Challenges par Pierre Kupferman
Publié le 14-08-2014 à 14h13
INTERVIEW Pour Christopher Dembik, économiste chez Saxo Banque, la situation générale de l'économie européenne va encore permettre au gouvernement de ne pas faire avancer les réformes.
Les investisseurs pas effrayés par la panne de croissance de la France
L’Insee estime que le PIB a de nouveau stagné au deuxième trimestre. Michel Sapin en a pris acte en révisant à la baisse les prévisions de croissance du gouvernement pour 2014. Etes-vous surpris par cette contre-performance de l’économie française ?
Non. Ces dernières semaines, tous les indicateurs qui permettent d’évaluer l’évolution en cours du PIB laissaient supposer que le deuxième trimestre serait aussi atone que le premier. Il était donc évident que le gouvernement allait être contraint de revoir sensiblement à la baisse son objectif de croissance. Et le ministre de l’Economie a sans doute eu raison de le faire à l’approche du week-end du 15 août au lieu d’attendre la rentrée. Cela réduit l’impact politique de cette annonce.
Mais le chiffre de 0,5% annoncé pour 2014 vous semble-t-il réaliste?
Oui. Nous tablons nous sur une croissance comprise entre 0.4% et 0.5% sur l’ensemble de l’année, la situation économique ayant toutes les chances de rester aussi défavorable au deuxième semestre. Reste que je suis particulièrement inquiet du niveau quasi-record des faillites et de la très faible rentabilité des entreprises françaises.
Dans ces conditions, respecter la réduction à 3% du déficit dès 2015 est une mission quasiment impossible…
C’est bien ce qui est regrettable. On peut en effet parier que Michel Sapin va entamer une nouvelle tournée européenne pour essayer de gagner un peu de temps. Et vu l’indulgence dont a fait preuve jusqu'ici Bruxelles à l’égard de la France, on peut craindre que le gouvernement obtienne effectivement un délai supplémentaire pour atteindre les 3%.
Pourquoi est-ce regrettable ?
Parce que sans une pression forte à la fois de la part de l’Europe et des marchés financiers, la France continuera à aller à reculons vers les réformes lui permettant vraiment de gagner en compétitivité. Regardez le débat qui, ces derniers jours, a agité la sphère politique à propos de l’exclusion des dépenses militaires du calcul des déficits publics. En soi, cette demande n’est pas illogique mais, dans le contexte actuel, elle ne peut être interprétée par nos partenaires que comme une fuite en avant qui traduit une incapacité structurelle de la France à respecter ses engagements européens. Pourtant ce débat pourrait tout à fait être élargi, et inclure par exemple les dépenses en investissement ou encore l’éducation, mais celui-ci intervient trop tard. Ce n’est pas une France affaiblie et isolée diplomatiquement qui a la crédibilité nécessaire pour relancer et porter cette ambition à Bruxelles.
Les marchés, eux, semblent faire confiance à la France. Les taux continuent de baisser…
Effectivement, depuis le début de l’année le taux à 10 ans atteint régulièrement des plus bas historiques. Et il est même descendu ce matin à 1.412%, un niveau jamais vu jusqu’alors. Mais il serait erroné de voir dans ces taux faibles l’expression d’un quelconque satisfecit à l’égard de l’action du gouvernement. Ces taux très attractifs s’expliquent simplement par le fait que l’Allemagne n’empruntant plus sur les marchés financiers, les investisseurs n’ont pas d’autre choix que de se tourner vers la dette française qui apparait, au niveau européen, comme la moins malsaine, comparée aux dettes espagnole ou italienne par exemple. L’horizon n’est manifestement pas tragique pour l’économie française. Nulle grave récession en vue, pas même une forte poussée du taux de chômage, seule la stagnation économique nous guette. Pourtant, la meilleure chose qui pourrait arriver à la France serait d’être confrontée à une forte tension sur le marché obligataire. Un taux à 10 ans qui passerait à 3%, voilà qui obligerait le gouvernement à agir vite au lieu de tergiverser.
