Boualem Aliouat, professeur des universités, président du Conseil restreint, université Nice Sophia Antipoli.
Reporters : Les entreprises familiales représentent une part importante de l’économie mondiale (70 à 90% du PIB annuel mondial). Elles forment, en effet, une partie importante des entreprises dans certains pays. En Algérie, elles sont également nombreuses. Que représentent-elles aujourd’hui ?
Boualem Aliouat : S’il y a bien un type d’entreprise que l’on connait peu, c’est bien celui de l’entreprise familiale. Souvenons-nous que l’on ne s’y intéresse que depuis 30 ans, alors que certaines ont plus de 500 ans et beaucoup sont centenaires, voire bicentenaires. Vous avez d’ailleurs raison d’affirmer qu’elles sont importantes tout à la fois en nombre et en poids économique et social qu’elles représentent. Les plus vieilles entreprises familiales sont d’abord japonaises où l’on n’hésite d’ailleurs pas à adopter des managers compétents pour les intégrer à la famille dans une perspective de succession et de transmission. Le caractère pérenne de l’entreprise familiale dans ses traditions les plus reculées est une caractéristique des entreprises japonaises les plus emblématiques. Arrivent ensuite en tête de liste les entreprises familiales françaises, italiennes et allemandes.
Elles représentent, ainsi, 90% du tissu économique américain ; 53,7% de la zone Euro et entre 45 à 65% de son PIB et ses emplois. En Allemagne, ce chiffre atteint 82%, 67,3% au Royaume-Uni et 64,8% en France. C’est dire que le modèle d’entreprise familiale est la norme et que les autres sont plutôt atypiques. Alors, avec un peu d’ironie, avant de s’interroger sur les entreprises familiales, on pourrait se poser la question de savoir pourquoi les autres ne le sont pas ?
En Algérie, tout à fait naturellement, les premières initiatives privées ont été des initiatives familiales, et il faut rappeler tout de même qu’elles représentent le schéma classique de solidarité familiale d’une cellule dans laquelle on puise moult ressources (humaines, financières, matérielles…). Ces trajectoires perdurent et sont même accentuées dans des environnements que les économistes appellent des « environnements hostiles », c’est-à-dire des environnements dans lesquels les coûts de transaction sont prohibitifs (marché du financement déficient, lenteurs bancaires, obstructions juridiques et fiscales, lourdeurs administratives, incertitudes contractuelles, risques pays, contrariétés entrepreneuriales, carences infrastructurelles…). Cela explique d’ailleurs que notre pays comprend, aujourd’hui, sur plus de 600 000 entreprises, 95% d’entreprises familiales, dont seuls 5% ont la personnalité morale et dont 97,8% sont des TPE, alors que partout ailleurs, les champions nationaux sont pour la plupart des entreprises familiales. Quand on sait que les champions nationaux, par leurs activités à forte structuration de chaînes de valeur industrielles et de services, ont tendance à ouvrir de nouvelles perspectives de croissance et d’innovation et à générer des pépinières de milliers de PME et par conséquent des centaines de milliers d’emplois, il me semble urgent qu’un grand plan de soutien et d’accompagnement des entreprises familiales leaders doit être inscrit dans les priorités politiques nationales. D’ailleurs, en plein processus de réforme de notre Constitution nationale, la prochaine consultation des entrepreneurs emblématiques du pays est une initiative de concertation qu’il faut saluer. Je suis sûr qu’elle aboutira à des textes qui prennent enfin en compte la nécessité de grandes réformes en faveur d’une économie d’après-pétrole où le secteur privé jouera le rôle qui lui est naturellement dévolu. Si la Constitution est d’essence nationale, elle doit de facto réaliser qu’entreprendre en Algérie est un acte patriotique salutaire pour les fondements mêmes de la nation. L’Etat devrait garantir l’inviolabilité de la personne morale et renforcer la liberté non seulement du commerce et de l’industrie, mais aussi de l’initiative privée et des entrepreneurs de manière plus explicite. L’entrepreneur fait non seulement partie du peuple algérien, mais constitue aussi l’une de ses forces vives les plus stratégiques et utiles à la nation. D’ailleurs, contrairement aux idées courantes et répandues, il faut noter qu’aujourd’hui la contribution à la valeur ajoutée hors hydrocarbures des entreprises privées est de 85% en Algérie (et plus de 50% de la valeur ajoutée globale). Ce sont des réalités nouvelles que nous ne pouvons plus écarter d’un revers de la main comme si de rien n’était.
