Un gisement de 25.000 milliards de m3
Des hectares de rocaille, des centaines de kilomètres de tubes, des cuves gigantesques, un immense port : bienvenue à Ras Laffan, principale porte de sortie des incroyables réserves gazières de l'émirat. Un site appelé à se réinventer pour dépasser la crise économique.
Du sable à perte de vue. Et, soudain, une oasis d'usines et de cuves. Tuyaux, grillages et acier mêlés. Au bout d'une longue ligne droite, en plein désert qatarien, la zone industrielle de Ras Laffan a tout du mirage. A l'oeil nu, impossible d'en cerner les contours. En mouvement perpétuel, le site s'est tellement développé que seule une vue satellite permet désormais d'en capturer la totalité. Un chantier gigantesque, couvrant plus d'une centaine de kilomètres carrés, et dont la superficie pourrait encore doubler dans un proche avenir.
C'est qu'un projet chasse l'autre sur ce promontoire rocailleux, devenu en dix ans le poumon gazier du Qatar. Et l'une des plus grandes zones industrielles du monde.
Le gaz… Le petit émirat du Golfe en regorge, mais a mis un peu de temps à en percevoir le potentiel. Pendant longtemps, les pays de la région, et avec eux les multinationales du pétrole, n'ont eu d'yeux que pour l'or noir. Pour le plus grand bonheur des voisins saoudiens, koweïtiens ou d'Abu Dhabi. Mais sans grand succès au Qatar. Là, c'est encore et toujours du gaz, que les forages s'obstinaient à révéler. Beaucoup de gaz. Dès le début des années 1970, Shell découvre en plein golfe Persique, au large des côtes quatariennes, ce qui va devenir le plus gros champ gazier du monde, North Field.
Un cadeau du ciel. Mais, là encore, quelques années s'écoulent avant que les professionnels du secteur et les autorités du pays n'en perçoivent toutes les retombées potentielles. Progressivement, une conjonction de facteurs va en effet changer le regard porté sur les ressources gazières : hausse de la demande, nouveaux procédés permettant de liquéfier le gaz, pour le transporter par bateau partout dans le monde, image plus propre que celle du pétrole… Dans le nouveau paysage énergétique mondial, le Qatar a tous les atouts en main pour devenir un acteur majeur. Il ne va pas s'en priver…
Et c'est à Ras Laffan que l'émirat prend son envol. Dès le début des années 2000, les grands noms de l'industrie pétrolière et gazière se pressent sur le tout nouveau site qatarien. Ils en reviennent des étoiles plein les yeux, étourdis par les ambitions du pays, les moyens mis en oeuvre et les horizons qui s'ouvrent à eux.
Car Exxon, Shell, Total et les autres l'ont compris : depuis les côtes qatariennes et grâce aux faramineuses réserves de North Field - à cheval entre les eaux territoriales du Qatar et de l'Iran, le champ compte à lui seul 25.000 milliards de mètres cubes, soit 15 % des réserves mondiales -, il va presque devenir possible d'alimenter en gaz et produits dérivés les marchés du monde entier. Très vite, du reste, les clients européens et asiatiques se bousculent auprès des décideurs locaux pour sécuriser leurs approvisionnements.
Investissements massifs
Dès lors, les « trains de liquéfaction », ces usines destinées à refroidir le gaz pour le liquéfier avant de l'exporter, poussent comme des petits pains à Ras Laffan. Au cours de la seule année 2005, six unités de ce type - les plus grandes au monde -sont lancées presque simultanément par les deux opérateurs nationaux Qatargas et RasGas, qui règnent en maître sur les ressources du pays. Les investissements se chiffrent en milliards. « Construire autant en une fois et au même endroit a été un vrai problème pour toutes les entreprises qui ont travaillé sur la zone, entre 2006 et fin 2009 », se rappelle Stéphane Lagrange directeur adjoint de projet chez Technip. Ici, la société d'ingénierie française a participé à la construction de presque toutes les installations. Au pic de l'activité, les différents chantiers de Ras Laffan ont rassemblé jusqu'à 140.000 ouvriers, qu'il fallait évidemment nourrir et loger. A certains moments, les problèmes d'approvisionnement et de logistique étaient tels que le site a manqué de riz, de carburant… et même de sable !
