Le pays s'est construit sur la rente pétrolière, en gonflant artificiellement le secteur public. Cela ne suffira pas à fournir de l'emploi aux jeunes arrivant sur le marché du travail.
- Le bidonville «El Hofra», près d'Alger, le 9 avril 2014. REUTERS/Louafi Larbi -
La réélection d’Abdelaziz Bouteflika pour un quatrième mandat pose, au-delà de l’aspect politique et de celui des libertés, dans un monde arabe lassé par l’absence d’alternance au pouvoir, le risque de prolongement d’un mauvais paradigme économique. Celui-ci repose depuis des décennies sur un modèle rentier et un secteur public artificiellement «gonflé» qui ne permet pas de satisfaire le nombre croissant de jeunes arrivant sur le marché du travail et expose le pays à des risques de volatilité assez élevés.
Avec 2 millions de salariés, l’Etat est le premier employeur du pays, tandis que le secteur pétrolier représente le tiers du PIB, 98% des exportations, et plus de 70% des recettes publiques.
Cette manne pétrolière, soutenue par la flambée des cours mondiaux au cours de la dernière décennie, n’a pas été sans répercussions positives sur l’économie algérienne, certes. Le taux de croissance économique tourne aujourd’hui autour de 3% par an. Le taux de chômage a reculé de 30% en 2000 à moins de 10% l’an dernier tandis que le ratio de la dette au PIB, qui culminait à plus de 116% en 1996, n’a cessé de chuter dans les années 2000 pour atteindre 8,8% en 2008 et 9,2% en 2013, soit l’un des plus bas dans le monde.
Ces progrès fort importants, attribués souvent à Bouteflika, arrivé au pouvoir en 1999, sont davantage le résultat de l’abondance des pétrodollars durant cette période. Mais ils cachent de nombreuses failles dans le système économique du pays.
Tout d’abord, au niveau même de la croissance. Quoique positive, celle-ci reste modeste, par rapport à d’autres pays exportateurs de pétrole, comme le Qatar, le Koweït ou l’Arabie saoudite. Entre 2006 et 2013, la croissance algérienne n’a pas dépassé les 3,6%, reculant même à 1,6% en 2009, dans la foulée de la chute des cours mondiaux de pétrole.
Le modèle rentier se répercute également sur les finances de l’Etat.
La balance budgétaire n’a cessé d’osciller au fil des ans, au gré de l’évolution, parfois en dents de scie, des cours mondiaux de pétrole; alors que le pays bénéficiait d’un surplus budgétaire durant la période 2000-2008, ayant culminé à près de 14% du PIB en 2006, la tendance s’est brusquement inversée en 2009, accusant un déficit de 5,5% du PIB, en raison de la chute vertigineuse du prix du baril. Celui-ci était passé d’un pic de 150 dollars en 2008, avant d’enfoncer le seuil des 40 dollars, dans le sillage de la crise internationale.
Prix moyen du baril de pétrole
Si le pays a réalisé des progrès en 2013, la gestion des finances publiques reste une question cruciale à long terme. L’Etat devra non seulement consolider sa position actuelle, mais aussi jeter les bases d’une structure fiscale durable, à travers l’augmentation des recettes hors-hydrocarbures, qui protégerait le pays contre une volatilité liée aux fluctuations des prix mondiaux de pétrole.
L’enjeu se situe également au niveau des équilibres extérieurs. L’excédent de la balance des paiements avait bondi à 34 milliards de dollars en 2008, l’année où le prix du baril avait atteint un sommet historique, avant de chuter à zéro l’année suivante. Deux ans plus tard, un surplus de 20 milliards a été enregistré, avant de dégringoler de nouveau, à 1 milliard en 2013. Cette évolution en dents de scie illustre parfaitement le problème de volatilité, parfois extrême, liée au manque de diversification économique.
Autre impact négatif de cette forte dépendance aux ressources pétrolières: la négligence de secteurs productifs, comme l’industrie et l’agriculture, susceptibles de créer des emplois et de réduire certains risques exogènes.
Parent pauvre de l’économie algérienne, le secteur agricole représente aujourd’hui moins de 10% du PIB, après avoir atteint un plus bas à 6,7% en 2008. Cela réduit, par ailleurs, l’autonomie alimentaire du pays et l’expose aux fluctuations sur le marché international des prix des denrées et des matières premières agricoles.
