Annonce

Réduire
Aucune annonce.

L’économie marocaine face au blanchiment de l’argent*

Réduire
Cette discussion est fermée.
X
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • L’économie marocaine face au blanchiment de l’argent*

    L’économie marocaine face au blanchiment de l’argent*

    Al bayane, 21/05/2009





    La lutte contre ce fléau nécessite volonté politique, persévérance et

    détermination

    Le blanchiment de l’argent désigne le processus visant à réinjecter dans l’économie légale les profits provenant des trafics illicites. C’est parce qu’elles parviennent à blanchir les revenus des activités illicites que les organisations criminelles prospèrent. Dans un contexte bancaire et financier mondial marqué par une forte dématérialisation, les réseaux du crime organisé ne peuvent jouir des profits des trafics qu’à la condition de transformer les espèces qu’ils retirent de leurs activités en jeux d’écritures bancaires et comptables. Les organisations criminelles sont obligées de blanchir l’argent sale parce qu’elles ne peuvent pas disposer, en l’état, des masses de capitaux réunis. Ainsi, le blanchiment n’est pas une branche de l’activité des organisations criminelles. Il est la condition sine qua non de leur pérennité.

    Le blanchiment est conçu sur le modèle d’une véritable industrie à l’échelle planétaire. Il utilise des passeurs, des hommes de main, des centaines d’avocats d’affaires, des hommes politiques, c’est-à-dire un ensemble de compétences qui intervient d’un bout à l’autre de la chaîne de recyclage avec pour seul objectif que cet argent sente bon l’honorabilité
    Le chiffre d’affaires annuel de l’économie criminelle nourrie par les trafics illicites tels que celui de stupéfiants, d’êtres humains, d’animaux, d’armes, de produits pharmaceutiques frelatés, de la contrefaçon, d’alcool, de tabac, etc, dépasse 1000 milliards de dollars. La caisse noire s’enrichit chaque année d’au moins 100 milliards de dollars dans un contexte de mondialisation où les économies nationales sont prises dans une dynamique de globalisation de l’information, du commerce et de la finance, et où l’entrecroisement des flux transnationaux et de centres de décision conduisent à un marché unique des flux de marchandises et de capitaux.
    Bien sûr, plusieurs facteurs ont facilité le blanchiment. Nous citons : le secret bancaire érigé en règle sacro-sainte auquel s’ajoute l’existence des paradis fiscaux ; la faiblesse de contrôle sur les établissements financiers ; l’absence de lois dissuasives en la matière ; la faiblesse de la coopération internationale ; la disponibilité des moyens de communication et des informations sophistiquées.

