Tandis que les nomades Sahariens constituaient dans l’O. et le Centre du Maghreb un empire aussi vaste qu’éphémère, des événements, qui devaient avoir des conséquences plus durables, se déroulaient dans les régions orientales : en 1050, l’année même où Ibn Yāssīne commençait ses prédications chez les Lemtouna du Sahara occidental, prédications qui furent à l’origine même de la puissance almoravide, des tribus arabes nomades, issues de Hilāl pénétraient en Ifriqiya. De ces deux faits historiques qui eurent pour cadre les deux extrémités du Maghreb, le premier fut un mouvement religieux qui donna naissance à un Etat issu du désert mais qui, s’étendant vers le N., fit connaître aux chameliers voilés les délices de la civilisation andalouse. Le second fut une migration, d’origine politique, affectant des tribus entières, comparable à celle des peuples germaniques qui, un demi-millénaire plus tôt, avaient mis fin à la domination romaine en Occident ; mais pour les Beni Hilal il ne s’agissait pas, à proprement parler, d’une conquête. Il n’était pas dans l’intention de ces Bédouins de créer des Etats, ce dont ils n’avaient aucune conception ; la seule organisation sociale qu’ils connaissaient était la tribu, elle-même subdivisée en clans lignagers qui n’étaient pas toujours solidaires entre eux.
[...] En trois générations, l’Empire almoravide croît, brille et s’éteint ; en moins de trois siècles, les Hilaliens font triompher leur genre de vie et réussissent, sans l’avoir désiré, à arabiser, linguistiquement et culturellement, la plus grande partie d’une Berbérie qui ne mérite plus son nom. De ce mouvement, qui amena les tribus arabes jusqu’au bord de l’Atlantique, leurs descendants ont gardé, neuf siècles plus tard, un souvenir vivace entretenu par la récitation d’une véritable chanson de geste, la Sira al Hilaliya, que les éditeurs modernes ont popularisée sous le nom de Geste des Beni Hilal. Dans ce corpus très riche, parce que populaire et en perpétuel développement, on peut distinguer plusieurs traditions et cycles dont seule la Taghriba (la Marche vers l’Ouest) intéresse vraiment l’ancienne Berbérie. Comme on s’en doute, les récits retenus par les meddah, ces aèdes modernes, présentent de nombreuses versions dans lesquelles se glissent parfois de savoureux anachronismes qui, s’ils surprennent l’historien, révèlent du moins la vitalité de la Geste.
On ne peut s’empêcher d’établir quelque comparaison entre cette geste arabe encore si vivante et notre Chanson de Roland qui, très tôt fixée par l’écrit, s’est progressivement effacée de notre mémoire collective. Or, au moment même où les tribus hilaliennes se répandaient dans le Sud tunisien et que se constituaient les premiers chants de la Sira, la Chanson de Roland était récitée par les barons normands qui s’apprêtaient à combattre à Hastings (1066) !
Nombreux sont les érudits français et maghrébins qui recueillirent les différentes versions de la Geste des Beni Hilal. Dès 1865, l’interprète militaire L. Féraud transmettait quelques fragments de récits tels qu’ils étaient rapportés dans une région aussi peu arabisée que les monts Babors. L’intérêt que portent, non sans quelque exagération, les chercheurs modernes à la tradition orale, parée de toutes les vertus, explique le flot d’éditions et d’études qui, au cours des vingt dernières années, furent consacrées à la Geste hilalienne. Actuellement nous possédons des récits provenant de régions aussi diverses et éloignées que sont le Sahel tunisien et les Beni Snassen, les Beni Chougran et Khenchela, Biskra et la Kabylie orientale, le S. tunisien et les environs d’Oran. La Geste a même traversé le Sahara ; des fragments en sont encore récités dans le Bornou, le Kanem, l’Ouaday, le Kordofan et le Darfour. Tous ces récits appartiennent à un cycle, celui de la Marche vers l’Ouest des Hilaliens. Suivant les versions, l’éclairage est dirigé vers tel ou tel héros, mais dans toutes, la figure de Djazya apparaît au grand jour.
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[...] En trois générations, l’Empire almoravide croît, brille et s’éteint ; en moins de trois siècles, les Hilaliens font triompher leur genre de vie et réussissent, sans l’avoir désiré, à arabiser, linguistiquement et culturellement, la plus grande partie d’une Berbérie qui ne mérite plus son nom. De ce mouvement, qui amena les tribus arabes jusqu’au bord de l’Atlantique, leurs descendants ont gardé, neuf siècles plus tard, un souvenir vivace entretenu par la récitation d’une véritable chanson de geste, la Sira al Hilaliya, que les éditeurs modernes ont popularisée sous le nom de Geste des Beni Hilal. Dans ce corpus très riche, parce que populaire et en perpétuel développement, on peut distinguer plusieurs traditions et cycles dont seule la Taghriba (la Marche vers l’Ouest) intéresse vraiment l’ancienne Berbérie. Comme on s’en doute, les récits retenus par les meddah, ces aèdes modernes, présentent de nombreuses versions dans lesquelles se glissent parfois de savoureux anachronismes qui, s’ils surprennent l’historien, révèlent du moins la vitalité de la Geste.
On ne peut s’empêcher d’établir quelque comparaison entre cette geste arabe encore si vivante et notre Chanson de Roland qui, très tôt fixée par l’écrit, s’est progressivement effacée de notre mémoire collective. Or, au moment même où les tribus hilaliennes se répandaient dans le Sud tunisien et que se constituaient les premiers chants de la Sira, la Chanson de Roland était récitée par les barons normands qui s’apprêtaient à combattre à Hastings (1066) !
Nombreux sont les érudits français et maghrébins qui recueillirent les différentes versions de la Geste des Beni Hilal. Dès 1865, l’interprète militaire L. Féraud transmettait quelques fragments de récits tels qu’ils étaient rapportés dans une région aussi peu arabisée que les monts Babors. L’intérêt que portent, non sans quelque exagération, les chercheurs modernes à la tradition orale, parée de toutes les vertus, explique le flot d’éditions et d’études qui, au cours des vingt dernières années, furent consacrées à la Geste hilalienne. Actuellement nous possédons des récits provenant de régions aussi diverses et éloignées que sont le Sahel tunisien et les Beni Snassen, les Beni Chougran et Khenchela, Biskra et la Kabylie orientale, le S. tunisien et les environs d’Oran. La Geste a même traversé le Sahara ; des fragments en sont encore récités dans le Bornou, le Kanem, l’Ouaday, le Kordofan et le Darfour. Tous ces récits appartiennent à un cycle, celui de la Marche vers l’Ouest des Hilaliens. Suivant les versions, l’éclairage est dirigé vers tel ou tel héros, mais dans toutes, la figure de Djazya apparaît au grand jour.
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