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Géographie économique du Maghreb du 9e au 12e siècles

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  • Géographie économique du Maghreb du 9e au 12e siècles

    [Extrait d'Article]

    [...]

    Les zones d'élevage et de polyculture

    II est difficile de délimiter des zones véritablement spécialisées dans la culture de telle ou telle plante. Tout au plus peut-on distinguer des nuances selon les régions. Il s'agit le plus souvent d'une économie ď autoconsommation où les échanges, très limités, s'effectuent dans le cadre de marchés hebdomadaires. Dans la vallée du Chélif, à Suq Karam, à al-Ghuzza, les cultivateurs échangent leurs produits avec ceux des montagnards de l'Ouarsenis et du Dahra. Les marchés de ce genre sont nombreux en Algérie à la limite de la steppe et au Maroc. Ils ont très souvent donné naissance à des villages où se perpétue la tradition du marché et qui portent le nom d'une tribu ou d'un personnage « célèbre » : Sūq al-Huçayn, Sūq Maghrâwa, Sūq Kutâma... Ont-ils en partiedéterminé le tracé de certaines routes commerciales ? La route d'Aghmât à Fès au 11e siècle traverse les marchés de Dây, Sūq Fencour et Mâsina. Ils peuvent aussi faire l'objet d'une rotation régionale jour par jour : c'est le cas dans la vallée du Draa et le long de la route de Bougie à la Qal'a où ils ont laissé leur nom à la, localité : Sūq al-Ahad, Sūq al-Khamîs, Suq al-Ithnayn ... etc. Étant donné l'insécurité qui règne dans cette région, les marchés sont des postes fortifiés qui peuvent servir de refuges. Des échanges à plus grande échelle peuvent s'organiser. Ainsi, au Xe siècle, les habitants de Fès, Bassra, Aghmât et le Sous entretiennent des rapports commerciaux avec les Barghawâta [...]. Seules les régions « spécialisées » ou proches d'une capitale participent à un trafic plus important. Les foires au Maghreb sont rares. Il en existe dans quelques ribats et Azîla a un marché hebdomadaire, vestige d'une ancienne foire qui a peut-être été à l'origine de la ville.

    L'importance de l'élevage et de la culture des céréales indique bien le manque de spécialisation de la plupart des régions, typique d'une économie de subsistance.

    L'élevage constitue l'activité essentielle des nomades du S. : « Les troupeaux de chameaux des Lamtouna forment toute leur richesse. » Certains vont estiver très loin vers le N., tels les Mezâta et Darissa qui viennent autour de Bâghâya alors que pendant l'hiver ils se tiennent dans la région des sables où il ne tombe ni pluie ni neige, ne voulant pas exposer aux rigueurs de cette saison les jeunes chameaux qui viennent de naître. Plus au N., le chameau est élevé pour servir de moyen de transport sur de longs parcours et sur les pistes méridionales, mais en montagne et sur de petits parcours — entre Kairouan et Qalchâna par exemple — , l'animal utilisé est l'âne. Le cheval est plus rarement utilisé pour le transport des marchandises. Les Maghrâwa, Maçmûda et Ghumâra des environs de Tétouan et des bords du Laou l'élèvent pour leurs expéditions guerrières et c'est sans doute à l'armée que sont destinés les chevaux de la région de Qamuda et de Bône. Nous savons qu'en 893 l'aghlabide Ibrahim II enleva aux Berbères du Qamūda leurs chevaux, peut-être pour monter sa garde noire, et que les armées hammâdides et zîrides auraient compté, au total, 30.000 cavaliers, mais on ignore d'où provenaient les chevaux. Ce sont les chèvres et moutons qui sont les plus nombreux, en particulier sur le plateau de Barqa, la côte de Tripolitaine, les steppes au S. de Kairouan et dans les régions montagneuses. L'élevage est peu pratiqué dans un but commercial. Il permet pourtant l'exportation de produits bruts (laines et peaux de Cyrénaïque et de Tripolitaine) et alimente certaines industries en matières premières. Dans toutes les régions d'élevage du mouton, la laine sert à la fabrication de textiles souvent réputés : étoffes du djebel Nafûsa, de Gafça et du Djerîd, de Noul ... etc. Les moutons de Yerara sont d'une belle race que l'on dit être celle de Kis, endroit situé dans le pays de Fârs. Leur laine, qui est d'une qualité supérieure, s'emploie à Sidjilmâsa pour fabriquer des étoffes dont chaque pièce se vend à un prix qui dépasse 20 mithqâls. L'élevage permet aussi l'industrie du cuir à Zawîla, Ghadamès et Gabès. Seuls les habitants de la côte N., nous le verrons, élèvent des bovins afin d'exporter des produits laitiers.

