, ils ont simplement le choix entre austérité et etre accompagnés ou austérité et compter sur soit meme sans oublier de longs procès des créanciers

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                            • #15
                              Tout ce carnavalmediatique cache juste deux visions pour une solution deja entériné, faire payer les riches ou les pauvre et les retraités en clair la tva contre l'IS.
                              Tsipras pas cons en appelle au referendum, du coup retropédalage ce soir et une solution en vue

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