Budget 2011. Les dépenses de l’Etat à la loupe
Combien l’Etat dépensera-t-il l’année prochaine ?
Où ira cet argent ? Et à qui profitera-t-il ?
“La politique d’autarcie annoncée par le ministre des Finances est un leurre”.
Voilà ce que retient un député de l’opposition après lecture du projet de Loi de Finances 2011. Un commentaire sévère mais qui n’est pas totalement dénué de vérité. Présenté devant le parlement mercredi dernier, le budget de l’Etat pour l’année 2011 s’inscrit dans la même lignée que celui de 2010 : des recettes qui évoluent à petites foulées et des dépenses qui progressent deux fois plus vite. En gros, l’Etat devra encaisser en 2011 quelque 279 milliards de dirhams, face à des dépenses qui culminent à 290 milliards (en progression de 10% par rapport à 2010). Le trou est énorme : 11 milliards de dirhams, soit 3,5% du budget du “Maroc S.A”.
Pour joindre les deux bouts, l’argentier du royaume n’a retenu qu’une seule option : l’endettement. Longtemps sur la table, la cession de 8% de Maroc Telecom, qui devait rapporter quelque 5 milliards de dirhams aux caisses de l’Etat, a tout simplement été reportée sine die. “Cela devient presque une règle. L’Etat dépense plus qu’il ne gagne et hypothèque l’avenir des générations futures pour boucler ses fins de mois. Pire, on nous promet une baisse des dépenses dans les discours, mais dans les faits, c’est tout le contraire que l’on constate”, tonne cet économiste.
Train-train de vie
La moitié du budget de l’Etat sert à son propre fonctionnement. Sur les 152 milliards de dirhams budgétés à ce titre, plus de 86 milliards seront affectés aux salaires des fonctionnaires. Un montant en hausse par rapport à 2010 (+6,8%), l’Etat prévoyant de créer 16 000 nouveaux emplois dans la fonction publique. “Une évolution à relativiser”, fait remarquer ce cadre du département des Finances. Son argument est simple : “Le poids de la masse salariale doit être comparé au PIB. Ce rapport n’a cessé de s’alléger passant de 11,7% en 2005 à moins de 10% en 2010. On peut donc dire qu’on est bel et bien inscrit dans un processus de maîtrise des charges salariales, malgré l’effort mené en termes de création d’emploi”.
Les charges de compensation ne sont pas en reste. Après les 26 milliards engloutis en 2010, l’Etat devra aligner 10 milliards de dirhams en 2011 pour maintenir la stabilité des prix des denrées de base (sucre, farine, gaz, hydrocarbures…). Une sorte de prime de paix sociale, mais surtout le coût de trop d’une réforme qui traîne ! Les achats de matériels et autres dépenses diverses (eau, électricité, téléphone…), dont l’argentier du royaume a fait sa première cible pour les coupes budgétaires, ne connaîtront qu’une petite baisse de 2,6% à 26,3 milliards de dirhams, soit un petit milliard de moins qu’en 2010. Mais ça reste “un véritable exploit”, signale notre source au département de Salaheddine Mezouar : “C’est ici où l’effort de rationalisation des dépenses se ressent le plus. Si les charges courantes d’eau, d’électricité et de téléphone ont quelque peu stagné, nous avons limité de manière drastique toutes les dépenses liées à l’aménagement et l’ameublement des bureaux, des logements de service ou encore celles afférentes à l’organisation de congrès et aux frais de déplacement et de voyage. C’est un changement de culture qui est en train de s’opérer”. Petite détente également au niveau du service de la dette. Le Trésor devra rembourser en 2011 un peu plus de 36 milliards de dirhams aux porteurs de ses titres de créances, contre 38 milliards en 2010.
