Retour sur un accord «mal négocié»
par Ghania Oukazi
L'Algérie se dit être la seule à payer lourdement les conséquences d'un accord qu'elle reconnaît en sourdine, avoir mal négocié. par Ghania Oukazi
«Ca ne marche pas très bien,» a lâché hier un haut responsable du commerce à ce sujet. Il estime que «le malaise est tel que presque si on ne veut pas le dénoncer.» Mais qu'est-ce qui empêcherait l'Algérie de le faire ? Et officiellement? «Parce qu'elle-même est fautive pour l'avoir mal négocié. En plus, la conclusion de cet accord a été faite dans la précipitation et c'est le président de la République en personne qui a obligé à le faire pour des considérations politiques que tout le monde connaît,» nous expliquent des responsables de la présidence de la République. Ces derniers persistent pour avouer que «l'accord ne profite qu'aux Européens.» Ils pensent aussi que «la part de marché des pays européens a été préservée en Algérie grâce à cet accord.» Les douanes algériennes, elles, ne sont pas joignables pour expliquer concrètement ce qui ne marche pas. Et même quand elles le sont, leurs secrétaires obligent au passage par un bureau de la communication dont les lignes téléphoniques sont occupées ou ne répondent jamais. «Vous n'avez qu'à voir les statistiques douanières et vous verrez que les importations algériennes de la zone européenne ont augmenté d'une manière fulgurante depuis la mise en application de l'accord,» nous disent des responsables. Ils rappellent que l'Algérie avait décidé de signer son accord, «ce qui voulait dire, expliquent-ils, qu'elle acceptait un démantèlement tarifaire alors qu'elle disait entreprendre une mise à niveau de ses entreprises, ce qui était paradoxale !» Pour nos interlocuteurs, «il n'était pas intelligent de signer un accord pour démanteler l'industrie et parler en même temps de mise à niveau de l'entreprise. L'état des lieux de la PME-PMI renseigne largement sur le caractère inepte de la décision. Comment dans ce cas, espérer une seule fois, pouvoir mettre cet accord au profit de l'économie du pays ?»
Du côté du commerce, on ne cache pas l'inutilité des réunions à venir entre les deux parties dont le MAE fait part. «Le conseil d'association qui doit se réunir en juin n'apportera rien du tout, les premiers conseils n'ont rien résolu, ils ont servi plutôt à la partie européenne pour exposer ses problèmes,» nous disent des hauts cadres. Il y aurait comme une grosse mésentente entre le ministère du Commerce et celui des Affaires étrangères. Le premier reproche au second d'avoir présenté au chef de l'Etat dès son intronisation à la présidence de la République, le dossier des négociations de l'accord avec l'UE sous le sceau de l'urgence.
«Il n'y avait pas d'urgence à signer l'accord»
«On aurait dû et pu le laisser traîner, il n'y avait aucune urgence à le signer,» disent nos sources. D'autant, avouent certains que «les Européens eux-mêmes nous demandaient si on avait des secteurs à protéger ou à mettre à niveau, qu'elle le dise et qu'elle les protège du démantèlement tarifaire, mais on n'a rien fait dans ce sens.» Au Commerce où on note que «les responsables disaient toujours qu'on n'était pas encore prêts pour signer», il est reproché au MAE «son rôle néfaste à avoir voulu conclure dans la précipitation» même si on reconnaît que «la performance de ce ministère ne se mesure qu'à travers les accords internationaux signés.»
En fait, tout se rapporte aux «orientations politiques qui étaient inexistantes,» disent nos sources. «On n'avait pas de chef de file. On avait un problème central de direction», disent les cadres. On en veut pour preuve, se plaignent-ils «alors que nous étions en pleines négociations, il nous a été demandé de signer avant la fin de l'année. Ce qui avait mis de fait, fin aux négociations.»
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