Avec la mise en service des usines GNL (gaz naturel liquéfié), les choses se sont un peu calmées. On ne ressent plus la même effervescence que ces cinq dernières années, comme si Ras Laffan et ses installations avaient trouvé leur vitesse de croisière. Pour accéder au site en partant de la capitale, Doha, il faut rouler pendant environ une heure, passer par la petite ville d'Al-Khor, seul point résidentiel à 15 kilomètres à la ronde, et continuer tout droit. Sur le chemin, des étendues de sable de part et d'autre, une forêt de poteaux électriques et de lignes à haute tension, de plus en plus dense au fur et à mesure que l'on approche. A l'entrée le visiteur doit montrer patte blanche et s'annoncer longtemps à l'avance. Le site est des plus sécurisés.
Les premières usines de GNL apparaissent 3 kilomètres plus loin. Deux vastes carrés identiques se font face : l'un est opéré par Qatargas, l'autre par RasGas.
A l'intérieur, un enchevêtrement de tuyaux gris foncé et gris clair, de bacs, de tours. Les seules couleurs qui se distinguent sont le bleu azur et l'orange des tenues de travail du personnel. Pas une femme sur le site, évidemment, ou si peu. « Ces tuyauteries servent à transformer les différents fluides. Il y a tout un procédé de traitement du gaz. On doit le chauffer, le refroidir, faire des séparations entre les différents types de gaz, ceux qui contiennent du soufre, les gaz purifiés… » explique le responsable de Technip. Une fois liquéfié (à - 162 degrés), le GNL est envoyé dans des bacs de stockage temporaire.
La suite...
Des hectares de rocaille, des centaines de kilomètres de tubes, des cuves gigantesques, un immense port : bienvenue à Ras Laffan, principale porte de sortie des incroyables réserves gazières de l'émirat. Un site appelé à se réinventer pour dépasser la crise économique.
Du sable à perte de vue. Et, soudain, une oasis d'usines et de cuves. Tuyaux, grillages et acier mêlés. Au bout d'une longue ligne droite, en plein désert qatarien, la zone industrielle de Ras Laffan a tout du mirage. A l'oeil nu, impossible d'en cerner les contours. En mouvement perpétuel, le site s'est tellement développé que seule une vue satellite permet désormais d'en capturer la totalité. Un chantier gigantesque, couvrant plus d'une centaine de kilomètres carrés, et dont la superficie pourrait encore doubler dans un proche avenir.
C'est qu'un projet chasse l'autre sur ce promontoire rocailleux, devenu en dix ans le poumon gazier du Qatar. Et l'une des plus grandes zones industrielles du monde.
Le gaz… Le petit émirat du Golfe en regorge, mais a mis un peu de temps à en percevoir le potentiel. Pendant longtemps, les pays de la région, et avec eux les multinationales du pétrole, n'ont eu d'yeux que pour l'or noir. Pour le plus grand bonheur des voisins saoudiens, koweïtiens ou d'Abu Dhabi. Mais sans grand succès au Qatar. Là, c'est encore et toujours du gaz, que les forages s'obstinaient à révéler. Beaucoup de gaz. Dès le début des années 1970, Shell découvre en plein golfe Persique, au large des côtes quatariennes, ce qui va devenir le plus gros champ gazier du monde, North Field.
