Entretien avec Robert L. Hirsch (1/2)
James Schlesinger, ex-secrétaire à l’énergie du président Carter, préface le livre d’un ancien haut fonctionnaire américain, le Dr Robert Hirsch, qui prédit une chute de la production de pétrole dans les 5 années à venir.
Jamais un personnage politique du rang de Schlesinger n’avait assumé un tel diagnostic.
Le livre paraîtra aux Etats-Unis le 1er octobre. Interview de son auteur en avant-première et en exclusivité.
[Entretien avec Robert L. Hirsch (2/2)]
Robert Hirsch occupe une place à part dans l’évolution du débat sur le ‘peak oil’. En 2005, il fut l’auteur principal du premier rapport pessimiste officiel jamais publié par l’administration d’un gouvernement (présentation sur Wikipedia).
Et pas n’importe quelle administration : le département de l’énergie du président Bush.
Les conclusions de Robert Hirsch, ancien responsable de la recherche sur les carburants synthétiques du groupe Exxon, ex-haut cadre de la RAND corporation et ancien patron du programme de fusion nucléaire américain, avaient à l’époque été mises sous l’éteignoir.
Dr Robert L. Hirsch à Alexandria (Virginie), août 2010 [M.A]
Aujourd’hui, Robert Hirsch persiste. Pour lui, c’est désormais une évidence : nous serions à la veille d’un déclin de la production d’or noir mondiale.
Dans The Impending World Energy Mess (*), c’est-à-dire « Le désordre énergétique mondial imminent », M. Hirsch cherche à faire entendre un signal d’alarme qu’il n’est plus tout à fait, comme en 2005, l’un des seuls à tirer.
Détail remarquable : le livre est préfacé par James Schlesinger, secrétaire à la défense sous Richard Nixon et Gerald Ford, qui fut ensuite le premier secrétaire à l’énergie de l’histoire des Etats-Unis, sous le président Carter.
Schlesinger et Hirsch sont à ce jour les seuls officiels ou ex-officiels de l’administration américaine qui assument de crier publiquement au loup.
Voici la première partie d’une interview accordée par Robert Hirsch en août en banlieue de Washington.
Cette première partie est consacrée au pronostic de Robert Hirsch sur l’imminence d’un déclin de la production mondiale de pétrole.
La seconde partie porte sur ce que le Dr. Hirsch considère comme une “conspiration du silence” autour du peak oil à Washington.
(*) The Impending World Energy Mess, par Robert L. HIRSCH, Roger H. BEZDEK & Robert M. WENDLING. [Les trois auteurs sont associés dans une petite société d’intelligence économique, MISI, Inc, installée à Alexandria, près de Washington DC.] Avant-propos par James R. Schlesinger. Sortie prévue le 1er octobre 2010. Editions Apogee Prime. 256 pages, $29.95.
Entretien avec Robert L. Hirsch (1/2)
[oil man] Dans le livre que vous allez publier, vous cherchez à prouver que la production mondiale de carburants liquide risque de chuter très bientôt. D’après vous, d’ici combien de temps pourrions-nous avoir des problèmes ? Dans dix ans, dans moins de dix ans ?
Une chose d’abord : la base, c’est la production. La production mondiale de pétrole a longtemps progressé, puis elle a stoppé cette progression, et depuis le milieu de l’année 2004, elle fluctue. La production a atteint un ‘plateau’. De son côté la demande, elle, a connu un faible déclin, à cause de la récession économique.
Cette demande augmente à nouveau cette année. Elle est revenue à son niveau d’avant la crise de 2008.
Exact. La production de pétrole fluctue dans une bande de 4 ou 5 %. Ce n’est pas beaucoup. Je pense que la production mondiale de pétrole n’ira pas plus haut.
Quelle est votre hypothèse ?
La production va rester à l’intérieur de cette bande, et d’ici 2 à 5 ans, les extractions mondiales vont entrer en déclin.
Vous avez donc en tête le même type de terrible scénario que ceux récemment envisagés par le Pentagone, la Lloyd’s et Chatham House, ou encore par l’armée allemande ?
En gros, oui.
Le département de l’énergie américain évoque lui aussi un futur plateau fluctuant, « ondulant », de la production pétrolière. Parlez-vous de la même chose ?
