Face aux dysfonctionnements, scandales de corruption, passe-droits et favoritisme, les experts n’hésitent pas à évoquer le manque de compétences managériales en Algérie.
Par Hakima Kernane, Alger
Le gouvernement algérien engage des réformes qui lui permettent d’effacer sa dette et de se constituer des réserves de change confortables
Il est bien connu que la bonne gouvernance politique est un préalable et une condition sine qua non à la bonne gouvernance économique. La performance du système managérial instaure un climat de confiance partenariale. Une bonne stratégie managériale permet également de consolider la compétitivité de l’entreprise, de faciliter les financements et d’attirer les ressources humaines les plus compétentes. Qu’en est-il du système managérial algérien ?
Après trente années d’économie sociale, une décennie noire marquée par une grave crise socioéconomique et une guerre civile sanglante, le pays décide de relancer son économie en état de berne.
Avec le retour d’une stabilité relative et l’explosion du prix des hydrocarbures, le gouvernement algérien engage des réformes qui lui permettent d’effacer sa dette et de se constituer, au fil des années, des réserves de change confortables lui permettant de relancer ses activités économiques. Cependant, face aux nombreux dysfonctionnements, les experts en économie parlent d’absence de compétences managériales en Algérie.
L’absence de stratégies dans la conduite des projets d’envergure et le manque crucial de compétences managériales empêchent le pays d’aller vers le développement escompté. Pourtant, le gouvernement dépense sans compter, notamment en procédant à la restructuration et à l’effacement des dettes des entreprises publiques, à la mise en œuvre de programmes de mise à niveau des PME, à la réalisation de grandes infrastructures pour combler l’énorme déficit que connaît le pays dans ce domaine.
Force est de constater que l’administration publique algérienne pèse très lourd sur la scène économique.
À cela il faut ajouter qu’une grande méfiance des pouvoirs publics est enregistrée quant à l’émergence d’un secteur privé, lequel jouerait un rôle majeur dans l’augmentation de la richesse productive qui sortirait le pays de sa dépendance des hydrocarbures.
Pis encore, corruption, passe-droits et favoritisme sont des pratiques courantes de la haute administration. Ce mode de gestion, défavorable au développement économique du pays, est remis en cause par de nombreux économistes algériens.
Abdelmadjid Bouzidi, professeur d’économie, explique : « L’État est un mauvais gestionnaire d’entreprises de production, d’autant plus que les managers à qui il confie la direction de ses entreprises publiques continuent d’être choisis plus par critère de fidélité politique que sur celui des compétences techniques et managériales. »
D’après de nombreuses sources, les entreprises publiques sont minées par une gestion déplorable, à l’image de l’opérateur public Algérie Télécom qui se trouve dans une situation très précaire, en décalage avec les objectifs tracés par le ministère de tutelle. Selon son nouveau président-directeur général, Azouaou
Mehmel, dans une lettre adressée à ses employés lors de sa prise de fonction : « Algérie Télécom n’a pas encore réussi son passage du statut d’opérateur de réseau régi administrativement à celui d’opérateur de services centré sur le client et à l’écoute de ce dernier. »
De son côté, Benyahia, professeur en relations internationales et expert, a indiqué que 40 % des entreprises nationales sont en difficulté car elles font face à « des déficiences de compétences notamment managériales ». Dans un entretien accordé à un journal algérien, cet expert explique que, pour y remédier, « il est nécessaire de se remettre à la planification et à la stratégie ».
De leur côté, les chefs d’entreprises accusent l’État d’« immobilisme économique ». Le blocage des projets d’investissement, le favoritisme dans l’octroi du foncier et un retour du dirigisme des années du socialisme sont les signes d’absence de stratégie de management des activités économiques du pays.
Réda Hamiani, le patron des patrons a récemment déclaré : « Le Maroc et la Tunisie ont une stratégie de développement sur cinq, dix et quinze ans, ce n’est pas le cas en Algérie. On n’a pas de vision sur ce que sera l’Algérie en 2020, 2030. »
Quant à Kamel Benkoussa, économiste et financier basé à Londres, dans un entretien accordé au journal algérien Liberté, il affirme : « une mauvaise gestion déstabilise fortement l’environnement des affaires ». De plus, les économistes dénoncent le gaspillage des ressources financières et le renforcement de l’économie rentière. « Le pétrole est une malédiction dès lors que la gestion des gouvernants est irresponsables », ajoute-t-il.
