La réforme comptable en Algérie et les conditions de sa réussite
M. Tlamsi Chabane (*)
Introduction
Certains auteurs ont beaucoup écrit sur le sujet et leurs analyses ou dissertations abondent malheureusement toutes dans la même direction : les sociétés algériennes ne sont pas prêtes pour adopter le NSCF (qui matérialise en fait une version light ou allégée des IFRS).
C’est le constat d’échec que prédisent déjà nos spécialistes émérites ! Alors pourquoi tant d’acharnement de la part de ceux qui sont censés porter dans leur cœur la énième chance de voir la profession de comptable débarrassée des vieux carcans et réflexes qui l’ont confinée, des années durant, dans un cadre purement secondaire, servant juste à calculer, un fois par an, le fameux impôt des sociétés à verser au Trésor public.
D’ailleurs, si la comptabilité se réduisait juste à déterminer une fois par an le résultat fiscal, je me demanderais à quoi serviraient les années de labeur à l’université ainsi que l’apprentissage de modules, comme l’analyse financière, la théorie financière, les mathématiques financières, les statistiques et probabilités… Je me demande aussi si c’est la peur du changement auquel ne peuvent se convertir nos experts comptables du fait que le NSCF représente un vraie cassure par rapport aux travaux comptables de bricolage par lesquels était connu le PCN et/ou la peur de perdre des monopoles sur certaines niches d’entreprises stratégiques qui motivent ce pessimisme grandissant dès qu’il s’agit de remettre sur la table de discussions le sujet de la réforme comptable. Pis encore, les articles que j’ai eus à lire font ressortir le même constat peu reluisant : le NSCF n’est pas à implémenter à l’heure actuelle. Donc je me demande quand est-ce qu’on voudrait le mettre en œuvre : en 2020 ?
2030 ? 2040 ? ou à l’extinction de l’humanité ?
Donc, au lieu de renforcer le débat sur le NSCF en participant par exemple à l’enrichissement de la normalisation comptable algérienne, certains préfèrent néanmoins tirer à boulets rouges sur cette ultime initiative de faire avancer la profession comptable et financière dans notre pays. Pas la peine donc de gaspiller tant de salive et de papier dans la mise en échec du NSCF, autant dépenser cette énergie dans ce qui est plus bénéfique pour les préparateurs (les entreprises en général de quelque secteur qu’elles soient) et utilisateurs de l’information financière. Il faut rappeler aussi que le NSCF a pu redonner à la science comptable en Algérie ses lettres de noblesse.
Aujourd’hui, l’on peut dire adieu aux innombrables bilans cadrés dépouillés de toute sincérité et fiabilité du moment que le référentiel est conçu de telle manière qu’il puisse limiter le recours à la comptabilité récréative basée sur l’emploi de multiples techniques de manipulation comptable.
Avec l’avènement du SCF, l’appellation « comptabli » ou « comptabliya » - mots utilisés dans le jargon des entreprises pour désigner les employés dont l’unique tâche est la tenue des comptes et la préparation des G50 – disparaîtra pour laisser place à cette nouvelle dénomination de la fonction qui est « cadre comptable financier » dont les principales missions consistent en la préparation d’un jeu d’états financiers d’une pertinence irréprochable aux fins de production d’informations financières probantes sur la situation financière, la performance et les flux de trésorerie des entreprises.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il me paraît utile et primordial de revenir un peu en arrière et relater le cadre comptable et les circonstances dans lesquelles s’est effectuée la réforme de la doctrine comptable en Algérie.
L’ancien cadre comptable algérien (1975 – 2007)
L’ancien plan comptable, qui aura duré plus de 30 ans, était caractérisé par les faits ci-après : La domination de la fiscalité sur la préparation des états financiers a eu pour effet de privilégier l’intérêt du fisc (optimisation des recettes de l’Etat) au détriment des autres utilisateurs de l’information financière. En somme, le fisc dirigeait les règles de préparation de la liasse fiscale.
Au lieu de préparer des états financiers en guise de reporting, les entreprises se contentaient, par le biais du PCN, de remplir une série de tableaux (même pas des états financiers au sens du NSCF actuel) dont l’utilité se résume juste à fournir quelques indications sur leurs performances passées (souvent à prendre avec des pincettes). Le PCN ne traite pas de beaucoup d’opérations, à l’instar du crédit-bail, des regroupements d’entreprises, la consolidation, les contrats à long terme, les impôts différés, les avantages post-emploi, l’activation des frais développement, le changement des méthodes comptables, etc.
En ne définissant pas les éléments qui constituent les états financiers (actifs, les passifs, les charges, les produits et les instruments de capitaux propres), le PCN ouvrait très grandes les portes aux innombrables manipulations dont se serviraient certains préparateurs pour présenter une information biaisée et déconnectée de la réalité des transactions, et du coup induire en erreur les destinataires de l’information financière :
absence d’organisme ou de corps de normalisation et d’interprétation comptable. Faiblesse de la recherche comptable et mise à jour quasi-absente du PCN mis à part quelques velléités entreprises par-ci par-là : plans comptables sectoriels en particulier.
Faible lisibilité des comptes (absence d’annexes explicatives, absence de données comparatives, maintien des valeurs historiques – sauf exception).
Le PCN ne pouvait pas donner de solutions aux multiples questions et autres problématiques comptables dans tous secteurs confondus Absence d’un cadre conceptuel même implicite qui a provoqué d’une part, la stagnation de la comptabilité (incapable d’avancer) et d’autre part, l’incapacité du PCN à résoudre les nouvelles problématiques et beaucoup de situations (par industrie…)
à suivre...