    Les effets pervers du blanchiment

    Il est temps que les acteurs économiques prennent l’exacte mesure des effets du blanchiment sur les économies des Etats. En effet, le blanchiment déstabilise le secteur privé, porte atteinte à l’intégrité des marchés financiers, entraîne à terme la perte de contrôle de la politique économique, peut avoir des effets sur les monnaies et les taux d’intérêt, et, enfin, diminue les recettes fiscales de l’Etat.
    - Le blanchiment déstabilise le secteur privé. Les blanchisseurs utilisent des sociétés de façade (sociétés écran) qui mêlent le produit d’activités illicites à des fonds d’origine licite pour en dissimuler l’origine. Ainsi, des commerces de services tels des restaurants peuvent casser les prix du marché et évincer des entreprises du secteur privé.
    - Le blanchiment porte atteinte à l’intégrité des marchés financiers. D’importantes sommes d’argent blanchi parviennent à une institution financière avant de disparaître soudainement grâce à des virements télégraphiques, pour des raisons qui n’ont pas d’explication économique. Cette situation peut provoquer des problèmes de liquidité et des ruées vers les banques.
    - Le blanchiment entraîne à terme la perte de contrôle de la politique économique. Les activités de blanchiment représentent entre 2 et 5 % du PNB mondial soit au minimum 600 milliards de dollars. Dans des économies naissantes, ces gains illicites risquent d’éclipser le budget de l’Etat privant ainsi le gouvernement du contrôle de la politique économique.
    - Le blanchiment peut avoir des effets sur les monnaies et les taux d’intérêt lorsque les blanchisseurs réinvestissent leurs fonds dans des secteurs moins risqués mais avec des rendements moins importants. Il peut accroître les risques d’instabilité monétaire en raison de la mauvaise affectation des ressources résultant de distorsions artificielles des prix des biens et des produits de base, ce qui peut être à l’origine d’une instabilité économique. En effet, les blanchisseurs veulent avant tout protéger leurs biens ce qui les préoccupe plus que d’obtenir un bon rendement de leurs capitaux. Ils peuvent ainsi investir leurs fonds dans des activités qui ne sont pas nécessairement rentables pour le pays dans lequel se trouvent les capitaux. Ainsi, dans certains pays, des secteurs entiers comme le bâtiment et l’hôtellerie sont financés non pas en réponse à la demande mais en fonction des intérêts à court terme des blanchisseurs de capitaux. Lorsque ces secteurs cessent de les intéresser, ils les abandonnent causant ainsi leur effondrement et compromettant gravement l’économie de pays qui ne peuvent supporter économiquement de telles pertes.
    - Le blanchiment diminue les recettes fiscales de l’Etat (dans la mesure où le secteur informel croît beaucoup plus vite que le secteur structuré) et cause donc un préjudice indirect aux contribuables, ce qui se traduit par des taux d’imposition plus élevés. Le blanchiment génère pour la société des risques et des coûts importants. Il permet aux organisations criminelles de prospérer et grève les budgets des Etats qui sont contraints de consacrer des ressources importantes au recrutement d’agents en charge des poursuites.
    - Le blanchiment, grâce à une sortie subite de capitaux de l’économie, peut entrainer une aggravation du déséquilibre de la balance des paiements et une baisse des réserves extérieures.
    A terme, le blanchiment transfère le pouvoir économique du marché, de l’Etat et de la population aux organisations criminelles. Le blanchiment n’est pas un simple manquement à des lois, il menace en réalité la sécurité nationale et internationale.
    Ces considérations expliquent que la lutte contre le blanchiment ne peut être l’affaire des seules autorités publiques, elle nécessite la participation des personnes et des organismes exposés au risque de blanchiment.

    Le Maroc face au blanchiment des capitaux

    Le Maroc, de par sa position géographique et l’existence d’un vaste trafic de cannabis et de la cocaïne, provenant notamment de l’Amérique latine, n’est pas à l’abri de l’activité du blanchiment de l’argent. Son économie subit, de plein fouet, les effets et retombées négatives mentionnées auparavant.
    Les secteurs les plus exposés au blanchiment et qui constituent un abri pour l’argent sale et illicite demeurent sans conteste l’immobilier et le commerce. Ce qui a été à l’origine d’un vaste mouvement spéculatif immobilier et provoqué une flambée des prix impressionnante privant ainsi les couches populaires et les clases moyennes de leur droit d’accéder à un logement à des prix raisonnables.
    Qui plus est, les trafiquants de drogue et leur acabit déstabilisent non seulement les rouages économiques en portant atteinte au bon fonctionnement de l’économie, mais ils commencent à déstabiliser le pays à travers les deux pratiques suivantes :
    - l’implication directe ou indirecte de certains trafiquants de drogue dans des activités et réseaux terroristes. Les affaires traitées par la justice marocaine, ou celles qui sont en cours, démontrent cette imbrication ;
    - l’engagement des barons de la drogue et trafiquants de tous bords dans le champ politique. Qui font main basse sur les partis politiques, notamment au niveau des organisations locales. Qui investissent les instances nationales représentatives comme le parlement, en vue d’obtenir une immunité parlementaire pour se mettre à l’abri de toute poursuite judiciaire et défendre leurs intérêts de l’intérieur. Qui soutiennent des hommes de paille comme candidats de service. En définitive, ces trafiquants sont à l’origine de l’injection de l’argent sale dans le processus électoral et du dévoiement du processus démocratique. Ils contribuent largement à la pollution du champ politique et au discrédit de l’action politique et par conséquent à la désaffection des élections par de larges couches de la population.
    Partant de ces éléments qui montrent la gravité du blanchiment de l’argent non seulement sur l’économie, mais aussi sur la stabilité sociale à travers les fortes imbrications entre narcotrafiquants et terrorisme, le Maroc, a adopté dans le sillage de la dynamique internationale, une importante loi dédiée à la lutte contre le blanchiment, la loi 43-05.

    Suite
Chargement...
X