Boualem Sansal : "Union du Maghreb arabe, la fin d’un rêve"
jeudi 26 février 2009 (17h29)
Chronique de Boualem Sansal sur Mediaterranee.com
Le 17 février ne dit sans doute rien à personne. Et pour cause, il ne représente rien, c’est un jour de l’année comme les autres. Si les choses avaient été différemment, ce jour aurait été l’occasion d’une magnifique célébration dans tout le Maghreb. On imagine en premier une rencontre au sommet, largement médiatisée dans tout le Maghreb et sûrement aussi dans toute l’Afrique et l’Europe. Des décisions importantes auraient été annoncées, le contexte difficile de 2009, marqué par une crise économique mondiale gravissime, l’aurait exigé. On imagine ensuite de très nombreuses réunions d’experts tenues dans toutes les capitales du Maghreb, portant sur différents thèmes importants touchant à la culture, l’économie, la sécurité, la science, la technologie, les institutions, l’eau, la désertifica-tion, la formation, etc.
On aurait vu à la télé de nombreuses rencontres sportives, se déroulant dans telle ou telle autre ville du Maghreb. On aurait vu enfin, des milliers de citoyens maghrébins se rendre dans l’un ou l’autre pays du Maghreb pour y passer le week-end, visiter leurs familles ou leurs amis. Bref, on aurait fièrement célébré ce 17 février 2009 qui est passé totalement inaperçu, comme d’ailleurs le furent tous les 17 février des années précédentes.
Il faut le savoir, ce 17 février 2009 était la date du 20ème anniversaire de l’Union du Maghreb. 20 ans, c’est un cap important pour un homme comme pour une institution. C’est en effet le 17/2/1989 à Marrakech que fut proclamée la fondation de l’UMA, regroupant les 5 pays du Maghreb.
Qu’on y pense un peu, aujourd’hui plus de la moitié de la population du Maghreb a moins de vingt ans, elle est née dans l’UMA et elle ne le sait pas. En Europe, c’est à l’école primaire qu’on apprend que l’on a deux foyers, son pays et l’Europe. Un tel anniversaire, s’il avait été considéré avec l’importance qu’il mérite, aurait été l’occasion d’abord une formidable fête pour la jeunesse.
Pour les institutions, c’était le moment de dresser le bilan et de marquer le départ d’une nouvelle étape dans l’intégration du Maghreb, rendue nécessaire et par les évolutions radicales que la crise économique impose à tous et par le fait que nos pays, sauf la Libye, ont intégré un espace plus grand, l’espace méditerranée dans le cadre de l’union pour la Méditerranée, espace dans lequel il faut maintenant se battre pour y tenir toute sa place.
Au lieu de cela, nous avons la situation actuelle, d’une tristesse absolue, que l’on ne peut même pas imaginer dans un rassemblement de républiques bananières.
Au sommet nous avons des chefs d’Etat qui s’ignorent ou qui passent leur temps à se dénigrer. 4 chefs d’Etat sur 5 sont des dictateurs accrochés au pouvoir comme des sangsues. Kadhafi à son habitude regarde ailleurs, après avoir acheté le titre de roi des rois des Touaregs, voilà qu’il rêve de construire les Etats-Unis d’Afrique dont évidemment il se voit le grand leader.
Bouteflika et Benali, pourtant âgés et malades, ne s’emploient qu’à prolonger leur petit pouvoir autocratique et le nouveau pouvoir en Maurétanie, issu d’un putsch, est rejeté par la communauté internationale.
Les institutions maghrébines tournent toutes au ralenti. On imagine le désarroi des cadres, certainement de très grande valeur qui travaillent en leur sein. Ils doivent sûrement se demander ce qu’ils peuvent bien faire dans cette galère qui ne va nulle part.
Les échanges commerciaux entre les pays du Maghreb sont au même point qu’il y a 20 ans, soit 3% de leurs échanges exté-rieurs.
La frontière terrestre entre l’Algérie et le Maroc est toujours fermée. Ainsi le veut, Bouteflika qui reste sourd aux appels au bon sens lancés par les peuples de la région et par la communauté internationale.
La seule coopération qui semble fonctionner est la coopération dans le domaine sécuritaire, et encore faut-il imputer cette relative réussite aux Européens et aux Américains, qui exercent une pression constante sur nos gouvernements.
Arrivés à ce stade, la seule chose intelligente à faire est de proclamer officiellement la dissolution de l’UMA. Au moins, nous sortirions de l’hypocrisie à laquelle s’adonnent nos gouvernements qui chantent l’union sacrée sur l’air de la fraternité et qui en sous-mains la sapent au nom d’intérêts personnels et claniques étroits. Au plan international, personne n’est dupe, l’UMA n’a aucun crédit, elle ne représente rien.
L’erreur a été commise au début, il était fou de croire que des régimes de dictature, par nature irrespectueux du droit et de la légalité, donc incapables de tenir des engagements à long terme, soient capables de promouvoir les valeurs de démocraties et de progrès que chez eux ils combattent avec acharnement.
