Ces géants pétroliers qui licencient en catimini
Les compagnies pétrolières étrangères en Algérie seraient en train de licencier. L’information donnée par les ouvriers des chantiers pétroliers dans le Sud a été confirmée par des cadres du secteur. « Je préparais mes valises pour regagner mon travail au Sud, lorsque j’ai reçu un mail me notifiant la fin de mon contrat… » Fouad, employé chez Schlumberger, n’en revient toujours pas. Prenant attache avec sa direction, on lui signifie alors qu’il est mis en « stand-by ». « Dans le mail, il m’était clairement expliqué que le groupe avait pris la décision de compresser les effectifs de l’entreprise à hauteur de 60% à travers le monde. » Fouad n’est pas le seul dans cette situation : un certain nombre de ses collègues ont eux aussi reçu la même notification de fin de relation de travail.
Un haut responsable à Sonatrach, qui préfère garder l’anonymat, nous a confirmé que « des compagnies pétrolières étrangères installées en Algérie procèdent bel et bien à des réductions d’effectifs allant de 10 à 30% ». Chez Halliburton Energy Services Algeria, deuxième leader mondial en services pétroliers, nous avons rencontré Fayçal, un ingénieur récemment renvoyé du forage où il travaillait. « Je suis victime de la crise mondiale », nous a-t-il confié. Les effets de la récession économique commenceraient-ils à se faire sentir en Algérie ? Pour certains experts, les groupes pétroliers, en anticipant la durée de la crise économique mondiale, ajustent dès à présent leur masse salariale en prévision du durcissement de la conjoncture.
Pour l’instant, la demande ne devrait connaître aucune variation, sinon vers le bas, selon un récent rapport de l’OPEP sur la perspective du marché pétrolier en 2009. La même organisation vient donc de revoir à la baisse la production mondiale, estimée à 1,2 million de barils en moins par jour, (soit 400 000 de plus que les 800 000 initialement estimés). Premières touchées : les firmes spécialisées dans l’exploration de nouveaux gisements et dépendant des compagnies productrices. « Parce que les perspectives ne sont pas bonnes, et que ces recherches nécessitent des investissements colossaux, parfois sans résultats probants », nous explique un cadre du secteur.
« Il faut bien faire la différence entre les compagnies de services pétroliers et les compagnies pétrolières, insiste Abdelmadjid Attar, ex- PDG de Sonatrach, aujourd’hui consultant dans les hydrocarbures, la chimie, l’hydraulique, et l’environnement. Les premières (Halliburton, Schlumberger, Kellog, Parker, Saïpem…), spécialisées dans l’engineering, la construction et le forage, sont victimes, au plan mondial, de la baisse du plan de charge des compagnies productrices, et en Algérie, du retard dans les appels d’offres depuis 2005. Les secondes (Exxon, Total ou Repsol) sont, elles, effectivement touchées par la crise économique puisqu’elles n’arrivent pas à vendre autant. Même si le prix du baril est encore largement suffisant pour couvrir les frais d’extraction et de traitement. Quand elles ont un large spectre d’activités, allant de la recherche à la distribution, elles sont tout de même surtout touchées en aval, à l’image des compagnies de services pétroliers. »
Ejectable
Si des compressions sont prévues à l’échelle mondiale, l’opération dégraissage se fait en catimini. Toujours selon le même conseiller, les majors du pétrole ont tout intérêt à agir dans la discrétion pour ne pas affoler le marché. Facteur aggravant, le secteur est connu pour son inaptitude à la communication. Pour rappel, le rapport 2008 de l’ONG Transparency International a récemment épinglé les compagnies pétrolières et gazières, mauvais élèves en matière de transparence.
En voulant vérifier les informations, nos coups de fil auprès des plus grandes compagnies — Anadarko Petroleum Corporation, Burlington, BHP Billiton, Halliburton — se sont soldés par des silences. Certaines nous ont même renvoyés vers leur siège à l’étranger en prétextant « ne pas être habilitées à répondre sur ces questions ». Il est de toute manière très difficile de confirmer statistiquement ces informations puisqu’il ne s’agit pas de plan de licenciement collectif. Fayçal, ingénieur chez Halliburton par exemple, a été renvoyé de son travail sans préavis vu qu’il arrivait au terme de son contrat à durée limitée. « Mais d’après mon contrat, précise-t-il, j’aurais dû être reconduit pour un nouveau CDD, tel que nous l’avions négocié. » En d’autres termes, les groupes ne « licencient » pas, au sens juridique du terme : ils jouent sur le volume des intérimaires, les CDD et les départs volontaires.
« Certaines compagnies étrangères optent pour une politique de ressources humaines malsaine, sans se soucier de l’avenir de leurs employés, car elles ne leur offrent aucun plan de carrière », insiste notre source chez Sonatrach. Résultat, même si les salaires sont intéressants pour la plupart des employés qui choisissent de travailler pour ces entreprises, ceux qui signent se retrouvent tout de même sur un siège éjectable, renvoyés à la moindre alerte. Ce qui n’arrive jamais dans les monarchies pétrolières du Golfe, où, à en croire certains rapports, les responsables appellent les compagnies privées à licencier uniquement les expatriés si elles devaient réduire le nombre des employés, compte tenu des salaires et autres avantages exceptionnels qu’ils perçoivent.
