Le nouveau plan de relance de 90 milliards de dollars (68,3 milliards d'euros), annoncé lundi 6 avril par le premier ministre japonais Taro Aso, n'y changera pas grand-chose : c'est un véritable effondrement que connaît le Japon, première économie asiatique.Les experts de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui sont les plus pessimistes sur son sort, lui prédisent un recul de son produit intérieur brut (PIB) de - 6,6 %. La banque HSBC parie, elle, sur - 6,5 %.
L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) escompte - 5,9 %. A titre de comparaison, le PIB des Etats-Unis, par lesquels la crise mondiale est arrivée, devrait régresser de - 4,4 %, selon l'OCDE. L'archipel nippon est donc confronté à la récession la plus sévère des pays industrialisés.La chute se révèle "monumentale", selon l'expression de Danielle Schweisguth, économiste à l'OFCE, dans les domaines de la production industrielle et des exportations. "Le Japon a enregistré une baisse de 40 % de la production industrielle en février, commente Mme Schweisguth. Une baisse qui n'avait jamais été atteinte, ni durant la crise de 1990 où elle avait plafonné à - 10 %, ni au moment de l'éclatement de la bulle Internet où elle avait atteint - 14 %, au pire moment."Les exportations ont suivi la même pente extraordinaire. "En glissement annuel en janvier, elles ont chuté de 50 %, ajoute-t-elle.
Au mois d'août 2008, le Japon a donc connu un premier déficit inédit de sa balance commerciale et, depuis le mois de novembre, celle-ci demeure déficitaire."Une situation inouïe pour le Japon, troisième exportateur mondial derrière l'Allemagne et la Chine, habitué à placer aisément et partout ses produits d'excellence. La mauvaise santé de la demande internationale et de la consommation domestique (- 1,9 % prévus en 2009) n'explique pas tout. "La monnaie japonaise a fait l'objet d'un "carry trade" : les spéculateurs s'endettaient en yens à cause des taux d'intérêts nippons très bas, pour ensuite placer cet argent en dollars australiens par exemple", explique Mme Schweisguth."Cela a fait monter le cours du yen, poursuit-elle.
Après la faillite de Lehman Brothers, en septembre 2008, la panique a saisi les opérateurs et le débouclage de leurs positions a fait s'apprécier le yen de 30 % en six mois. Comme le won sud-coréen s'est déprécié de 30 % au même moment, les produits japonais ont subi une perte de compétitivité phénoménale." Difficile de vendre autant d'écrans plats ou de voitures que par le passé, quand ils coûtent 60 % de plus que chez le voisin...Les autorités publiques n'ont guère de moyens de sauvetage à leur disposition. Certes, elles tentent d'éviter par la relance une nouvelle dégradation de la conjoncture nippone et leurs efforts budgétaires ont un certain effet, car l'OFCE a calculé que, sans eux, le recul du PIB en 2009 ne serait pas de - 5,9 %, mais de - 7,2 %.Mais le gouvernement ne peut faire beaucoup plus en raison de l'état des finances publiques : la dette atteint déjà 180 % du PIB et pourrait grimper à 200 % fin 2009, en raison des emprunts liés aux milliards de yens engloutis dans les plans de relance.
L'arme des taux est inutilisable, puisque la Banque du Japon les maintient proches de 0 % pour tenter de faire repartir l'investissement et la consommation. Quant à la baisse du cours du yen, à peine amorcée pour l'instant et qui redonnerait un peu de compétitivité aux exportateurs japonais, elle porte en germe une déflation dangereuse dont le pays vient de pâtir pendant une décennie.Autrement dit, le Pays du soleil levant risque de devoir assister en spectateur à la montée de son taux de chômage, qui passerait de 4 % à 6 %, et à la précarisation de ses salariés de plus en plus contraints au travail partiel."J'ai du mal à être optimiste pour l'avenir proche, conclut Mme Schweisguth. Le Japon ne dispose pas des ressources internes nécessaires pour repartir par ses propres forces. Il ne lui reste plus qu'à attendre le réveil de ses exportations, notamment à destination de son premier marché, la Chine, que l'on dit proche du redémarrage." Une paralysie humiliante pour la deuxième économie de la planète.
