Sous tutelle du ministère de la Poste et des TIC, Algérie-Poste est de facto «la première banque» du pays. Plus des deux tiers de son chiffre d’affaires proviennent de son activité «services financiers».
Tous les jours, près de 10 millions d’Algériens (essentiellement des fonctionnaires, retraités ou étudiants) dépendent de ses services pour leurs opérations courantes. Issu de la séparation de l’ex-direction des PTT en deux entités : la spa Algérie Télécom et l’Epic Algérie-Poste, cet établissement public a caractère commercial de plus de 25 000 salariés en a gardé une culture d’«administration». Les crises de gouvernance récurrentes que traverse cet Epic, les sérieux dysfonctionnements dans ses opérations, ainsi que les erreurs commises dans le projet monétique (voir El Watan éco du 11 octobre 2010) ont fini par entamer le capital de sympathie dont bénéficiait cette institution auprès du citoyen algérien. Algérie-Poste est aujourd’hui appelée à relever deux défis
majeurs : celui d’une double mutation culturelle et managériale, d’un côté, et celui de la filialisation, de l’autre.
S’adapter pour mieux servir !
Tel devrait être le fil conducteur de la mutation d’Algérie-Poste. En premier lieu, Algérie-Poste doit apprendre à «comprendre» sa clientèle très diverse (qui va du retraité analphabète au professeur d’université en passant par la ménagère), même si elle est essentiellement constituée de travailleurs/retraités du secteur public. La problématique sous-jacente est le passage d’un service public en situation de monopole à une entreprise de services qui vit déjà une concurrence de fait sur ses trois métiers. Cette mutation passe d’abord par une mise à niveau du capital humain, «la véritable richesse» pour toute entreprise de services. Cette mise à niveau des ressources humaines devra s’articuler autour de trois axes : recrutement, formation et développement interne. Parallèlement, une direction de la qualité des process devrait être mise en place avec pour mission principale d’améliorer et de maintenir une qualité de service- client : accueil, systèmes d’information, back-office. Cette nouvelle configuration devrait permettre de créer un lien fluide entre l’ensemble des directions.
Industrialisation de la gestion du courrier
Un autre volet de la mutation concerne la modernisation du mode opératoire de collecte, de tri et de distribution du courrier. Le mode opératoire actuel est obsolète et ne répond plus aux attentes de ses usagers/clients. Cela passe par une simplification du réseau logistique en un périmètre mieux adapté à la densité démographique. L’automatisation du traitement du courrier ainsi que le suivi électronique du courrier (code-barre, enveloppes normalisées) permettrait d’accélérer sensiblement la vitesse de tri et de distribution. L’aménagement d’un code postal à cinq chiffres (connu spontanément de chaque citoyen), par localité et par quartier serait un paramètre d’identification du destinataire au moment du dépôt.
Toutefois, comme dans bon nombre de pays émergents, l’adressage reste le maillon faible de la distribution du courrier, à savoir le défaut de nom des rues et de numérotation des domiciles et des bâtiments, qui rend la distribution du courrier aléatoire, notamment en périphérie des grandes villes. Pour y remédier, les pouvoirs publics doivent impérativement combattre le phénomène de l’urbanisme anarchique et des constructions illicites. En revanche, un système d’adressage fiable permettrait d’abord à Algérie-Poste de respecter des délais de distribution du courrier ainsi que de valoriser ses bases de données pour développer une activité «courrier publicitaire» et devenir un acteur incontournable du marketing direct.
Trois métiers fondamentalement distincts
Algérie-Poste regroupe en réalité sous une même structure trois métiers fondamentalement différents : le courrier, le colis express et les services financiers. Un nouveau cadre légal et réglementaire devrait donc ouvrir la voie à la filialisation. Une première étape vient d’être franchie avec la création récente de la spa EMS, dont l’unique actionnaire est Algérie-Poste. Une prochaine étape majeure verrait — après obtention d’un agrément bancaire — la création d’une «banque postale», qui pourrait offrir une gamme de services plus large à sa clientèle de base. Les avantages de la filialisation sont bien connus depuis le modèle de Goold et Campbell (1987).* La filialisation permettrait entre autres d’opérer un cloisonnement entre les activités performantes et les activités jugées non-performantes.