    Les céréales sont très répandues mais peu exportées. Très souvent les auteurs arabes signalent des moulins sur les bords des oueds et ruisseaux. [...] Les céréales sont cultivées, non sans difficulté, jusque dans les oasis. Au Djerîd, cette culture est insignifiante, mais à Waddân, Zawîla et Tessâwa on cultive le millet. Dans ces régions et, d'une façon générale, dans le S. de l'Algérie et dans une zone allant du Mzab au Djerîd, on ne peut cultiver que des céréales pauvres, à la rigueur de l'orge comme à Bâdis, grâce à l'irrigation. Seule Sidjilmâsa fait exception et produit beaucoup de blé. Elle exporte ses céréales à Awdaghost où elles se vendent à raison de 6 mithqâls le quintaux car le blé, planté à la houe, est rare. La principale zone productrice de céréales est le N. de l'Algérie et le N.-O. de la Tunisie actuelle. Tous les villages traversés par les marchands allant de Kairouan à Msîla par Tîfâch produisent du blé et de l'orge. Il en est de même pour ceux qui jalonnent la route par Baghâya bien que l'irrigation soit nécessaire vers l'O. Le bas cours de l'oued Mellègue et la vallée de la Medjerda, le Fahç Boll (anc. Bulla Regia), la région d'al-Anssariyya et surtout Bâdja surnommée « le grenier de l'Ifrîqiya », produisent du blé en abondance. Tous les jours il arrive de Béja plus de 1.000 chameaux et autres bêtes de somme destinés à transporter des approvisionnements de grain. Cette zone est la seule qui soit véritablement spécialisée dans la production de céréales, car elle bénéficie de conditions climatiques plus favorables que le reste de l'Ifrîqiya.