Reporters : Les entreprises familiales représentent une part importante de l’économie mondiale (70 à 90% du PIB annuel mondial). Elles forment, en effet, une partie importante des entreprises dans certains pays. En Algérie, elles sont également nombreuses. Que représentent-elles aujourd’hui ?
Boualem Aliouat : S’il y a bien un type d’entreprise que l’on connait peu, c’est bien celui de l’entreprise familiale. Souvenons-nous que l’on ne s’y intéresse que depuis 30 ans, alors que certaines ont plus de 500 ans et beaucoup sont centenaires, voire bicentenaires. Vous avez d’ailleurs raison d’affirmer qu’elles sont importantes tout à la fois en nombre et en poids économique et social qu’elles représentent. Les plus vieilles entreprises familiales sont d’abord japonaises où l’on n’hésite d’ailleurs pas à adopter des managers compétents pour les intégrer à la famille dans une perspective de succession et de transmission. Le caractère pérenne de l’entreprise familiale dans ses traditions les plus reculées est une caractéristique des entreprises japonaises les plus emblématiques. Arrivent ensuite en tête de liste les entreprises familiales françaises, italiennes et allemandes.
Elles représentent, ainsi, 90% du tissu économique américain ; 53,7% de la zone Euro et entre 45 à 65% de son PIB et ses emplois. En Allemagne, ce chiffre atteint 82%, 67,3% au Royaume-Uni et 64,8% en France. C’est dire que le modèle d’entreprise familiale est la norme et que les autres sont plutôt atypiques. Alors, avec un peu d’ironie, avant de s’interroger sur les entreprises familiales, on pourrait se poser la question de savoir pourquoi les autres ne le sont pas ?
En Algérie, tout à fait naturellement, les premières initiatives privées ont été des initiatives familiales, et il faut rappeler tout de même qu’elles représentent le schéma classique de solidarité familiale d’une cellule dans laquelle on puise moult ressources (humaines, financières, matérielles…). Ces trajectoires perdurent et sont même accentuées dans des environnements que les économistes appellent des « environnements hostiles », c’est-à-dire des environnements dans lesquels les coûts de transaction sont prohibitifs (marché du financement déficient, lenteurs bancaires, obstructions juridiques et fiscales, lourdeurs administratives, incertitudes contractuelles, risques pays, contrariétés entrepreneuriales, carences infrastructurelles…). Cela explique d’ailleurs que notre pays comprend, aujourd’hui, sur plus de 600 000 entreprises, 95% d’entreprises familiales, dont seuls 5% ont la personnalité morale et dont 97,8% sont des TPE, alors que partout ailleurs, les champions nationaux sont pour la plupart des entreprises familiales. Quand on sait que les champions nationaux, par leurs activités à forte structuration de chaînes de valeur industrielles et de services, ont tendance à ouvrir de nouvelles perspectives de croissance et d’innovation et à générer des pépinières de milliers de PME et par conséquent des centaines de milliers d’emplois, il me semble urgent qu’un grand plan de soutien et d’accompagnement des entreprises familiales leaders doit être inscrit dans les priorités politiques nationales. D’ailleurs, en plein processus de réforme de notre Constitution nationale, la prochaine consultation des entrepreneurs emblématiques du pays est une initiative de concertation qu’il faut saluer. Je suis sûr qu’elle aboutira à des textes qui prennent enfin en compte la nécessité de grandes réformes en faveur d’une économie d’après-pétrole où le secteur privé jouera le rôle qui lui est naturellement dévolu. Si la Constitution est d’essence nationale, elle doit de facto réaliser qu’entreprendre en Algérie est un acte patriotique salutaire pour les fondements mêmes de la nation. L’Etat devrait garantir l’inviolabilité de la personne morale et renforcer la liberté non seulement du commerce et de l’industrie, mais aussi de l’initiative privée et des entrepreneurs de manière plus explicite. L’entrepreneur fait non seulement partie du peuple algérien, mais constitue aussi l’une de ses forces vives les plus stratégiques et utiles à la nation. D’ailleurs, contrairement aux idées courantes et répandues, il faut noter qu’aujourd’hui la contribution à la valeur ajoutée hors hydrocarbures des entreprises privées est de 85% en Algérie (et plus de 50% de la valeur ajoutée globale). Ce sont des réalités nouvelles que nous ne pouvons plus écarter d’un revers de la main comme si de rien n’était.
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