Par Mélanie Matarese, Zouheir Aït Mouhoub
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Les compagnies pétrolières étrangères en Algérie seraient en train de licencier. L’information donnée par les ouvriers des chantiers pétroliers dans le Sud a été confirmée par des cadres du secteur. « Je préparais mes valises pour regagner mon travail au Sud, lorsque j’ai reçu un mail me notifiant la fin de mon contrat… » Fouad, employé chez Schlumberger, n’en revient toujours pas. Prenant attache avec sa direction, on lui signifie alors qu’il est mis en « stand-by ». « Dans le mail, il m’était clairement expliqué que le groupe avait pris la décision de compresser les effectifs de l’entreprise à hauteur de 60% à travers le monde. » Fouad n’est pas le seul dans cette situation : un certain nombre de ses collègues ont eux aussi reçu la même notification de fin de relation de travail.
Un haut responsable à Sonatrach, qui préfère garder l’anonymat, nous a confirmé que « des compagnies pétrolières étrangères installées en Algérie procèdent bel et bien à des réductions d’effectifs allant de 10 à 30% ». Chez Halliburton Energy Services Algeria, deuxième leader mondial en services pétroliers, nous avons rencontré Fayçal, un ingénieur récemment renvoyé du forage où il travaillait. « Je suis victime de la crise mondiale », nous a-t-il confié. Les effets de la récession économique commenceraient-ils à se faire sentir en Algérie ? Pour certains experts, les groupes pétroliers, en anticipant la durée de la crise économique mondiale, ajustent dès à présent leur masse salariale en prévision du durcissement de la conjoncture.
Pour l’instant, la demande ne devrait connaître aucune variation, sinon vers le bas, selon un récent rapport de l’OPEP sur la perspective du marché pétrolier en 2009. La même organisation vient donc de revoir à la baisse la production mondiale, estimée à 1,2 million de barils en moins par jour, (soit 400 000 de plus que les 800 000 initialement estimés). Premières touchées : les firmes spécialisées dans l’exploration de nouveaux gisements et dépendant des compagnies productrices. « Parce que les perspectives ne sont pas bonnes, et que ces recherches nécessitent des investissements colossaux, parfois sans résultats probants », nous explique un cadre du secteur.
« Il faut bien faire la différence entre les compagnies de services pétroliers et les compagnies pétrolières, insiste Abdelmadjid Attar, ex- PDG de Sonatrach, aujourd’hui consultant dans les hydrocarbures, la chimie, l’hydraulique, et l’environnement. Les premières (Halliburton, Schlumberger, Kellog, Parker, Saïpem…), spécialisées dans l’engineering, la construction et le forage, sont victimes, au plan mondial, de la baisse du plan de charge des compagnies productrices, et en Algérie, du retard dans les appels d’offres depuis 2005. Les secondes (Exxon, Total ou Repsol) sont, elles, effectivement touchées par la crise économique puisqu’elles n’arrivent pas à vendre autant. Même si le prix du baril est encore largement suffisant pour couvrir les frais d’extraction et de traitement. Quand elles ont un large spectre d’activités, allant de la recherche à la distribution, elles sont tout de même surtout touchées en aval, à l’image des compagnies de services pétroliers. »
Ejectable
Si des compressions sont prévues à l’échelle mondiale, l’opération dégraissage se fait en catimini. Toujours selon le même conseiller, les majors du pétrole ont tout intérêt à agir dans la discrétion pour ne pas affoler le marché. Facteur aggravant, le secteur est connu pour son inaptitude à la communication. Pour rappel, le rapport 2008 de l’ONG Transparency International a récemment épinglé les compagnies pétrolières et gazières, mauvais élèves en matière de transparence.
En voulant vérifier les informations, nos coups de fil auprès des plus grandes compagnies — Anadarko Petroleum Corporation, Burlington, BHP Billiton, Halliburton — se sont soldés par des silences. Certaines nous ont même renvoyés vers leur siège à l’étranger en prétextant « ne pas être habilitées à répondre sur ces questions ». Il est de toute manière très difficile de confirmer statistiquement ces informations puisqu’il ne s’agit pas de plan de licenciement collectif. Fayçal, ingénieur chez Halliburton par exemple, a été renvoyé de son travail sans préavis vu qu’il arrivait au terme de son contrat à durée limitée. « Mais d’après mon contrat, précise-t-il, j’aurais dû être reconduit pour un nouveau CDD, tel que nous l’avions négocié. » En d’autres termes, les groupes ne « licencient » pas, au sens juridique du terme : ils jouent sur le volume des intérimaires, les CDD et les départs volontaires.
« Certaines compagnies étrangères optent pour une politique de ressources humaines malsaine, sans se soucier de l’avenir de leurs employés, car elles ne leur offrent aucun plan de carrière », insiste notre source chez Sonatrach. Résultat, même si les salaires sont intéressants pour la plupart des employés qui choisissent de travailler pour ces entreprises, ceux qui signent se retrouvent tout de même sur un siège éjectable, renvoyés à la moindre alerte. Ce qui n’arrive jamais dans les monarchies pétrolières du Golfe, où, à en croire certains rapports, les responsables appellent les compagnies privées à licencier uniquement les expatriés si elles devaient réduire le nombre des employés, compte tenu des salaires et autres avantages exceptionnels qu’ils perçoivent.
Par Mélanie Matarese, Zouheir Aït Mouhoub
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