Des comptes très spéciaux
Côté investissement, l’Etat compte accélérer le rythme amorcé en 2010. Budget alloué : 52 milliards de dirhams auxquels s’ajoutent des crédits d’engagement sur le budget 2012 (34 milliards), le report des dépenses engagées en 2010 (13 milliards), les collectivités locales… Soit un total de 166 milliards, en augmentation de 4 milliards par rapport à 2010. Keynésien dans l’âme, Mezouar a toujours usé de l’investissement comme moteur de croissance et de création d’emploi…au risque de rompre avec le principe des équilibres macroéconomiques tant défendu par son prédécesseur, le socialiste Fathallah Oualalou. Et si l’enveloppe du budget général d’investissement ne suffit pas, les comptes spéciaux du Trésor sont là ! Dotée de près de 47 milliards de dirhams (l’équivalent du budget de quatre gros ministères), cette manne sert exclusivement à financer la politique de développement de Mohammed VI. Infrastructures, habitat, désenclavement du monde rural, tourisme, sport…tous les secteurs sont arrosés via des structures dédiées comme le Fonds Hassan II, le Fonds solidarité habitat, le Fonds spécial routier ou encore le Fonds spécial pour la promotion hôtelière, passé depuis quelques années sous la coupe de l’argentier du royaume. “C’est un véritable budget dans le budget, qui échappe parfois au contrôle législatif. Mais il a au moins le mérite de permettre une certaine souplesse et efficacité dans le pilotage des grands chantiers d’infrastructures”, commente notre économiste. Autre dépense d’investissement et pas des moindres : celle liée à l’acquisition et la maintenance du matériel des Forces armées royales. Là aussi, il s’agit d’un budget dans le budget qui se chiffre à quelque 60 milliards de dirhams, six fois le budget du ministère de la Santé et deux fois le budget de la compensation.
Recettes. Mezouar, sans concession !
Pour la Loi de Finances 2011, l’argentier du royaume n’a pas fait de compromis en matière de recettes fiscales, première manne financière du budget de l’Etat. Les doléances du puissant lobby du patronat ont presque toutes été rejetées. C’est que Salaheddine Mezouar garde toujours un goût amer des concessions faites la première année de son mandat sur les taux de l’Impôt sur les sociétés et l’Impôt sur le revenu. Des mesures qui ont grevé sensiblement les recettes de l’Etat, l’acculant aujourd’hui à s’endetter pour boucler ses fins de mois. Il s’est donc cantonné, en bon politicien, à de petites “mesurettes” sans réel impact sur le budget, mais néanmoins très populaires. Le meilleur exemple reste celui du cadeau offert aux très petites entreprises dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas les 2 millions de dirhams, qui verront leur taux de l’IS passer de 30 à 15% à partir du 1er janvier 2011. Autres mesures populaires : l’exonération fiscale pour les plans épargne-éducation, logement ou action. Des carottes fiscales destinées aux petites bourses puisque plafonnées à des montants ne dépassant pas les 600 000 dirhams.
Top 5 des ministères budgétivores
Education et Enseignement supérieur. Le département d’Ahmed Akhchcine s’adjuge la plus grosse part du gâteau budgétaire. Avec 47 milliards de dirhams, le ministère gère l’un des dossiers les plus chauds du règne de Mohammed VI.
Intérieur. Piloté par Moulay Taïeb Cherkaoui, le département de l’Intérieur consommera 19 milliards de dirhams en 2011. Plus de 80% de ce montant servira au paiement des salaires des agents du ministère.
Santé. L’argentier du royaume a alloué 11 milliards de dirhams au département de la ministre istiqlalie Yasmina Baddou. Un pactole dont 80% seront absorbés par les charges de personnel et autres charges diverses.
Agriculture et pêche. Plan Maroc Vert, plan Ibhar… Aziz Akhannouch a du pain sur la planche. Pour mener à bien ses réformes, son collègue du RNI lui a alloué une enveloppe de 9 milliards de dirhams.
Equipement et transport. Ingénieur en chef de la politique royale des grands chantiers, le jeune ministre istiqlali Karim Ghellab devra faire avec un budget de 8,8 milliards de dirhams.
