Demain se construit ici et maintenant.
Ce 24 février, je vais faire court: depuis une dizaine d’années je n’arrête pas de commémorer à ma façon un événement qui a donné, en son temps, à l’Algérie une dimension planétaire.
Le 24 février de cette année a correspondu avec l’anniversaire du premier essai nucléaire français dans une de ses colonies, l’Algérie. Les Algériens, pas ceux du plateau du Larzac ou de la Corse, ont eu la première des radiations émanant d’une réaction nucléaire et d’un essai mal maîtrisé comme le reconnaîtra bien plus tard le physicien Perrin, haut commissaire à l’atome. A ce propos et en participant au deuxième colloque sur les essais nucléaires qui s’est tenu hier et avant-hier, j’ai eu à écouter l’intervention d’un porte-parole des Polynésiens de Mururoa où se sont déroulés près de 200 essais français à partir de 1966 (départ d’Algérie).
J’ai eu la sensation, le temps de la conférence, à l’écoute, d’être projeté violemment pendant la période coloniale: voilà un Polynésien français qui utilise les mêmes mots que nous utilisions pour décrire la situation d’apartheid, de deux poids, deux mesures, bref, le comportement raciste du colonisateur sûr de son bon droit et de son impunité. Il déchaîna les applaudissements de l’assistance quand il appela à la destruction du mur du silence, du mur de l’injustice qui prévaut dans le dossier des irradiés du fait de l’Etat français...
Cet anniversaire a correspondu avec la loi honteuse du 24 février 2005 qui fait l’éloge de la nostalgérie. Deux événements à 45 années de distance et qui sont l’oeuvre de la colonisation. Nous avons beau faire des colloques, signer des motions, faire des pétitions, l’Algérie s’époumone dans le désert et depuis quelque temps, nous n’arrêtons pas de recevoir des «coups», parce que nous ne faisons rien de pérenne, nous vivons au jour le jour, sans cap. Quand la France décide de nous «scanneriser» sans que nous réagissions au moins dans un premier temps par la réciprocité, quand Kouchner récidive en insultant le gouvernement dans son ensemble, et en insinuant que la France n’a plus à travailler avec le gouvernement actuel, il faut décoder cela.
On peut indifféremment y voir une ingérence intolérable, encore une fois pas relevée par le gouvernement, et aussi une incitation à la révolte. Si j’ai beaucoup de choses à reprocher à un gouvernement somme toute de passage devant la pérennité de l’Algérie - un proverbe kabyle dit: «Je n’aime pas mon frère mais je n’aime pas celui qui le frappe» - en tant que citoyen je ne suis pas d’accord et je suis exaspéré par cette ingérence continuelle de donneurs de leçons qui ne balaient pas devant leur porte; Kouchner est connu, ses frasques aussi. L’heure est grave. Au moment où dans d’autres pays on mise sur l’avenir - la France investit sur son avenir en développant l’enseignement et la recherche, la création de PME, le développement durable et la e-économie - nous, nous nous installons confortablement dans les temps morts. L’écrivaine que l’on ne présente plus, Ahlam Mostaghanmi, s’étonnait de la démonétisation de l’Algérie au fil des décennies. Dans les années 50, l’Algérie était symbolisée par l’émir Abdelkader, dans les années 60 ce fut la Révolution algérienne avec Djamila Bouhired, Ben Bella, dans les années 70 ce fut Boumediene. Depuis, plus rien ou plutôt si! Les années 90, outre l’Algérie des barbares,on parle de l’Algérie de «Didi», du nom d’une célèbre chanson qui fait le bonheur des cabarets moyen-orientaux, mais plus d’Algérie mythique avec une aura qui servait de boussole au monde arabe.
Dans le même ordre d’idées de la détérioration lente de tout ce qui faisait la fierté d’être Algérien, je me suis fait violence un jour de cette semaine pour écouter le journal de 20 heures de l’Unique. Il sentait la propagande par tous les pores du présentateur inamovible. Nous ne sommes pas informés, nous sommes aliénés par la fausseté de l’information qui présente «tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil».
J’ai eu aussi à suivre d’une oreille distraite les revendications des syndicats d’enseignants et la réponse de la tutelle au début: niet. Le travail et le salaire ont chacun leur dû. La Fonction publique a une démarche erratique où le nombre de niches privilégiées est proportionnel à la capacité de nuisance. Quelle est la valeur ajoutée de chacun N’aurait-il pas mieux valu tout mettre à plat et réétalonner les valeurs? A-t-on jamais vu un syndicat faire du volontariat, susciter l’engouement pour des cours de rattrapage, un syndicat fasciné par les nouvelles méthodes pédagogiques, un syndicat intéressé par l’amélioration de l’acte pédagogique au quotidien?
