Extrait de :
Halte à la mort des Langues
C. Hagège
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On dit d’ordinaire qu’une langue est morte lorsqu’elle n’a plus d’usagers (ou « locuteurs », en termes plus techniques). Mais il existe bien des façons, pour une langue, d’être morte. Ainsi, il y a fort longtemps que le latin et le grec ont cessé d’être parlés. Pourtant, en France, ils parmi les matières d’enseignement. L’administration scolaire les appelle « langues anciennes », le grec étant justement dit « classique » (par opposition au grec d’aujourd’hui, qui est dit « moderne », et qui se parle). Les élèves peuvent choisir le grec classique et le latin au même titre que les langues dites vivantes, alors qu’il s’agit de langues mortes au sens très simple qui vient d’être donné.
C’est que le statut du latin et du grec classique leur donne, en France et dans les autres pays de langue romane (Italie, Espagne, Portugal, Roumanie), une place particulière dans la culture. En effet, le français est historiquement issu du latin pour l’essentiel, et du grec pour une part importante du vocabulaire savant. La présence de ces langues anciennes dans l’enseignement officiel tel que le dispensent de nombreux États est l’indice d’une continuité au moins symbolique, sinon réelle.
Pour éclairer encore ce qu’il faut exactement entendre par « mort d’une langue », je rappellerai à grands traits l’histoire du latin. Mais à côté de cet exemple révélateur, il en existe d’autres à travers le monde, et je montrerai que dans chaque cas, il s’agit d’une langue certes disparue de l’usage, mais néanmoins douée de prestige, et regardée comme part inaliénable de la culture. Un autre cas, enfin, mérite également un examen. C’est celui de l’arabe littéraire, lui aussi enseigné dans les écoles de tous les pays concernés, et pourtant absent de la communication quotidienne. Qui soutiendrait que l’arabe littéraire est une langue morte ? Et qui, néanmoins, affirmerait qu’on peut l’entendre parler par des locuteurs ordinaires, dans n’importe quel pays arabe ? Telles sont les situations, riches en enseignements sur ce qu’est une langue morte, par lesquelles il paraît opportun de commencer cette étude.
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Halte à la mort des Langues
C. Hagège
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On dit d’ordinaire qu’une langue est morte lorsqu’elle n’a plus d’usagers (ou « locuteurs », en termes plus techniques). Mais il existe bien des façons, pour une langue, d’être morte. Ainsi, il y a fort longtemps que le latin et le grec ont cessé d’être parlés. Pourtant, en France, ils parmi les matières d’enseignement. L’administration scolaire les appelle « langues anciennes », le grec étant justement dit « classique » (par opposition au grec d’aujourd’hui, qui est dit « moderne », et qui se parle). Les élèves peuvent choisir le grec classique et le latin au même titre que les langues dites vivantes, alors qu’il s’agit de langues mortes au sens très simple qui vient d’être donné.
C’est que le statut du latin et du grec classique leur donne, en France et dans les autres pays de langue romane (Italie, Espagne, Portugal, Roumanie), une place particulière dans la culture. En effet, le français est historiquement issu du latin pour l’essentiel, et du grec pour une part importante du vocabulaire savant. La présence de ces langues anciennes dans l’enseignement officiel tel que le dispensent de nombreux États est l’indice d’une continuité au moins symbolique, sinon réelle.
Pour éclairer encore ce qu’il faut exactement entendre par « mort d’une langue », je rappellerai à grands traits l’histoire du latin. Mais à côté de cet exemple révélateur, il en existe d’autres à travers le monde, et je montrerai que dans chaque cas, il s’agit d’une langue certes disparue de l’usage, mais néanmoins douée de prestige, et regardée comme part inaliénable de la culture. Un autre cas, enfin, mérite également un examen. C’est celui de l’arabe littéraire, lui aussi enseigné dans les écoles de tous les pays concernés, et pourtant absent de la communication quotidienne. Qui soutiendrait que l’arabe littéraire est une langue morte ? Et qui, néanmoins, affirmerait qu’on peut l’entendre parler par des locuteurs ordinaires, dans n’importe quel pays arabe ? Telles sont les situations, riches en enseignements sur ce qu’est une langue morte, par lesquelles il paraît opportun de commencer cette étude.
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