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Combien l’Etat dépensera-t-il l’année prochaine ?
Où ira cet argent ? Et à qui profitera-t-il ?
“La politique d’autarcie annoncée par le ministre des Finances est un leurre”.
Voilà ce que retient un député de l’opposition après lecture du projet de Loi de Finances 2011. Un commentaire sévère mais qui n’est pas totalement dénué de vérité. Présenté devant le parlement mercredi dernier, le budget de l’Etat pour l’année 2011 s’inscrit dans la même lignée que celui de 2010 : des recettes qui évoluent à petites foulées et des dépenses qui progressent deux fois plus vite. En gros, l’Etat devra encaisser en 2011 quelque 279 milliards de dirhams, face à des dépenses qui culminent à 290 milliards (en progression de 10% par rapport à 2010). Le trou est énorme : 11 milliards de dirhams, soit 3,5% du budget du “Maroc S.A”.
Pour joindre les deux bouts, l’argentier du royaume n’a retenu qu’une seule option : l’endettement. Longtemps sur la table, la cession de 8% de Maroc Telecom, qui devait rapporter quelque 5 milliards de dirhams aux caisses de l’Etat, a tout simplement été reportée sine die. “Cela devient presque une règle. L’Etat dépense plus qu’il ne gagne et hypothèque l’avenir des générations futures pour boucler ses fins de mois. Pire, on nous promet une baisse des dépenses dans les discours, mais dans les faits, c’est tout le contraire que l’on constate”, tonne cet économiste.
Train-train de vie
La moitié du budget de l’Etat sert à son propre fonctionnement. Sur les 152 milliards de dirhams budgétés à ce titre, plus de 86 milliards seront affectés aux salaires des fonctionnaires. Un montant en hausse par rapport à 2010 (+6,8%), l’Etat prévoyant de créer 16 000 nouveaux emplois dans la fonction publique. “Une évolution à relativiser”, fait remarquer ce cadre du département des Finances. Son argument est simple : “Le poids de la masse salariale doit être comparé au PIB. Ce rapport n’a cessé de s’alléger passant de 11,7% en 2005 à moins de 10% en 2010. On peut donc dire qu’on est bel et bien inscrit dans un processus de maîtrise des charges salariales, malgré l’effort mené en termes de création d’emploi”.
Les charges de compensation ne sont pas en reste. Après les 26 milliards engloutis en 2010, l’Etat devra aligner 10 milliards de dirhams en 2011 pour maintenir la stabilité des prix des denrées de base (sucre, farine, gaz, hydrocarbures…). Une sorte de prime de paix sociale, mais surtout le coût de trop d’une réforme qui traîne ! Les achats de matériels et autres dépenses diverses (eau, électricité, téléphone…), dont l’argentier du royaume a fait sa première cible pour les coupes budgétaires, ne connaîtront qu’une petite baisse de 2,6% à 26,3 milliards de dirhams, soit un petit milliard de moins qu’en 2010. Mais ça reste “un véritable exploit”, signale notre source au département de Salaheddine Mezouar : “C’est ici où l’effort de rationalisation des dépenses se ressent le plus. Si les charges courantes d’eau, d’électricité et de téléphone ont quelque peu stagné, nous avons limité de manière drastique toutes les dépenses liées à l’aménagement et l’ameublement des bureaux, des logements de service ou encore celles afférentes à l’organisation de congrès et aux frais de déplacement et de voyage. C’est un changement de culture qui est en train de s’opérer”. Petite détente également au niveau du service de la dette. Le Trésor devra rembourser en 2011 un peu plus de 36 milliards de dirhams aux porteurs de ses titres de créances, contre 38 milliards en 2010.