Publié le 14-08-2014 à 14h13
INTERVIEW Pour Christopher Dembik, économiste chez Saxo Banque, la situation générale de l'économie européenne va encore permettre au gouvernement de ne pas faire avancer les réformes.
Les investisseurs pas effrayés par la panne de croissance de la France
L’Insee estime que le PIB a de nouveau stagné au deuxième trimestre. Michel Sapin en a pris acte en révisant à la baisse les prévisions de croissance du gouvernement pour 2014. Etes-vous surpris par cette contre-performance de l’économie française ?
Non. Ces dernières semaines, tous les indicateurs qui permettent d’évaluer l’évolution en cours du PIB laissaient supposer que le deuxième trimestre serait aussi atone que le premier. Il était donc évident que le gouvernement allait être contraint de revoir sensiblement à la baisse son objectif de croissance. Et le ministre de l’Economie a sans doute eu raison de le faire à l’approche du week-end du 15 août au lieu d’attendre la rentrée. Cela réduit l’impact politique de cette annonce.
Mais le chiffre de 0,5% annoncé pour 2014 vous semble-t-il réaliste?
Oui. Nous tablons nous sur une croissance comprise entre 0.4% et 0.5% sur l’ensemble de l’année, la situation économique ayant toutes les chances de rester aussi défavorable au deuxième semestre. Reste que je suis particulièrement inquiet du niveau quasi-record des faillites et de la très faible rentabilité des entreprises françaises.
Dans ces conditions, respecter la réduction à 3% du déficit dès 2015 est une mission quasiment impossible…
C’est bien ce qui est regrettable. On peut en effet parier que Michel Sapin va entamer une nouvelle tournée européenne pour essayer de gagner un peu de temps. Et vu l’indulgence dont a fait preuve jusqu'ici Bruxelles à l’égard de la France, on peut craindre que le gouvernement obtienne effectivement un délai supplémentaire pour atteindre les 3%.
Pourquoi est-ce regrettable ?
Parce que sans une pression forte à la fois de la part de l’Europe et des marchés financiers, la France continuera à aller à reculons vers les réformes lui permettant vraiment de gagner en compétitivité. Regardez le débat qui, ces derniers jours, a agité la sphère politique à propos de l’exclusion des dépenses militaires du calcul des déficits publics. En soi, cette demande n’est pas illogique mais, dans le contexte actuel, elle ne peut être interprétée par nos partenaires que comme une fuite en avant qui traduit une incapacité structurelle de la France à respecter ses engagements européens. Pourtant ce débat pourrait tout à fait être élargi, et inclure par exemple les dépenses en investissement ou encore l’éducation, mais celui-ci intervient trop tard. Ce n’est pas une France affaiblie et isolée diplomatiquement qui a la crédibilité nécessaire pour relancer et porter cette ambition à Bruxelles.
Les marchés, eux, semblent faire confiance à la France. Les taux continuent de baisser…
Effectivement, depuis le début de l’année le taux à 10 ans atteint régulièrement des plus bas historiques. Et il est même descendu ce matin à 1.412%, un niveau jamais vu jusqu’alors. Mais il serait erroné de voir dans ces taux faibles l’expression d’un quelconque satisfecit à l’égard de l’action du gouvernement. Ces taux très attractifs s’expliquent simplement par le fait que l’Allemagne n’empruntant plus sur les marchés financiers, les investisseurs n’ont pas d’autre choix que de se tourner vers la dette française qui apparait, au niveau européen, comme la moins malsaine, comparée aux dettes espagnole ou italienne par exemple. L’horizon n’est manifestement pas tragique pour l’économie française. Nulle grave récession en vue, pas même une forte poussée du taux de chômage, seule la stagnation économique nous guette. Pourtant, la meilleure chose qui pourrait arriver à la France serait d’être confrontée à une forte tension sur le marché obligataire. Un taux à 10 ans qui passerait à 3%, voilà qui obligerait le gouvernement à agir vite au lieu de tergiverser.
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