Eux parlent d’un plateau qu’on attendrait quelque part dans le futur. Mais quand on regarde les chiffres, il n’y a pas de doute que nous y sommes déjà.
Un déclin de la production mondiale de pétrole d’ici 2 à 5 ans… Que va-t-il se passer ?
Ce sera la pagaille, et puis tout d’un coup, ce sera évident.
Quel rythme de déclin faut-il selon vous redouter ?
C’est là un point crucial, parce que ce rythme de déclin déterminera l’importance du problème auquel nous faisons face. Dans le livre, nous envisageons deux taux de déclin : 2 % et 4 % par an. Il est clair que plus ce taux sera faible, moins ce sera difficile. Le taux de 4 % est vraiment catastrophique. A 2 %, ça restera très difficile.
Difficile à quel point ?
Dans notre rapport de 2005, nous avons travaillé sur un programme mondial de « crash », qui correspondrait à la meilleure réaction possible de la part de la société. On ne peut aller plus vite que ça. En mettant en oeuvre un programme comme ça, il nous faudrait plus de dix ans pour compenser le déclin. Pourquoi ? Parce que le problème s’enfuit devant vous ! Si vous êtes dans une course avec quelqu’un d’autre, et que la personne part avant, même si vous arrivez à courir plus vite qu’elle, ça va vous prendre beaucoup de temps pour la rattraper.
A quoi faut-il s’attendre, d’ici à ce que le monde « rattrape » le problème du ‘peak oil’ ?
Au niveau mondial, le Produit intérieur brut va décroître chaque année pendant une décennie. Cette récession de l’économie mondiale pourrait facilement atteindre 20 à 30 % au total sur toute cette période. Voilà ce que je veux dire quand je dis « catastrophique ».
Où que vous viviez, quelqu’un doit vous amener votre nourriture. Or l’agriculture moderne marche au pétrole, parce que les tracteurs qui labourent le sol plantent les graines et récoltent marchent au pétrole. Ensuite il faut transporter la nourriture vers un processeur quelconque, puis il faut encore la transporter jusqu’à vous.
James Schlesinger, ex-secrétaire à l’énergie du président Carter, préface le livre d’un ancien haut fonctionnaire américain, le Dr Robert Hirsch, qui prédit une chute de la production de pétrole dans les 5 années à venir.
Jamais un personnage politique du rang de Schlesinger n’avait assumé un tel diagnostic.
Le livre paraîtra aux Etats-Unis le 1er octobre. Interview de son auteur en avant-première et en exclusivité.
[Entretien avec Robert L. Hirsch (2/2)]
Robert Hirsch occupe une place à part dans l’évolution du débat sur le ‘peak oil’. En 2005, il fut l’auteur principal du premier rapport pessimiste officiel jamais publié par l’administration d’un gouvernement (présentation sur Wikipedia).
Et pas n’importe quelle administration : le département de l’énergie du président Bush.
Les conclusions de Robert Hirsch, ancien responsable de la recherche sur les carburants synthétiques du groupe Exxon, ex-haut cadre de la RAND corporation et ancien patron du programme de fusion nucléaire américain, avaient à l’époque été mises sous l’éteignoir.
Dr Robert L. Hirsch à Alexandria (Virginie), août 2010 [M.A]
Aujourd’hui, Robert Hirsch persiste. Pour lui, c’est désormais une évidence : nous serions à la veille d’un déclin de la production d’or noir mondiale.
Dans The Impending World Energy Mess (*), c’est-à-dire « Le désordre énergétique mondial imminent », M. Hirsch cherche à faire entendre un signal d’alarme qu’il n’est plus tout à fait, comme en 2005, l’un des seuls à tirer.
Détail remarquable : le livre est préfacé par James Schlesinger, secrétaire à la défense sous Richard Nixon et Gerald Ford, qui fut ensuite le premier secrétaire à l’énergie de l’histoire des Etats-Unis, sous le président Carter.
Schlesinger et Hirsch sont à ce jour les seuls officiels ou ex-officiels de l’administration américaine qui assument de crier publiquement au loup.
Voici la première partie d’une interview accordée par Robert Hirsch en août en banlieue de Washington.