- Le bidonville «El Hofra», près d'Alger, le 9 avril 2014. REUTERS/Louafi Larbi -
S
i l’Algérie a réussi à réduire le chômage au cours de la dernière décennie et affiche une croissance plus ou moins confortable, le chômage des jeunes reste élevé, en l’absence d’un secteur privé fort et indépendant. Le passage vers une économie post-pétrolière s’impose pour réduire également la vulnérabilité aux chocs externes.La réélection d’Abdelaziz Bouteflika pour un quatrième mandat pose, au-delà de l’aspect politique et de celui des libertés, dans un monde arabe lassé par l’absence d’alternance au pouvoir, le risque de prolongement d’un mauvais paradigme économique. Celui-ci repose depuis des décennies sur un modèle rentier et un secteur public artificiellement «gonflé» qui ne permet pas de satisfaire le nombre croissant de jeunes arrivant sur le marché du travail et expose le pays à des risques de volatilité assez élevés.
Avec 2 millions de salariés, l’Etat est le premier employeur du pays, tandis que le secteur pétrolier représente le tiers du PIB, 98% des exportations, et plus de 70% des recettes publiques.
Cette manne pétrolière, soutenue par la flambée des cours mondiaux au cours de la dernière décennie, n’a pas été sans répercussions positives sur l’économie algérienne, certes. Le taux de croissance économique tourne aujourd’hui autour de 3% par an. Le taux de chômage a reculé de 30% en 2000 à moins de 10% l’an dernier tandis que le ratio de la dette au PIB, qui culminait à plus de 116% en 1996, n’a cessé de chuter dans les années 2000 pour atteindre 8,8% en 2008 et 9,2% en 2013, soit l’un des plus bas dans le monde.
Ces progrès fort importants, attribués souvent à Bouteflika, arrivé au pouvoir en 1999, sont davantage le résultat de l’abondance des pétrodollars durant cette période. Mais ils cachent de nombreuses failles dans le système économique du pays.
Tout d’abord, au niveau même de la croissance. Quoique positive, celle-ci reste modeste, par rapport à d’autres pays exportateurs de pétrole, comme le Qatar, le Koweït ou l’Arabie saoudite. Entre 2006 et 2013, la croissance algérienne n’a pas dépassé les 3,6%, reculant même à 1,6% en 2009, dans la foulée de la chute des cours mondiaux de pétrole.
Le modèle rentier se répercute également sur les finances de l’Etat.
La balance budgétaire n’a cessé d’osciller au fil des ans, au gré de l’évolution, parfois en dents de scie, des cours mondiaux de pétrole; alors que le pays bénéficiait d’un surplus budgétaire durant la période 2000-2008, ayant culminé à près de 14% du PIB en 2006, la tendance s’est brusquement inversée en 2009, accusant un déficit de 5,5% du PIB, en raison de la chute vertigineuse du prix du baril. Celui-ci était passé d’un pic de 150 dollars en 2008, avant d’enfoncer le seuil des 40 dollars, dans le sillage de la crise internationale.
Prix moyen du baril de pétrole
Si le pays a réalisé des progrès en 2013, la gestion des finances publiques reste une question cruciale à long terme. L’Etat devra non seulement consolider sa position actuelle, mais aussi jeter les bases d’une structure fiscale durable, à travers l’augmentation des recettes hors-hydrocarbures, qui protégerait le pays contre une volatilité liée aux fluctuations des prix mondiaux de pétrole.
L’enjeu se situe également au niveau des équilibres extérieurs. L’excédent de la balance des paiements avait bondi à 34 milliards de dollars en 2008, l’année où le prix du baril avait atteint un sommet historique, avant de chuter à zéro l’année suivante. Deux ans plus tard, un surplus de 20 milliards a été enregistré, avant de dégringoler de nouveau, à 1 milliard en 2013. Cette évolution en dents de scie illustre parfaitement le problème de volatilité, parfois extrême, liée au manque de diversification économique.
Autre impact négatif de cette forte dépendance aux ressources pétrolières: la négligence de secteurs productifs, comme l’industrie et l’agriculture, susceptibles de créer des emplois et de réduire certains risques exogènes.
Parent pauvre de l’économie algérienne, le secteur agricole représente aujourd’hui moins de 10% du PIB, après avoir atteint un plus bas à 6,7% en 2008. Cela réduit, par ailleurs, l’autonomie alimentaire du pays et l’expose aux fluctuations sur le marché international des prix des denrées et des matières premières agricoles.
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