L’ensemble de ces filiales seraient gérées par une holding ayant deux missions principales : la planification stratégique et le contrôle financier du «portefeuille». Concrètement, les comptes chèques-postaux (CCP), qui ne permettaient pas d’être débiteur, basculeront automatiquement dans le giron de la future banque en devenant des compte-chèques classiques. Par ailleurs, avec des revenus représentant seulement 3% des produits des services financiers, la gestion des quelque 4 millions de comptes d’épargne de CNEP banque est très peu rentable pour Algérie-Poste. L’accord historique avec la CNEP devrait donc être revu dans des termes plus favorables à Algérie-Poste. Algérie-Poste a également hérité d’un patrimoine immobilier important avec des emplacements «prime» (de premier choix) pour bon nombre de ses agences urbaines historiques.
La filialisation de ce parc immobilier verrait la création d’une filiale-gestionnaire de parc immobilier qui mettrait à disposition des filiales opérationnelles des installations définies par les occupants à des prix proches du marché locatif. Cette professionnalisation de la gestion immobilière serait un test de performance économique pour la future Banque postale. Face au développement des SMS/texto, de l’Internet et de la téléphonie sur IP, les volumes de distribution du courrier classique devraient poursuivre leur déclin. Le recul de ce métier traditionnel serait plus que compensé par le développement des activités dans le colis et l’express et par la croissance des activités financières. Enfin, chacune de ces filiale devra être dotée de fonctions transversales propres (RH, finances, contrôle de gestion).
Performance du réseau
Avec ses 3300 agences, Algérie-Poste s’appuie sur un réseau d’une densité exceptionnelle. La performance de ce réseau est une problématique-clé qu’il faut anticiper au plus tôt dans la perspective du redéploiement. Dans le cadre d’une éventuelle filialisation, Algérie-Poste doit promouvoir la vocation commerciale parmi le personnel du réseau pour en faire un vecteur de croissance. En ce qui concerne le service public postal universel, Algérie-Poste doit définir de nouvelles normes d’accessibilité à ce service postal. Cette norme pourrait être fixée soit en distance moyenne à un bureau de poste, soit en temps moyen d’accès au guichet. Actuellement, un nombre important d’agences rurales sont en sous-activité alors que l’activité d’un faible nombre d’antennes urbaines est saturée. La présence est généralement insuffisante dans les villes moyennes à grandes. Le développement de la monétique et notamment des terminaux de paiement (TPE) dans les commerces couplés à une réduction des volumes du courrier remettrait en cause la nécessité d’un réseau d’une telle densité.
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Tous les jours, près de 10 millions d’Algériens (essentiellement des fonctionnaires, retraités ou étudiants) dépendent de ses services pour leurs opérations courantes. Issu de la séparation de l’ex-direction des PTT en deux entités : la spa Algérie Télécom et l’Epic Algérie-Poste, cet établissement public a caractère commercial de plus de 25 000 salariés en a gardé une culture d’«administration». Les crises de gouvernance récurrentes que traverse cet Epic, les sérieux dysfonctionnements dans ses opérations, ainsi que les erreurs commises dans le projet monétique (voir El Watan éco du 11 octobre 2010) ont fini par entamer le capital de sympathie dont bénéficiait cette institution auprès du citoyen algérien. Algérie-Poste est aujourd’hui appelée à relever deux défis
majeurs : celui d’une double mutation culturelle et managériale, d’un côté, et celui de la filialisation, de l’autre.
S’adapter pour mieux servir !
Tel devrait être le fil conducteur de la mutation d’Algérie-Poste. En premier lieu, Algérie-Poste doit apprendre à «comprendre» sa clientèle très diverse (qui va du retraité analphabète au professeur d’université en passant par la ménagère), même si elle est essentiellement constituée de travailleurs/retraités du secteur public. La problématique sous-jacente est le passage d’un service public en situation de monopole à une entreprise de services qui vit déjà une concurrence de fait sur ses trois métiers. Cette mutation passe d’abord par une mise à niveau du capital humain, «la véritable richesse» pour toute entreprise de services. Cette mise à niveau des ressources humaines devra s’articuler autour de trois axes : recrutement, formation et développement interne. Parallèlement, une direction de la qualité des process devrait être mise en place avec pour mission principale d’améliorer et de maintenir une qualité de service- client : accueil, systèmes d’information, back-office. Cette nouvelle configuration devrait permettre de créer un lien fluide entre l’ensemble des directions.