Cette première partie est consacrée au pronostic de Robert Hirsch sur l’imminence d’un déclin de la production mondiale de pétrole.
La seconde partie porte sur ce que le Dr. Hirsch considère comme une “conspiration du silence” autour du peak oil à Washington.
(*) The Impending World Energy Mess, par Robert L. HIRSCH, Roger H. BEZDEK & Robert M. WENDLING. [Les trois auteurs sont associés dans une petite société d’intelligence économique, MISI, Inc, installée à Alexandria, près de Washington DC.] Avant-propos par James R. Schlesinger. Sortie prévue le 1er octobre 2010. Editions Apogee Prime. 256 pages, $29.95.
Entretien avec Robert L. Hirsch (1/2)
[oil man] Dans le livre que vous allez publier, vous cherchez à prouver que la production mondiale de carburants liquide risque de chuter très bientôt. D’après vous, d’ici combien de temps pourrions-nous avoir des problèmes ? Dans dix ans, dans moins de dix ans ?
Une chose d’abord : la base, c’est la production. La production mondiale de pétrole a longtemps progressé, puis elle a stoppé cette progression, et depuis le milieu de l’année 2004, elle fluctue. La production a atteint un ‘plateau’. De son côté la demande, elle, a connu un faible déclin, à cause de la récession économique.
Cette demande augmente à nouveau cette année. Elle est revenue à son niveau d’avant la crise de 2008.
Exact. La production de pétrole fluctue dans une bande de 4 ou 5 %. Ce n’est pas beaucoup. Je pense que la production mondiale de pétrole n’ira pas plus haut.
Quelle est votre hypothèse ?
La production va rester à l’intérieur de cette bande, et d’ici 2 à 5 ans, les extractions mondiales vont entrer en déclin.
Vous avez donc en tête le même type de terrible scénario que ceux récemment envisagés par le Pentagone, la Lloyd’s et Chatham House, ou encore par l’armée allemande ?
En gros, oui.
Le département de l’énergie américain évoque lui aussi un futur plateau fluctuant, « ondulant », de la production pétrolière. Parlez-vous de la même chose ?
Eux parlent d’un plateau qu’on attendrait quelque part dans le futur. Mais quand on regarde les chiffres, il n’y a pas de doute que nous y sommes déjà.
Un déclin de la production mondiale de pétrole d’ici 2 à 5 ans… Que va-t-il se passer ?
Ce sera la pagaille, et puis tout d’un coup, ce sera évident.
Quel rythme de déclin faut-il selon vous redouter ?
C’est là un point crucial, parce que ce rythme de déclin déterminera l’importance du problème auquel nous faisons face. Dans le livre, nous envisageons deux taux de déclin : 2 % et 4 % par an. Il est clair que plus ce taux sera faible, moins ce sera difficile. Le taux de 4 % est vraiment catastrophique. A 2 %, ça restera très difficile.
Difficile à quel point ?
Dans notre rapport de 2005, nous avons travaillé sur un programme mondial de « crash », qui correspondrait à la meilleure réaction possible de la part de la société. On ne peut aller plus vite que ça. En mettant en oeuvre un programme comme ça, il nous faudrait plus de dix ans pour compenser le déclin. Pourquoi ? Parce que le problème s’enfuit devant vous ! Si vous êtes dans une course avec quelqu’un d’autre, et que la personne part avant, même si vous arrivez à courir plus vite qu’elle, ça va vous prendre beaucoup de temps pour la rattraper.
A quoi faut-il s’attendre, d’ici à ce que le monde « rattrape » le problème du ‘peak oil’ ?
Au niveau mondial, le Produit intérieur brut va décroître chaque année pendant une décennie. Cette récession de l’économie mondiale pourrait facilement atteindre 20 à 30 % au total sur toute cette période. Voilà ce que je veux dire quand je dis « catastrophique ».
Où que vous viviez, quelqu’un doit vous amener votre nourriture. Or l’agriculture moderne marche au pétrole, parce que les tracteurs qui labourent le sol plantent les graines et récoltent marchent au pétrole. Ensuite il faut transporter la nourriture vers un processeur quelconque, puis il faut encore la transporter jusqu’à vous.
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