M. Tlamsi Chabane (*)
Introduction
Certains auteurs ont beaucoup écrit sur le sujet et leurs analyses ou dissertations abondent malheureusement toutes dans la même direction : les sociétés algériennes ne sont pas prêtes pour adopter le NSCF (qui matérialise en fait une version light ou allégée des IFRS).
C’est le constat d’échec que prédisent déjà nos spécialistes émérites ! Alors pourquoi tant d’acharnement de la part de ceux qui sont censés porter dans leur cœur la énième chance de voir la profession de comptable débarrassée des vieux carcans et réflexes qui l’ont confinée, des années durant, dans un cadre purement secondaire, servant juste à calculer, un fois par an, le fameux impôt des sociétés à verser au Trésor public.
D’ailleurs, si la comptabilité se réduisait juste à déterminer une fois par an le résultat fiscal, je me demanderais à quoi serviraient les années de labeur à l’université ainsi que l’apprentissage de modules, comme l’analyse financière, la théorie financière, les mathématiques financières, les statistiques et probabilités… Je me demande aussi si c’est la peur du changement auquel ne peuvent se convertir nos experts comptables du fait que le NSCF représente un vraie cassure par rapport aux travaux comptables de bricolage par lesquels était connu le PCN et/ou la peur de perdre des monopoles sur certaines niches d’entreprises stratégiques qui motivent ce pessimisme grandissant dès qu’il s’agit de remettre sur la table de discussions le sujet de la réforme comptable. Pis encore, les articles que j’ai eus à lire font ressortir le même constat peu reluisant : le NSCF n’est pas à implémenter à l’heure actuelle. Donc je me demande quand est-ce qu’on voudrait le mettre en œuvre : en 2020 ?
2030 ? 2040 ? ou à l’extinction de l’humanité ?
Donc, au lieu de renforcer le débat sur le NSCF en participant par exemple à l’enrichissement de la normalisation comptable algérienne, certains préfèrent néanmoins tirer à boulets rouges sur cette ultime initiative de faire avancer la profession comptable et financière dans notre pays. Pas la peine donc de gaspiller tant de salive et de papier dans la mise en échec du NSCF, autant dépenser cette énergie dans ce qui est plus bénéfique pour les préparateurs (les entreprises en général de quelque secteur qu’elles soient) et utilisateurs de l’information financière. Il faut rappeler aussi que le NSCF a pu redonner à la science comptable en Algérie ses lettres de noblesse.
Aujourd’hui, l’on peut dire adieu aux innombrables bilans cadrés dépouillés de toute sincérité et fiabilité du moment que le référentiel est conçu de telle manière qu’il puisse limiter le recours à la comptabilité récréative basée sur l’emploi de multiples techniques de manipulation comptable.
Avec l’avènement du SCF, l’appellation « comptabli » ou « comptabliya » - mots utilisés dans le jargon des entreprises pour désigner les employés dont l’unique tâche est la tenue des comptes et la préparation des G50 – disparaîtra pour laisser place à cette nouvelle dénomination de la fonction qui est « cadre comptable financier » dont les principales missions consistent en la préparation d’un jeu d’états financiers d’une pertinence irréprochable aux fins de production d’informations financières probantes sur la situation financière, la performance et les flux de trésorerie des entreprises.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il me paraît utile et primordial de revenir un peu en arrière et relater le cadre comptable et les circonstances dans lesquelles s’est effectuée la réforme de la doctrine comptable en Algérie.
L’ancien cadre comptable algérien (1975 – 2007)
L’ancien plan comptable, qui aura duré plus de 30 ans, était caractérisé par les faits ci-après : La domination de la fiscalité sur la préparation des états financiers a eu pour effet de privilégier l’intérêt du fisc (optimisation des recettes de l’Etat) au détriment des autres utilisateurs de l’information financière. En somme, le fisc dirigeait les règles de préparation de la liasse fiscale.
Au lieu de préparer des états financiers en guise de reporting, les entreprises se contentaient, par le biais du PCN, de remplir une série de tableaux (même pas des états financiers au sens du NSCF actuel) dont l’utilité se résume juste à fournir quelques indications sur leurs performances passées (souvent à prendre avec des pincettes). Le PCN ne traite pas de beaucoup d’opérations, à l’instar du crédit-bail, des regroupements d’entreprises, la consolidation, les contrats à long terme, les impôts différés, les avantages post-emploi, l’activation des frais développement, le changement des méthodes comptables, etc.
En ne définissant pas les éléments qui constituent les états financiers (actifs, les passifs, les charges, les produits et les instruments de capitaux propres), le PCN ouvrait très grandes les portes aux innombrables manipulations dont se serviraient certains préparateurs pour présenter une information biaisée et déconnectée de la réalité des transactions, et du coup induire en erreur les destinataires de l’information financière :
absence d’organisme ou de corps de normalisation et d’interprétation comptable. Faiblesse de la recherche comptable et mise à jour quasi-absente du PCN mis à part quelques velléités entreprises par-ci par-là : plans comptables sectoriels en particulier.
Faible lisibilité des comptes (absence d’annexes explicatives, absence de données comparatives, maintien des valeurs historiques – sauf exception).
Le PCN ne pouvait pas donner de solutions aux multiples questions et autres problématiques comptables dans tous secteurs confondus Absence d’un cadre conceptuel même implicite qui a provoqué d’une part, la stagnation de la comptabilité (incapable d’avancer) et d’autre part, l’incapacité du PCN à résoudre les nouvelles problématiques et beaucoup de situations (par industrie…)
à suivre...
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