On constate que la gestion des dossiers de rachats, de cessions et de partenariats avec les opérateurs économiques étrangers montrent des imperfections et des manques qui coûtent très cher à l’État algérien. Dans ce domaine précis, les exemples ne manquent pas : Djezzy (Vimpelcom), Sonatrach-Anderko, Sonatrach-Mearck, Gas Natural, etc.
L’exemple le plus révélateur du manque de stratégie de gestion efficace et optimale des affaires économiques concerne celui du rachat de l’opérateur de téléphonie mobile Djezzy par le gouvernement algérien. En effet, le gouvernement, par esprit de patriotisme, souhaite récupérer Djezzy, mais à quel prix ?
Le processus de négociations est tronqué, entre autres, par le désaccord sur le prix de la cession – estimée par la Deutsch Bank à 3,5 milliards de dollars et par le cabinet d’affaires international Shearman and Sterling LLP France à 6,9 milliards de dollars. Cette situation conflictuelle, qui empêche les parties de trouver un accord depuis près de deux ans, pourrait les conduire à avoir recours à un arbitrage international.
Les économistes algériens n’hésitent pas à évoquer la naïveté des autorités nationales dans la gestion de cette affaire considérée comme un scandale politico-financier. Ils évoquent les largesses avec lesquelles la licence de téléphonie mobile à Orascom Télécom Holding (OTA), premier propriétaire de Djezzy, a été octroyée lors de la signature de l’accord le 5 août 2001. Plus concrètement, l’État algérien s’est engagé, à travers l’article 6, à refuser toute disposition de nature à remettre en cause les droits et avantages octroyés à OTA sur une durée de quinze ans (jusqu’en décembre 2016).
Alors, les gestionnaires du dossier ont-ils pris le temps d’étudier toutes les facettes du contrat de partenariat avec OTA avant de conclure cet accord ? A-t-on fait des études viables permettant d’établir une stratégie sur l’évolution du marché de la téléphonie mobile dans le pays à court, moyen et long termes en tenant compte de la pénétration du marché national, de la diversification de l’offre, mais également de l’éventualité de rachat ou de cession de l’entreprise par un partenaire national et/ou étranger ?
Par Hakima Kernane, Alger
Le gouvernement algérien engage des réformes qui lui permettent d’effacer sa dette et de se constituer des réserves de change confortables
Il est bien connu que la bonne gouvernance politique est un préalable et une condition sine qua non à la bonne gouvernance économique. La performance du système managérial instaure un climat de confiance partenariale. Une bonne stratégie managériale permet également de consolider la compétitivité de l’entreprise, de faciliter les financements et d’attirer les ressources humaines les plus compétentes. Qu’en est-il du système managérial algérien ?
Après trente années d’économie sociale, une décennie noire marquée par une grave crise socioéconomique et une guerre civile sanglante, le pays décide de relancer son économie en état de berne.
Avec le retour d’une stabilité relative et l’explosion du prix des hydrocarbures, le gouvernement algérien engage des réformes qui lui permettent d’effacer sa dette et de se constituer, au fil des années, des réserves de change confortables lui permettant de relancer ses activités économiques. Cependant, face aux nombreux dysfonctionnements, les experts en économie parlent d’absence de compétences managériales en Algérie.
L’absence de stratégies dans la conduite des projets d’envergure et le manque crucial de compétences managériales empêchent le pays d’aller vers le développement escompté. Pourtant, le gouvernement dépense sans compter, notamment en procédant à la restructuration et à l’effacement des dettes des entreprises publiques, à la mise en œuvre de programmes de mise à niveau des PME, à la réalisation de grandes infrastructures pour combler l’énorme déficit que connaît le pays dans ce domaine.
Force est de constater que l’administration publique algérienne pèse très lourd sur la scène économique.
