Georges Stanechy
« Nous marchons vers un monde inconnu sans boussole et sans pilote, il n'y a qu'une chose qui soit certaine, c'est que tout finira par un naufrage. »
~ Talleyrand (1)
Révolte en Bretagne
La mise en application d'une nouvelle « taxe » provoque la colère d'une région entière. Mettant en lumière l'incurie de nos gouvernements et l'irresponsabilité de nos « élus », censés représenter et défendre les intérêts de notre "collectivité". Votée à l'unanimité de tous les partis politiques, sous le précédent gouvernement.
« Collectivité » ? Oui, car on n'ose plus employer les termes de « peuple » ou « nation » pour ne pas être accusé de « populisme », de « souverainisme », voire de se retrouver peinturluré en « rouge-brun », par le terrorisme inquisitorial des fanatiques, radicaux imbéciles, dévots illuminés, ou mercenaires, de la « mondialisation »...
Soulèvement rappelant les lointaines Jacqueries de l'Ancien Régime par son rejet de l'injustice fiscale induisant la paupérisation croissante de ceux qui vivent non pas de spéculations ou de rentes de situation, aristocratiques, politiciennes ou mafieuses, mais de leur simple labeur. Sur fond de corruption et de gabegie d'un Etat en pleine régression, déliquescence.
Injustice fiscale et paupérisation
Taxe, s'appliquant aux transporteurs routiers mais payée « in fine » par leurs clients contraints d'expédier leurs productions ou fabrications locales vers des marchés éloignés. Tel qu'il est stipulé dans l'article 7 de la « Loi portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports » examinée par le Sénat, dans son rapport n° 334 du 5 février 2013 (2) :
« Cette taxe sera répercutée par les transporteurs sur les bénéficiaires de la circulation des marchandises. »
Retenons le terme, au passage : « Bénéficiaires »...
Pudiquement intitulée « éco-taxe » au motif d'avantager, pour des raisons de protection de l'environnement, les transports moins polluants : ferroviaires, fluviaux, etc. Elle incarne à la perfection les dérives et distorsions du système fiscal qui ronge le pays par sa violence à l'encontre des plus précaires. Les Bretons en ont explosé de désespoir et de rage, ressortant les « bonnets rouges » de leur grande révolte de 1675 sous Louis XIV, pressurant alors le pays pour financer sa guerre en Hollande. Evidemment, férocement réprimée par la soldatesque du Roi Soleil...
Conséquence directe de la cupidité de l'oligarchie au pouvoir, méritant d'être coiffés de « bonnets d'âne » pour leur analphabétisme des conditions réelles du pays. De « la France d'en bas », comme disait un de nos marquis enrubanné de privilèges jusqu'à ses talonnettes...
Les rouages de l'injustice et de sa violence démontrent l'abyssal fossé entre une « démocratie vertueuse » que le système de désinformation nous vend dans les JT, en France comme dans les autres pays européens, et la réalité d'une « autocratie » exercée par la nomenklatura. Consternés, les observateurs les plus neutres n'ont pu que constater le broyage du bon sens et de la légitimité citoyenne, par le cynisme de la classe politique en cheville avec des intérêts privés (3) :
i) Répression
L'autocratie ne peut tolérer l'expression populaire surtout lorsqu'elle dénonce l'injustice du système, économique, social, ou politique dans son ensemble, qui l'accable. Première et immédiate réponse : la répression. Ne pas comprendre, ne pas écouter, ne pas dialoguer : cogner !
Ce qu'on a vu en Grèce, en Espagne ou ailleurs, pour nous limiter à l'Europe, est plus que révélateur de la détermination des castes au pouvoir. La France n'y échappe pas. Les Bretons, diabolisés par les médias de la propagande, ont vu ainsi débouler des centaines de CRS. Dans un sauvage déferlement de violence, avec des blessés graves parmi les manifestants armés de leur seule détresse, dont un a eu la main arrachée le 21 octobre dernier.
ii) Domination des lobbies
Région enclavée, la Bretagne souffre de son éloignement des grands marchés de consommation français et européens. De plus, ses productions sont soumises à un dumping implacable des producteurs hollandais, danois et surtout allemands, notamment dans la « filière » porc et poulet.
