La traduction arabe de deux livres disparus d'Apollonius de Perge, grande figure des mathématiques hellénistiques, a été retrouvée dans la bibliothèque de l'université néarndlaisede Leyde, révélant le rôle clé des érudits arabes médiévaux dans la transmission des savoirs de l'Antiquité.
Mathilde Ragot Publié le 12/02/2025 à 7h47
Mathématicien grec de l'Antiquité, Apollonius de Perge (~262-190 av. J.-C.) est célèbre pour ses travaux en géométrie, notamment l'étude des ellipses, paraboles et hyperboles. L'œuvre majeure de celui qui est surnommé le "Grand Géomètre", Coniques, a été redécouverte à la Renaissance et a ainsi joué un rôle clé dans le développement des mathématiques modernes. Seulement, les savants européens n'ont pas eu accès à ses huit volumes. Les livres V et VII étaient – jusqu'à présent – considérés comme égarés en Occident.
Un nouveau volume intitulé Prophets, Poets and Scholars, comprenant des contributions d'une cinquantaine de chercheurs et bibliothécaires, est récemment paru à l'occasion de l'ouverture de la nouvelle Bibliothèque du Moyen-Orient à Leyde (Pays-Bas). Or, y est annoncée la découverte de la traduction des deux livres mathématiques perdus d'Apollonius de Perge, dans un manuscrit arabe, conservé à l'université de Leyde depuis quatre siècles. Des textes qui jettent un nouvel éclairage sur la transmission des savoirs scientifiques entre le monde grec et la civilisation islamique médiévale.
Trésor oublié dans la collection de Golius
Le texte en question a été rapporté à l'université de Leyde par l'orientaliste et mathématicien néerlandais Jacob Golius (1596-1667), parmi l'nsemble de près de 200 manuscrits orientaux qu'il a acquis lors de ses voyages au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
De ces travaux d'érudits arabes médiévaux, il tirera par ailleurs son œuvre la plus importante, Lexicon Arabico-Latinum (1653), un monumental dictionnaire arabe-latin de référence.
La traduction arabe d'Apollonius, nouvellement découverte dans la collection de Jacob Golius, est qualifiée de "fascinante" par Jan Pieter Hogendijk, mathématicien et historien des sciences néerlandais.
Dans un communiqué de l'université de Sharjah (Émirats arabes unis), il souligne qu'outre son contenu scientifique rigoureux, elle est ornée d'illustrations en couleur et rédigée dans une calligraphie arabe soignée. "Ces manuscrits témoignent des capacités intellectuelles, de la discipline et du pouvoir de concentration des scientifiques et des scribes de l'époque", souligne-t-il.
À la croisée des savoirs grec et islamique
La mise au jour de ces textes dans les archives relance les recherches sur la transmission des mathématiques grecques au monde arabo-musulman. Durant l'âge d'or islamique (VIIIe-XIIIe siècles), de nombreux textes grecs sont traduits, étudiés et commentés par des savants de I'Islam médiévale, comme Al-Kindi, Al-Fârâbî ou encore Alhazen. Des transcriptions enrichies qui, en plus d'offrir des aperçus uniques sur les réalisations intellectuelles de la civilisation islamique (mathématiques, astronomie, géographie) de l'époque, ont permis la préservation et la transmission des savoirs antiques.
Malgré la richesse des collections conservées par des institutions occidentales, comme la Bibliothèque nationale de France (BnF) et la British Library de Londres (Angleterre), de nombreux manuscrits restent sous-exploités, déplorent des experts dans la communication. Le manque de spécialistes maîtrisant l'arabe, le persan et le turc, notamment, freine l'étude approfondie de ces trésors scientifiques. "Une collaboration plus étroite entre chercheurs occidentaux et arabes, ainsi que des efforts de numérisation et d'accessibilité, permettraient de mieux [les] exploiter", notent-ils.
Un regain d'intérêt pour ces documents se manifeste toutefois à travers de nouvelles initiatives, à l'image d'un récent atelier organisé à l'université de Sharjah. Les participants en ont appris davantage sur l'abjad, système d'écriture consonantique utilisé par les scientifiques musulmans en combinaison avec le système sexagésimal, encore employé aujourd'hui pour mesurer le temps et les angles. Des efforts qui pourraient à terme ouvrir "de nouvelles perspectives sur le rôle fondamental [de ces érudits du monde arabo-musulman] dans le développement du savoir mondial".
Mathilde Ragot Journaliste rédactrice web Histoire GEO.fr
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