Un cadeau du ciel. Mais, là encore, quelques années s'écoulent avant que les professionnels du secteur et les autorités du pays n'en perçoivent toutes les retombées potentielles. Progressivement, une conjonction de facteurs va en effet changer le regard porté sur les ressources gazières : hausse de la demande, nouveaux procédés permettant de liquéfier le gaz, pour le transporter par bateau partout dans le monde, image plus propre que celle du pétrole… Dans le nouveau paysage énergétique mondial, le Qatar a tous les atouts en main pour devenir un acteur majeur. Il ne va pas s'en priver…
Et c'est à Ras Laffan que l'émirat prend son envol. Dès le début des années 2000, les grands noms de l'industrie pétrolière et gazière se pressent sur le tout nouveau site qatarien. Ils en reviennent des étoiles plein les yeux, étourdis par les ambitions du pays, les moyens mis en oeuvre et les horizons qui s'ouvrent à eux.
Car Exxon, Shell, Total et les autres l'ont compris : depuis les côtes qatariennes et grâce aux faramineuses réserves de North Field - à cheval entre les eaux territoriales du Qatar et de l'Iran, le champ compte à lui seul 25.000 milliards de mètres cubes, soit 15 % des réserves mondiales -, il va presque devenir possible d'alimenter en gaz et produits dérivés les marchés du monde entier. Très vite, du reste, les clients européens et asiatiques se bousculent auprès des décideurs locaux pour sécuriser leurs approvisionnements.
Investissements massifs
Dès lors, les « trains de liquéfaction », ces usines destinées à refroidir le gaz pour le liquéfier avant de l'exporter, poussent comme des petits pains à Ras Laffan. Au cours de la seule année 2005, six unités de ce type - les plus grandes au monde -sont lancées presque simultanément par les deux opérateurs nationaux Qatargas et RasGas, qui règnent en maître sur les ressources du pays. Les investissements se chiffrent en milliards. « Construire autant en une fois et au même endroit a été un vrai problème pour toutes les entreprises qui ont travaillé sur la zone, entre 2006 et fin 2009 », se rappelle Stéphane Lagrange directeur adjoint de projet chez Technip. Ici, la société d'ingénierie française a participé à la construction de presque toutes les installations. Au pic de l'activité, les différents chantiers de Ras Laffan ont rassemblé jusqu'à 140.000 ouvriers, qu'il fallait évidemment nourrir et loger. A certains moments, les problèmes d'approvisionnement et de logistique étaient tels que le site a manqué de riz, de carburant… et même de sable !
Avec la mise en service des usines GNL (gaz naturel liquéfié), les choses se sont un peu calmées. On ne ressent plus la même effervescence que ces cinq dernières années, comme si Ras Laffan et ses installations avaient trouvé leur vitesse de croisière. Pour accéder au site en partant de la capitale, Doha, il faut rouler pendant environ une heure, passer par la petite ville d'Al-Khor, seul point résidentiel à 15 kilomètres à la ronde, et continuer tout droit. Sur le chemin, des étendues de sable de part et d'autre, une forêt de poteaux électriques et de lignes à haute tension, de plus en plus dense au fur et à mesure que l'on approche. A l'entrée le visiteur doit montrer patte blanche et s'annoncer longtemps à l'avance. Le site est des plus sécurisés.
Les premières usines de GNL apparaissent 3 kilomètres plus loin. Deux vastes carrés identiques se font face : l'un est opéré par Qatargas, l'autre par RasGas.
A l'intérieur, un enchevêtrement de tuyaux gris foncé et gris clair, de bacs, de tours. Les seules couleurs qui se distinguent sont le bleu azur et l'orange des tenues de travail du personnel. Pas une femme sur le site, évidemment, ou si peu. « Ces tuyauteries servent à transformer les différents fluides. Il y a tout un procédé de traitement du gaz. On doit le chauffer, le refroidir, faire des séparations entre les différents types de gaz, ceux qui contiennent du soufre, les gaz purifiés… » explique le responsable de Technip. Une fois liquéfié (à - 162 degrés), le GNL est envoyé dans des bacs de stockage temporaire.
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