Des comptes très spéciaux
Côté investissement, l’Etat compte accélérer le rythme amorcé en 2010. Budget alloué : 52 milliards de dirhams auxquels s’ajoutent des crédits d’engagement sur le budget 2012 (34 milliards), le report des dépenses engagées en 2010 (13 milliards), les collectivités locales… Soit un total de 166 milliards, en augmentation de 4 milliards par rapport à 2010. Keynésien dans l’âme, Mezouar a toujours usé de l’investissement comme moteur de croissance et de création d’emploi…au risque de rompre avec le principe des équilibres macroéconomiques tant défendu par son prédécesseur, le socialiste Fathallah Oualalou. Et si l’enveloppe du budget général d’investissement ne suffit pas, les comptes spéciaux du Trésor sont là ! Dotée de près de 47 milliards de dirhams (l’équivalent du budget de quatre gros ministères), cette manne sert exclusivement à financer la politique de développement de Mohammed VI. Infrastructures, habitat, désenclavement du monde rural, tourisme, sport…tous les secteurs sont arrosés via des structures dédiées comme le Fonds Hassan II, le Fonds solidarité habitat, le Fonds spécial routier ou encore le Fonds spécial pour la promotion hôtelière, passé depuis quelques années sous la coupe de l’argentier du royaume. “C’est un véritable budget dans le budget, qui échappe parfois au contrôle législatif. Mais il a au moins le mérite de permettre une certaine souplesse et efficacité dans le pilotage des grands chantiers d’infrastructures”, commente notre économiste. Autre dépense d’investissement et pas des moindres : celle liée à l’acquisition et la maintenance du matériel des Forces armées royales. Là aussi, il s’agit d’un budget dans le budget qui se chiffre à quelque 60 milliards de dirhams, six fois le budget du ministère de la Santé et deux fois le budget de la compensation.
Recettes. Mezouar, sans concession !
Pour la Loi de Finances 2011, l’argentier du royaume n’a pas fait de compromis en matière de recettes fiscales, première manne financière du budget de l’Etat. Les doléances du puissant lobby du patronat ont presque toutes été rejetées. C’est que Salaheddine Mezouar garde toujours un goût amer des concessions faites la première année de son mandat sur les taux de l’Impôt sur les sociétés et l’Impôt sur le revenu. Des mesures qui ont grevé sensiblement les recettes de l’Etat, l’acculant aujourd’hui à s’endetter pour boucler ses fins de mois. Il s’est donc cantonné, en bon politicien, à de petites “mesurettes” sans réel impact sur le budget, mais néanmoins très populaires. Le meilleur exemple reste celui du cadeau offert aux très petites entreprises dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas les 2 millions de dirhams, qui verront leur taux de l’IS passer de 30 à 15% à partir du 1er janvier 2011. Autres mesures populaires : l’exonération fiscale pour les plans épargne-éducation, logement ou action. Des carottes fiscales destinées aux petites bourses puisque plafonnées à des montants ne dépassant pas les 600 000 dirhams.
Top 5 des ministères budgétivores
Education et Enseignement supérieur. Le département d’Ahmed Akhchcine s’adjuge la plus grosse part du gâteau budgétaire. Avec 47 milliards de dirhams, le ministère gère l’un des dossiers les plus chauds du règne de Mohammed VI.
Intérieur. Piloté par Moulay Taïeb Cherkaoui, le département de l’Intérieur consommera 19 milliards de dirhams en 2011. Plus de 80% de ce montant servira au paiement des salaires des agents du ministère.
Santé. L’argentier du royaume a alloué 11 milliards de dirhams au département de la ministre istiqlalie Yasmina Baddou. Un pactole dont 80% seront absorbés par les charges de personnel et autres charges diverses.
Agriculture et pêche. Plan Maroc Vert, plan Ibhar… Aziz Akhannouch a du pain sur la planche. Pour mener à bien ses réformes, son collègue du RNI lui a alloué une enveloppe de 9 milliards de dirhams.
Equipement et transport. Ingénieur en chef de la politique royale des grands chantiers, le jeune ministre istiqlali Karim Ghellab devra faire avec un budget de 8,8 milliards de dirhams.
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