Alain Faujas (Le Monde)
L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) escompte - 5,9 %. A titre de comparaison, le PIB des Etats-Unis, par lesquels la crise mondiale est arrivée, devrait régresser de - 4,4 %, selon l'OCDE. L'archipel nippon est donc confronté à la récession la plus sévère des pays industrialisés.La chute se révèle "monumentale", selon l'expression de Danielle Schweisguth, économiste à l'OFCE, dans les domaines de la production industrielle et des exportations. "Le Japon a enregistré une baisse de 40 % de la production industrielle en février, commente Mme Schweisguth. Une baisse qui n'avait jamais été atteinte, ni durant la crise de 1990 où elle avait plafonné à - 10 %, ni au moment de l'éclatement de la bulle Internet où elle avait atteint - 14 %, au pire moment."Les exportations ont suivi la même pente extraordinaire. "En glissement annuel en janvier, elles ont chuté de 50 %, ajoute-t-elle.
Au mois d'août 2008, le Japon a donc connu un premier déficit inédit de sa balance commerciale et, depuis le mois de novembre, celle-ci demeure déficitaire."Une situation inouïe pour le Japon, troisième exportateur mondial derrière l'Allemagne et la Chine, habitué à placer aisément et partout ses produits d'excellence. La mauvaise santé de la demande internationale et de la consommation domestique (- 1,9 % prévus en 2009) n'explique pas tout. "La monnaie japonaise a fait l'objet d'un "carry trade" : les spéculateurs s'endettaient en yens à cause des taux d'intérêts nippons très bas, pour ensuite placer cet argent en dollars australiens par exemple", explique Mme Schweisguth."Cela a fait monter le cours du yen, poursuit-elle.
Après la faillite de Lehman Brothers, en septembre 2008, la panique a saisi les opérateurs et le débouclage de leurs positions a fait s'apprécier le yen de 30 % en six mois. Comme le won sud-coréen s'est déprécié de 30 % au même moment, les produits japonais ont subi une perte de compétitivité phénoménale." Difficile de vendre autant d'écrans plats ou de voitures que par le passé, quand ils coûtent 60 % de plus que chez le voisin...Les autorités publiques n'ont guère de moyens de sauvetage à leur disposition. Certes, elles tentent d'éviter par la relance une nouvelle dégradation de la conjoncture nippone et leurs efforts budgétaires ont un certain effet, car l'OFCE a calculé que, sans eux, le recul du PIB en 2009 ne serait pas de - 5,9 %, mais de - 7,2 %.Mais le gouvernement ne peut faire beaucoup plus en raison de l'état des finances publiques : la dette atteint déjà 180 % du PIB et pourrait grimper à 200 % fin 2009, en raison des emprunts liés aux milliards de yens engloutis dans les plans de relance.
L'arme des taux est inutilisable, puisque la Banque du Japon les maintient proches de 0 % pour tenter de faire repartir l'investissement et la consommation. Quant à la baisse du cours du yen, à peine amorcée pour l'instant et qui redonnerait un peu de compétitivité aux exportateurs japonais, elle porte en germe une déflation dangereuse dont le pays vient de pâtir pendant une décennie.Autrement dit, le Pays du soleil levant risque de devoir assister en spectateur à la montée de son taux de chômage, qui passerait de 4 % à 6 %, et à la précarisation de ses salariés de plus en plus contraints au travail partiel."J'ai du mal à être optimiste pour l'avenir proche, conclut Mme Schweisguth. Le Japon ne dispose pas des ressources internes nécessaires pour repartir par ses propres forces. Il ne lui reste plus qu'à attendre le réveil de ses exportations, notamment à destination de son premier marché, la Chine, que l'on dit proche du redémarrage." Une paralysie humiliante pour la deuxième économie de la planète.
Alain Faujas (Le Monde)
Commentaire