La réélection déjà assurée de Bouteflika, en avril 2009 pour un troisième mandat, celle de Benali en novembre 2009 pour un cinquième mandat, le maintien assuré de Kadhafi ou éventuellement la reprise du pouvoir par son fils, et le coup d’Etat en Mauritanie, le 6 août 2008, montrent assez que l’UMA n’a aucune chance de repartir du bon pied. Il faudra attendre leur disparition et leur remplacement par des chefs d’Etat démocratiquement élus pour se remettre à y croire.
http://www.mediaterranee.com/Rubriq...
jeudi 26 février 2009 (17h29)
Chronique de Boualem Sansal sur Mediaterranee.com
Le 17 février ne dit sans doute rien à personne. Et pour cause, il ne représente rien, c’est un jour de l’année comme les autres. Si les choses avaient été différemment, ce jour aurait été l’occasion d’une magnifique célébration dans tout le Maghreb. On imagine en premier une rencontre au sommet, largement médiatisée dans tout le Maghreb et sûrement aussi dans toute l’Afrique et l’Europe. Des décisions importantes auraient été annoncées, le contexte difficile de 2009, marqué par une crise économique mondiale gravissime, l’aurait exigé. On imagine ensuite de très nombreuses réunions d’experts tenues dans toutes les capitales du Maghreb, portant sur différents thèmes importants touchant à la culture, l’économie, la sécurité, la science, la technologie, les institutions, l’eau, la désertifica-tion, la formation, etc.
On aurait vu à la télé de nombreuses rencontres sportives, se déroulant dans telle ou telle autre ville du Maghreb. On aurait vu enfin, des milliers de citoyens maghrébins se rendre dans l’un ou l’autre pays du Maghreb pour y passer le week-end, visiter leurs familles ou leurs amis. Bref, on aurait fièrement célébré ce 17 février 2009 qui est passé totalement inaperçu, comme d’ailleurs le furent tous les 17 février des années précédentes.
Il faut le savoir, ce 17 février 2009 était la date du 20ème anniversaire de l’Union du Maghreb. 20 ans, c’est un cap important pour un homme comme pour une institution. C’est en effet le 17/2/1989 à Marrakech que fut proclamée la fondation de l’UMA, regroupant les 5 pays du Maghreb.
Qu’on y pense un peu, aujourd’hui plus de la moitié de la population du Maghreb a moins de vingt ans, elle est née dans l’UMA et elle ne le sait pas. En Europe, c’est à l’école primaire qu’on apprend que l’on a deux foyers, son pays et l’Europe. Un tel anniversaire, s’il avait été considéré avec l’importance qu’il mérite, aurait été l’occasion d’abord une formidable fête pour la jeunesse.
Pour les institutions, c’était le moment de dresser le bilan et de marquer le départ d’une nouvelle étape dans l’intégration du Maghreb, rendue nécessaire et par les évolutions radicales que la crise économique impose à tous et par le fait que nos pays, sauf la Libye, ont intégré un espace plus grand, l’espace méditerranée dans le cadre de l’union pour la Méditerranée, espace dans lequel il faut maintenant se battre pour y tenir toute sa place.
Au lieu de cela, nous avons la situation actuelle, d’une tristesse absolue, que l’on ne peut même pas imaginer dans un rassemblement de républiques bananières.
Au sommet nous avons des chefs d’Etat qui s’ignorent ou qui passent leur temps à se dénigrer. 4 chefs d’Etat sur 5 sont des dictateurs accrochés au pouvoir comme des sangsues. Kadhafi à son habitude regarde ailleurs, après avoir acheté le titre de roi des rois des Touaregs, voilà qu’il rêve de construire les Etats-Unis d’Afrique dont évidemment il se voit le grand leader.
Bouteflika et Benali, pourtant âgés et malades, ne s’emploient qu’à prolonger leur petit pouvoir autocratique et le nouveau pouvoir en Maurétanie, issu d’un putsch, est rejeté par la communauté internationale.
Les institutions maghrébines tournent toutes au ralenti. On imagine le désarroi des cadres, certainement de très grande valeur qui travaillent en leur sein. Ils doivent sûrement se demander ce qu’ils peuvent bien faire dans cette galère qui ne va nulle part.
Les échanges commerciaux entre les pays du Maghreb sont au même point qu’il y a 20 ans, soit 3% de leurs échanges exté-rieurs.
La frontière terrestre entre l’Algérie et le Maroc est toujours fermée. Ainsi le veut, Bouteflika qui reste sourd aux appels au bon sens lancés par les peuples de la région et par la communauté internationale.
La seule coopération qui semble fonctionner est la coopération dans le domaine sécuritaire, et encore faut-il imputer cette relative réussite aux Européens et aux Américains, qui exercent une pression constante sur nos gouvernements.
Arrivés à ce stade, la seule chose intelligente à faire est de proclamer officiellement la dissolution de l’UMA. Au moins, nous sortirions de l’hypocrisie à laquelle s’adonnent nos gouvernements qui chantent l’union sacrée sur l’air de la fraternité et qui en sous-mains la sapent au nom d’intérêts personnels et claniques étroits. Au plan international, personne n’est dupe, l’UMA n’a aucun crédit, elle ne représente rien.
L’erreur a été commise au début, il était fou de croire que des régimes de dictature, par nature irrespectueux du droit et de la légalité, donc incapables de tenir des engagements à long terme, soient capables de promouvoir les valeurs de démocraties et de progrès que chez eux ils combattent avec acharnement.
La réélection déjà assurée de Bouteflika, en avril 2009 pour un troisième mandat, celle de Benali en novembre 2009 pour un cinquième mandat, le maintien assuré de Kadhafi ou éventuellement la reprise du pouvoir par son fils, et le coup d’Etat en Mauritanie, le 6 août 2008, montrent assez que l’UMA n’a aucune chance de repartir du bon pied. Il faudra attendre leur disparition et leur remplacement par des chefs d’Etat démocratiquement élus pour se remettre à y croire.
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