Obligeant à un nivellement par le bas, dans un premier effet, sous forme d'affaissement de la qualité. Au point d'en arriver, sous la pression de la grande distribution, à la « non qualité », dont on a vu les souterraines ramifications lors de l'affaire des « lasagnes à la viande de cheval ». Puis, dans un effet collatéral, provoquant la disparition progressive des entreprises familiales incapables de lutter contre les groupes européens de l'agro-industrie employant une main d'œuvre, venant de pays « émergents », dans un contexte proche du servage moyenâgeux.
L'éco-taxe pénalise les éleveurs, mais aussi les producteurs de primeurs qui vont voir leurs produits plus taxés à 300 km de Rungis que ceux parcourant des milliers de kilomètres, arrivant par avion à Roissy, ou par bateau transitant via les ports d'Anvers, Rotterdam ou Amsterdam et les réseaux autoroutiers européens.
En effet, sous la pression des lobbies, l'écotaxe ne sera pas payée sur les portions d'autoroutes privatisées. Encore mieux, et suprême raffinement : la taxe n'est pas proportionnelle au kilométrage parcouru, pénalisant ainsi les petits trajets. Astuces servant sur un plateau d'argent des « bonus » mirobolants aux transports à longue distance et, en conséquence, aux grandes sociétés du transport international...
Mais aussi, tout aussi habilement, aux sociétés d'autoroute. Comme le reconnaît « naïvement », ou avec un cynique fatalisme, le Sénat dans son rapport (4) :
« [Cette taxe] entraînera un report de trafic vers le réseau concédé (autoroutes) générant une augmentation des recettes des péages comprises entre 250 et 400 millions d'euros. [...] Lors de son audition par la commission du développement durable et en réponse à une question de votre rapporteur, Frédéric Cuvilier, ministre délégué chargé des transports, a indiqué que « les concessionnaires d'autoroutes bénéficieront, je le crains, d'un effet d'aubaine »... »
On comprend mieux pourquoi le chef de file du consortium (70 % des parts) d'Ecomouv', gestionnaire désigné de l'éco-taxe, soit le géant européen des autoroutes, de nationalité italienne : « Autostrade per l'Italia »... (5)
Ah !... Cette tendresse infinie de nos parlementaires pour les lobbies et multinationales...
iii) Abandon de souveraineté
Ces concessions répétées, multiformes, dépouillent l'Etat, autrement dit notre « Bien Collectif », de sa souveraineté et de ses ressources. Gravissime régression, avec l'éco-taxe réapparaît le vieux système féodal de la « ferme des impôts ». (6) Comme sous l'Ancien Régime, où les impôts étaient levés par des particuliers, des « fermiers généraux » (Fouquet en reste l'archétype), cette taxe sera collectée par un consortium privé : Ecomouv'.
« L'Etat aurait pu faire le choix de recourir à un partenaire privé pour la conception et la maintenance du dispositif de collecte. La particularité du contrat « éco-taxe » réside dans le fait qu'Ecomouv' assure également l'exploitation, c'est-à-dire qu'il a un rôle central dans la collecte de la taxe. »
C'est en ces termes (7) que le Sénat entérine l'abandon de souveraineté de la France en matière d'impôts, ouvrant la voie à des démantèlements ultérieurs qui vont probablement s'accélérer avec le temps...
Certains commentateurs, plus ou moins bien intentionnés, rétorquent que la TVA est actuellement collectée par les entreprises. Dans ces conditions, pourquoi ne pas confier l'éco-taxe à un consortium privé ?...
C'est oublier, ou occulter le fait, que les entreprises collectant la TVA ne retiennent pas 23% de rémunération, pharaonique commission, sur les encaissements reçus, comme s'apprête à le faire Ecomouv'... (8)
iv) Pillage de la collectivité
Dans ce même rapport, le Sénat admet que l'éco-taxe, sur une base annuelle, est (9) :
« ... incontestablement coûteuse à recouvrer puisqu'à peu près 280 millions d'euros sur un total de 1 200 millions, soit environ 23 %, sont consacrés à la rémunération du prestataire privé. »
Paradoxe, alors que la propagande ultralibérale ne cesse de prêcher la disparition des fonctions de gestion de la Collectivité qu'assure l'Etat dans la braderie des privatisations, sous prétexte que « Le Privé » gère mieux que lui, le Sénat rappelle :
« A titre de comparaison, ce pourcentage [des coûts de recouvrement] ne dépasse pas 1,2 % pour l'impôt sur le revenu. »
Qui représente, avec un niveau de complexité vu le nombre de contribuables concernés autrement plus élevé, un montant de 71 903 millions d'euros au titre du Budget 2013...