A-t-on vu des syndicats qui acceptent de se remettre en cause, au risque de s’aliéner «la base», en militant pour des traitements différentiés en fonction de l’effort de la productivité scientifique? Combien d’enseignants (e)s produisent de nouvelles méthodes d’enseignement, de nouveaux manuels? Combien publient dans des revues internationales? Même s’ils sont en petit nombre, s’il y a des récompenses, ce sont eux en premier qui seront à l’honneur et les premiers bénéficiaires. On l’aura compris, ce n’est pas dans un pays où un joueur de football gagne en une fois la somme de 6 enseignants du supérieur pendant leur 32 ans de carrière! On comprend de ce fait, cette surenchère qui a démarré il y a bien longtemps avec les traitements scandaleux (le mot n’est pas fort) des élus dont on se demande quelle est la valeur ajoutée.
Une équation insoluble
En fait en Algérie , nos syndicats sont interchangeables. Il n’y a pas de valeur ajoutée qui permettrait de penser à une singularité qui est celle de préserver l’intérêt supérieur de la formation des élites de demain. Au contraire, c’est la fuite en avant des jusqu’au-boutistes. Ceci dit, les revendications des enseignants sont peut-être légitimes, mais que chacun d’entre nous s’interroge en son âme et conscience sur ce qu’il apporte réellement à la collectivité.
A première vue, le titre de l’article est provocateur, il n’en n’est rien, il pose les termes de l’équation insolvable: pétrole versus peuple algérien. On dit souvent que le pétrole est une malédiction pour le peuple algérien. A plus d’un titre, nous allons montrer que ce n’est pas faux. En effet, depuis 1971, nous avons en moyenne extrait du sous-sol généreux de cette terre bénie, environ 2 milliards de tep, qui ont été responsables à des degrés divers d’une pollution de 4 milliards de tonnes de CO2 qui stationneront dans l’atmosphère encore pendant 120 ans.
Brève histoire du pétrole en Algérie: de 1960 à 1979 la production cumulée se montait à 6000 milliards de barils soit (850 millions de tep), le ratio Réserves-Production était de 20 ans. Malgré les découvertes annoncées à grand renfort de propagande, la situation actuelle est loin de rassurer, nous aurions près de 12 milliards de barils. Si on continue à ce rythme de production débridée de 1,5 million de barils/jour, nous aurons pour 8000 jours, soit une vingtaine d’années. De 1965 à 1978, l’Algérie a engrangé 25 milliards de dollars. Il y eut la création d’une trentaine d’entreprises d’envergure internationale dont la Sonatrach, la Sonelgaz et la Snvi ou ce qu’il en reste. De 1979 à 1991, c’est près de 125 milliards de dollars de rente. Cette époque est marquée par le programme antipénurie- l’importation massive de biens de consommation donnait à l’Algérien l’illusion qu’il était riche et appartenait à un pays développé; tragique erreur que la chute des prix du pétrole de 1986 est venue brutalement nous rappeler et le début de la démolition des pans entiers de l’industrie. Il est vrai, qu’un embryon d’autoroutes a été mis en place en même temps que la construction d’infrastructures éducatives et de l’enseignement supérieur qui a été démocratisé. De 199I à 1999 c’est encore près de 100 milliards de dollars. Cette période fut une période rouge. Depuis près de dix ans l’Algérie a engrangé plus de 250 milliards de dollars consacrés à deux plans, pour les infrastructures de base et à l’habitat. Il est cependant à noter que la restructuration -mondialisation oblige- a jeté sur le pavé des centaines de milliers de travailleurs par fermeture des derniers pans de ce qui faisait le savoir-faire algérien, faisant de l’Algérien actuel un handicapé qui ne sait plus rien faire puisqu’il s’en remet aux Chinois, aux Turcs, aux Français (pour une large part) pour se nourrir, s’habiller, rouler carrosse ou bavarder pour enrichir des opérateurs téléphoniques à coups de milliards de dollars qui appartiennent encore une fois aux générations futures.
La rente couvre toutes nos gabegies pour le moment.Que se passera-t-il après? Imaginons que nous sommes en 2030.
L’Algérie a épuisé sans discernement ses ressources, véritables défenses immunitaires. Ce sera le chaos, nous ferons partie de ce qu’on appelle les zones grises comme la Somalie actuelle. Tout ceci parce que nous n’avons pas de cap ni de stratégie vis-à-vis de nos partenaires qui nous sucent nos ressources sans contrepartie pérenne si ce n’est des dollars ou des euros qui s’effritent dans les banques ou qui s’évaporent du fait des couts exorbitants des produits finis que nous achetons.
A-t-on vu ces pays aider l’Algérie à investir dans le développement du pays, en aval pour la création d’usines; en fait, l’immense majorité se fait dans l’amont. Les multinationales, à titre d’exemple sont prêtes à investir dans les pipes et gazoducs, dans les usines de traitement du pétrole et du gaz en vue de leur exportation. On sait que 70% des exportations de pétrole et 90% de gaz naturel en provenance du Sud de la Méditerranée sont destinées à l’Europe. Cette région est donc un client quasi unique pour les exportateurs du Sud (Algérie, Libye et Egypte).
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