Industrialisation de la gestion du courrier
Un autre volet de la mutation concerne la modernisation du mode opératoire de collecte, de tri et de distribution du courrier. Le mode opératoire actuel est obsolète et ne répond plus aux attentes de ses usagers/clients. Cela passe par une simplification du réseau logistique en un périmètre mieux adapté à la densité démographique. L’automatisation du traitement du courrier ainsi que le suivi électronique du courrier (code-barre, enveloppes normalisées) permettrait d’accélérer sensiblement la vitesse de tri et de distribution. L’aménagement d’un code postal à cinq chiffres (connu spontanément de chaque citoyen), par localité et par quartier serait un paramètre d’identification du destinataire au moment du dépôt.
Toutefois, comme dans bon nombre de pays émergents, l’adressage reste le maillon faible de la distribution du courrier, à savoir le défaut de nom des rues et de numérotation des domiciles et des bâtiments, qui rend la distribution du courrier aléatoire, notamment en périphérie des grandes villes. Pour y remédier, les pouvoirs publics doivent impérativement combattre le phénomène de l’urbanisme anarchique et des constructions illicites. En revanche, un système d’adressage fiable permettrait d’abord à Algérie-Poste de respecter des délais de distribution du courrier ainsi que de valoriser ses bases de données pour développer une activité «courrier publicitaire» et devenir un acteur incontournable du marketing direct.
Trois métiers fondamentalement distincts
Algérie-Poste regroupe en réalité sous une même structure trois métiers fondamentalement différents : le courrier, le colis express et les services financiers. Un nouveau cadre légal et réglementaire devrait donc ouvrir la voie à la filialisation. Une première étape vient d’être franchie avec la création récente de la spa EMS, dont l’unique actionnaire est Algérie-Poste. Une prochaine étape majeure verrait — après obtention d’un agrément bancaire — la création d’une «banque postale», qui pourrait offrir une gamme de services plus large à sa clientèle de base. Les avantages de la filialisation sont bien connus depuis le modèle de Goold et Campbell (1987).* La filialisation permettrait entre autres d’opérer un cloisonnement entre les activités performantes et les activités jugées non-performantes.
L’ensemble de ces filiales seraient gérées par une holding ayant deux missions principales : la planification stratégique et le contrôle financier du «portefeuille». Concrètement, les comptes chèques-postaux (CCP), qui ne permettaient pas d’être débiteur, basculeront automatiquement dans le giron de la future banque en devenant des compte-chèques classiques. Par ailleurs, avec des revenus représentant seulement 3% des produits des services financiers, la gestion des quelque 4 millions de comptes d’épargne de CNEP banque est très peu rentable pour Algérie-Poste. L’accord historique avec la CNEP devrait donc être revu dans des termes plus favorables à Algérie-Poste. Algérie-Poste a également hérité d’un patrimoine immobilier important avec des emplacements «prime» (de premier choix) pour bon nombre de ses agences urbaines historiques.
La filialisation de ce parc immobilier verrait la création d’une filiale-gestionnaire de parc immobilier qui mettrait à disposition des filiales opérationnelles des installations définies par les occupants à des prix proches du marché locatif. Cette professionnalisation de la gestion immobilière serait un test de performance économique pour la future Banque postale. Face au développement des SMS/texto, de l’Internet et de la téléphonie sur IP, les volumes de distribution du courrier classique devraient poursuivre leur déclin. Le recul de ce métier traditionnel serait plus que compensé par le développement des activités dans le colis et l’express et par la croissance des activités financières. Enfin, chacune de ces filiale devra être dotée de fonctions transversales propres (RH, finances, contrôle de gestion).
Performance du réseau
Avec ses 3300 agences, Algérie-Poste s’appuie sur un réseau d’une densité exceptionnelle. La performance de ce réseau est une problématique-clé qu’il faut anticiper au plus tôt dans la perspective du redéploiement. Dans le cadre d’une éventuelle filialisation, Algérie-Poste doit promouvoir la vocation commerciale parmi le personnel du réseau pour en faire un vecteur de croissance. En ce qui concerne le service public postal universel, Algérie-Poste doit définir de nouvelles normes d’accessibilité à ce service postal. Cette norme pourrait être fixée soit en distance moyenne à un bureau de poste, soit en temps moyen d’accès au guichet. Actuellement, un nombre important d’agences rurales sont en sous-activité alors que l’activité d’un faible nombre d’antennes urbaines est saturée. La présence est généralement insuffisante dans les villes moyennes à grandes. Le développement de la monétique et notamment des terminaux de paiement (TPE) dans les commerces couplés à une réduction des volumes du courrier remettrait en cause la nécessité d’un réseau d’une telle densité.
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