« Nous marchons vers un monde inconnu sans boussole et sans pilote, il n'y a qu'une chose qui soit certaine, c'est que tout finira par un naufrage. »
~ Talleyrand (1)
Révolte en Bretagne
La mise en application d'une nouvelle « taxe » provoque la colère d'une région entière. Mettant en lumière l'incurie de nos gouvernements et l'irresponsabilité de nos « élus », censés représenter et défendre les intérêts de notre "collectivité". Votée à l'unanimité de tous les partis politiques, sous le précédent gouvernement.
« Collectivité » ? Oui, car on n'ose plus employer les termes de « peuple » ou « nation » pour ne pas être accusé de « populisme », de « souverainisme », voire de se retrouver peinturluré en « rouge-brun », par le terrorisme inquisitorial des fanatiques, radicaux imbéciles, dévots illuminés, ou mercenaires, de la « mondialisation »...
Soulèvement rappelant les lointaines Jacqueries de l'Ancien Régime par son rejet de l'injustice fiscale induisant la paupérisation croissante de ceux qui vivent non pas de spéculations ou de rentes de situation, aristocratiques, politiciennes ou mafieuses, mais de leur simple labeur. Sur fond de corruption et de gabegie d'un Etat en pleine régression, déliquescence.
Injustice fiscale et paupérisation
Taxe, s'appliquant aux transporteurs routiers mais payée « in fine » par leurs clients contraints d'expédier leurs productions ou fabrications locales vers des marchés éloignés. Tel qu'il est stipulé dans l'article 7 de la « Loi portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports » examinée par le Sénat, dans son rapport n° 334 du 5 février 2013 (2) :
« Cette taxe sera répercutée par les transporteurs sur les bénéficiaires de la circulation des marchandises. »
Retenons le terme, au passage : « Bénéficiaires »...
Pudiquement intitulée « éco-taxe » au motif d'avantager, pour des raisons de protection de l'environnement, les transports moins polluants : ferroviaires, fluviaux, etc. Elle incarne à la perfection les dérives et distorsions du système fiscal qui ronge le pays par sa violence à l'encontre des plus précaires. Les Bretons en ont explosé de désespoir et de rage, ressortant les « bonnets rouges » de leur grande révolte de 1675 sous Louis XIV, pressurant alors le pays pour financer sa guerre en Hollande. Evidemment, férocement réprimée par la soldatesque du Roi Soleil...
Conséquence directe de la cupidité de l'oligarchie au pouvoir, méritant d'être coiffés de « bonnets d'âne » pour leur analphabétisme des conditions réelles du pays. De « la France d'en bas », comme disait un de nos marquis enrubanné de privilèges jusqu'à ses talonnettes...
Les rouages de l'injustice et de sa violence démontrent l'abyssal fossé entre une « démocratie vertueuse » que le système de désinformation nous vend dans les JT, en France comme dans les autres pays européens, et la réalité d'une « autocratie » exercée par la nomenklatura. Consternés, les observateurs les plus neutres n'ont pu que constater le broyage du bon sens et de la légitimité citoyenne, par le cynisme de la classe politique en cheville avec des intérêts privés (3) :
i) Répression
L'autocratie ne peut tolérer l'expression populaire surtout lorsqu'elle dénonce l'injustice du système, économique, social, ou politique dans son ensemble, qui l'accable. Première et immédiate réponse : la répression. Ne pas comprendre, ne pas écouter, ne pas dialoguer : cogner !
Ce qu'on a vu en Grèce, en Espagne ou ailleurs, pour nous limiter à l'Europe, est plus que révélateur de la détermination des castes au pouvoir. La France n'y échappe pas. Les Bretons, diabolisés par les médias de la propagande, ont vu ainsi débouler des centaines de CRS. Dans un sauvage déferlement de violence, avec des blessés graves parmi les manifestants armés de leur seule détresse, dont un a eu la main arrachée le 21 octobre dernier.
ii) Domination des lobbies
Région enclavée, la Bretagne souffre de son éloignement des grands marchés de consommation français et européens. De plus, ses productions sont soumises à un dumping implacable des producteurs hollandais, danois et surtout allemands, notamment dans la « filière » porc et poulet.