À cela il faut ajouter qu’une grande méfiance des pouvoirs publics est enregistrée quant à l’émergence d’un secteur privé, lequel jouerait un rôle majeur dans l’augmentation de la richesse productive qui sortirait le pays de sa dépendance des hydrocarbures.
Abdelmadjid Bouzidi, professeur d’économie, explique : « L’État est un mauvais gestionnaire d’entreprises de production, d’autant plus que les managers à qui il confie la direction de ses entreprises publiques continuent d’être choisis plus par critère de fidélité politique que sur celui des compétences techniques et managériales. »
D’après de nombreuses sources, les entreprises publiques sont minées par une gestion déplorable, à l’image de l’opérateur public Algérie Télécom qui se trouve dans une situation très précaire, en décalage avec les objectifs tracés par le ministère de tutelle. Selon son nouveau président-directeur général, Azouaou
Mehmel, dans une lettre adressée à ses employés lors de sa prise de fonction : « Algérie Télécom n’a pas encore réussi son passage du statut d’opérateur de réseau régi administrativement à celui d’opérateur de services centré sur le client et à l’écoute de ce dernier. »
De son côté, Benyahia, professeur en relations internationales et expert, a indiqué que 40 % des entreprises nationales sont en difficulté car elles font face à « des déficiences de compétences notamment managériales ». Dans un entretien accordé à un journal algérien, cet expert explique que, pour y remédier, « il est nécessaire de se remettre à la planification et à la stratégie ».
De leur côté, les chefs d’entreprises accusent l’État d’« immobilisme économique ». Le blocage des projets d’investissement, le favoritisme dans l’octroi du foncier et un retour du dirigisme des années du socialisme sont les signes d’absence de stratégie de management des activités économiques du pays.
Réda Hamiani, le patron des patrons a récemment déclaré : « Le Maroc et la Tunisie ont une stratégie de développement sur cinq, dix et quinze ans, ce n’est pas le cas en Algérie. On n’a pas de vision sur ce que sera l’Algérie en 2020, 2030. »
Quant à Kamel Benkoussa, économiste et financier basé à Londres, dans un entretien accordé au journal algérien Liberté, il affirme : « une mauvaise gestion déstabilise fortement l’environnement des affaires ». De plus, les économistes dénoncent le gaspillage des ressources financières et le renforcement de l’économie rentière. « Le pétrole est une malédiction dès lors que la gestion des gouvernants est irresponsables », ajoute-t-il.
On constate que la gestion des dossiers de rachats, de cessions et de partenariats avec les opérateurs économiques étrangers montrent des imperfections et des manques qui coûtent très cher à l’État algérien. Dans ce domaine précis, les exemples ne manquent pas : Djezzy (Vimpelcom), Sonatrach-Anderko, Sonatrach-Mearck, Gas Natural, etc.
L’exemple le plus révélateur du manque de stratégie de gestion efficace et optimale des affaires économiques concerne celui du rachat de l’opérateur de téléphonie mobile Djezzy par le gouvernement algérien. En effet, le gouvernement, par esprit de patriotisme, souhaite récupérer Djezzy, mais à quel prix ?
Les économistes algériens n’hésitent pas à évoquer la naïveté des autorités nationales dans la gestion de cette affaire considérée comme un scandale politico-financier. Ils évoquent les largesses avec lesquelles la licence de téléphonie mobile à Orascom Télécom Holding (OTA), premier propriétaire de Djezzy, a été octroyée lors de la signature de l’accord le 5 août 2001. Plus concrètement, l’État algérien s’est engagé, à travers l’article 6, à refuser toute disposition de nature à remettre en cause les droits et avantages octroyés à OTA sur une durée de quinze ans (jusqu’en décembre 2016).
Alors, les gestionnaires du dossier ont-ils pris le temps d’étudier toutes les facettes du contrat de partenariat avec OTA avant de conclure cet accord ? A-t-on fait des études viables permettant d’établir une stratégie sur l’évolution du marché de la téléphonie mobile dans le pays à court, moyen et long termes en tenant compte de la pénétration du marché national, de la diversification de l’offre, mais également de l’éventualité de rachat ou de cession de l’entreprise par un partenaire national et/ou étranger ?
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