Extrait de :
Génèse de l'Algérie algérienne
C-Robert Agéron
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[...] Sans doute, la littérature politique a-t-elle signalé sous le nom d’« évolués » ceux qui se désignaient plus volontiers comme Jeunes-Algériens, mais il apparaît généralement aux auteurs les plus sûrs que ces évolués ne peuvent être groupés en mouvement d’opposition de caractère moderne avant les années 1930. L’ouvrage célèbre de Ferhat Abbas Le Jeune-Algérien, paru en 1931, a visiblement servi de point de repère, encore qu’il s’agisse seulement d’un recueil d’articles de presse parus entre 1921 et 1930.
Nous voudrions montrer ici que ce mouvement d’émancipation politique est, en réalité, plus ancien et bien antérieur au centenaire de l’Algérie et que son importance, dès avant la 1e Guerre mondiale, n’était point négligeable, puisqu’il est à l’origine des réformes algériennes de 1918-1919. Quant à son orientation politique, il nous appartiendra de la définir face aux opinions radicalement contradictoires des contemporains et des divers milieux intéressés. Même en l’absence relative de documents d’archives publiques, il nous a paru possible, par une très large lecture, d’arriver à une vision précise et objective de ce mouvement Jeune-Algérien, si curieusement méconnu.
La présente étude s’arrêtera aux années 1923-24, au moment où l’émir Khaled, figure centrale de l’Algérie musulmane de ce temps, fut contraint de s’exiler et où l’action revendicative menée par les Jeunes-Algériens semblait bloquée, en Algérie du moins. L’histoire du mouvement ne finit pas là, mais, au-delà d’une phase d’asphyxie, c’est une nouvelle période qui commence, couronnée par l’action de la Fédération des élus indigènes (1927-1937).
Le point de départ est évidemment plus difficile à fixer, surtout si l’on refuse de prendre pour critère l’apparition du vocable Jeune-Algérien. Or l’expression fut employée d’abord – pendant les années 1895-1900 – pour désigner les juifs évolués et francisés : on opposait alors aux Vieux-Turbans juifs – aux juifs traditionalistes – les Jeunes-Algériens. Mais, quant aux musulmans, les premiers renseignements concernant l’activité des « évolués » remontent à l’année 1900. Certes on ne parlait pas encore de Jeunes-Algériens, mais ces musulmans algériens pénétrés de culture française n’en existaient pas moins. Des observateurs attentifs n’allaient pas tarder à les reconnaître.
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