Obligeant à un nivellement par le bas, dans un premier effet, sous forme d'affaissement de la qualité. Au point d'en arriver, sous la pression de la grande distribution, à la « non qualité », dont on a vu les souterraines ramifications lors de l'affaire des « lasagnes à la viande de cheval ». Puis, dans un effet collatéral, provoquant la disparition progressive des entreprises familiales incapables de lutter contre les groupes européens de l'agro-industrie employant une main d'œuvre, venant de pays « émergents », dans un contexte proche du servage moyenâgeux.
L'éco-taxe pénalise les éleveurs, mais aussi les producteurs de primeurs qui vont voir leurs produits plus taxés à 300 km de Rungis que ceux parcourant des milliers de kilomètres, arrivant par avion à Roissy, ou par bateau transitant via les ports d'Anvers, Rotterdam ou Amsterdam et les réseaux autoroutiers européens.
En effet, sous la pression des lobbies, l'écotaxe ne sera pas payée sur les portions d'autoroutes privatisées. Encore mieux, et suprême raffinement : la taxe n'est pas proportionnelle au kilométrage parcouru, pénalisant ainsi les petits trajets. Astuces servant sur un plateau d'argent des « bonus » mirobolants aux transports à longue distance et, en conséquence, aux grandes sociétés du transport international...
Mais aussi, tout aussi habilement, aux sociétés d'autoroute. Comme le reconnaît « naïvement », ou avec un cynique fatalisme, le Sénat dans son rapport (4) :
« [Cette taxe] entraînera un report de trafic vers le réseau concédé (autoroutes) générant une augmentation des recettes des péages comprises entre 250 et 400 millions d'euros. [...] Lors de son audition par la commission du développement durable et en réponse à une question de votre rapporteur, Frédéric Cuvilier, ministre délégué chargé des transports, a indiqué que « les concessionnaires d'autoroutes bénéficieront, je le crains, d'un effet d'aubaine »... »
On comprend mieux pourquoi le chef de file du consortium (70 % des parts) d'Ecomouv', gestionnaire désigné de l'éco-taxe, soit le géant européen des autoroutes, de nationalité italienne : « Autostrade per l'Italia »... (5)
Ah !... Cette tendresse infinie de nos parlementaires pour les lobbies et multinationales...
iii) Abandon de souveraineté
Ces concessions répétées, multiformes, dépouillent l'Etat, autrement dit notre « Bien Collectif », de sa souveraineté et de ses ressources. Gravissime régression, avec l'éco-taxe réapparaît le vieux système féodal de la « ferme des impôts ». (6) Comme sous l'Ancien Régime, où les impôts étaient levés par des particuliers, des « fermiers généraux » (Fouquet en reste l'archétype), cette taxe sera collectée par un consortium privé : Ecomouv'.
« L'Etat aurait pu faire le choix de recourir à un partenaire privé pour la conception et la maintenance du dispositif de collecte. La particularité du contrat « éco-taxe » réside dans le fait qu'Ecomouv' assure également l'exploitation, c'est-à-dire qu'il a un rôle central dans la collecte de la taxe. »
C'est en ces termes (7) que le Sénat entérine l'abandon de souveraineté de la France en matière d'impôts, ouvrant la voie à des démantèlements ultérieurs qui vont probablement s'accélérer avec le temps...
Certains commentateurs, plus ou moins bien intentionnés, rétorquent que la TVA est actuellement collectée par les entreprises. Dans ces conditions, pourquoi ne pas confier l'éco-taxe à un consortium privé ?...
C'est oublier, ou occulter le fait, que les entreprises collectant la TVA ne retiennent pas 23% de rémunération, pharaonique commission, sur les encaissements reçus, comme s'apprête à le faire Ecomouv'... (8)
iv) Pillage de la collectivité
Dans ce même rapport, le Sénat admet que l'éco-taxe, sur une base annuelle, est (9) :
« ... incontestablement coûteuse à recouvrer puisqu'à peu près 280 millions d'euros sur un total de 1 200 millions, soit environ 23 %, sont consacrés à la rémunération du prestataire privé. »
Paradoxe, alors que la propagande ultralibérale ne cesse de prêcher la disparition des fonctions de gestion de la Collectivité qu'assure l'Etat dans la braderie des privatisations, sous prétexte que « Le Privé » gère mieux que lui, le Sénat rappelle :
« A titre de comparaison, ce pourcentage [des coûts de recouvrement] ne dépasse pas 1,2 % pour l'impôt sur le revenu. »
Qui représente, avec un niveau de complexité vu le nombre de contribuables concernés autrement plus élevé, un montant de 71 903 millions d'euros au titre du Budget 2013...
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