    Avec la conquête musulmane et la fondation de Kairouan a été créé un débouché nouveau pour les produits de la vallée de la Medjerda. Profitant de conditions climatiques favorables et d'une longue tradition, les nouveaux souverains ont vraisemblablement encouragé la spécialisation de la vallée de la Medjerda dans la production de blé et d'orge, les autres régions ne cultivant les céréales que pour la consommation locale. Au 12e siècle, de nombreuses localités autour de Salé, Meknès ainsi que les ports atlantiques produiront des céréales destinées au ravitaillement des grandes villes marocaines, mais aussi à l'exportation par mer vers l'Espagne. L'unification du Maroc, la conquête progressive du littoral O., la multiplication des relations entre les deux tronçons de l'Empire almoravide et la demande constante de vivres de l'Espagne ont pu contribuer à la mise en valeur de la plaine atlantique et à sa spécialisation dans la production de céréales, production d'ailleurs bien adaptée aux conditions climatiques de cette zone.
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    ​ La côte algérienne n'est pas ce que l'on peut appeler une « zone spécialisée », mais les agriculteurs s'orientent de préférence vers l'élevage des bovins et des abeilles et vers les cultures fruitières. Autour des villes, des pasteurs élèvent des moutons et des bœufs sur les premières pentes de l'Atlas Tellien, ce qui permet, dès le 10e siècle, l'exportation de laitages, beurre et viandes vers les régions voisines et Kairouan. Plus à l'O., les ports disposent de plaines plus larges et peuvent expédier, outre les produits de l'élevage, des céréales vers l'Espagne. La côte algérienne est aussi une zone d'élevage des abeilles. Bône, Djidjelli, Alger, Barachk, Oran, Mâzûna exportent du miel au 12e siècle et sans doute bien avant cette date. Mais c'est surtout une zone de production des fruits. Elle n'est pas la seule : les fruits sont abondants en Ifrîqiya, dans la région de Fès, la vallée de l'Inawan, le S. du Maroc. Certains villages tels que Sétif, Tébessa, Niqâwus où le climat est rude sont spécialisés dans la production de fruits de montagne, en particulier de noix destinées au marché de Kairouan ou même à l'exportation vers l'Orient. Mais c'est sur la côte algérienne que les fruits sont les plus abondants, en particulier les coings, les figues et la vigne. On récolte à Barachk et à Ténès des coings dits « farâsî » vantés par Ibn-Hawqal. Cette culture a pénétré vers l'intérieur, dans la vallée du Chélif, à Tâhert et jusqu'à Msîla qui les expédie vers Kairouan. Autre spécialité du littoral algérien : les figues. Marsâ d-Dadjâdj et Alger les envoient vers Kairouan et ailleurs. On en trouve également à Taount, au S. de Ténès et, au 12e siècle, à Bougie et Cherchel. Elles sont expédiées sèches ou en pâte : à Tâdjanna, on fait une espèce de pâte en forme de brique et portant le nom de brique (tûb) dont on remplit des cabas. On peut ajouter à cette liste la culture de la vigne dans la vallée du Chélif et sur le littoral, en particulier à Bougie où Ibn-Tûmart s'indigne de trouver des marchands de vin. Cette production répond aux sollicitations de deux marchés : d'une part, et surtout pour les ports à l'O. de Bône jusqu'à Alger, celui de Kairouan, d'autre part, celui de l'Espagne qui, malgré sa réputation de richesse, a toujours besoin d'un complément de denrées alimentaires et dont les marins stimulent au 10e siècle par leur passage, l'agriculture et l'élevage d'une région jusque-là pratiquement autonome sur le plan économique.

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    Dernière modification par Harrachi78, 06 septembre 2021, 18h52.
    "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

  • #2
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    Les zones spécialisées

    Seules quelques régions sont véritablement orientées vers la culture, sinon exclusive, du moins dominante, d'un seul produit, ce qui laisse deviner un certain nombre de courants d'échange.

    Le Maroc a le monopole de certaines cultures : les productions de canne à sucre de Gabès, Djalûla et Ceuta étant peu importantes, le Souss en a le quasi-monopole. Nous ne savons à quelle date cette culture s'y est implantée. Ibn-Hawqal est le premier à nous la signaler. Au 11e siècle, la production est abondante. On peut supposer qu'il a été très tôt exporté vers l'Ifrîqiya, peut-être ensuite vers l'Espagne. Les installations sucrières du Souss, difficilement datables mais sans doute postérieures au 12e siècle, présentent toujours les mêmes subdivisions : installation hydraulique, « salle des machines », « salle de cuisson ». Sont-elles identiques aux sucreries des 10e et 11e siècles ? Le Maroc est aussi la principale région productrice de coton. Carthage, Msîla et Tobna envoient au 10e siècle leur coton vers Kairouan, mais la culture de cette plante est aussi concentrée dans le N. du Maroc, à Qurt, Mâsina et Bassra, au S. de Fès, puis, à la fin de l'époque almoravide, à Sidjilmâsa et surtout Dây et Tâdala. Il est probable qu'il sert d'abord à alimenter les industries textiles de Fès puis de Marrakech ou Aghmât. Il est aussi exporté : au 10e siècle, le coton de Bassra est exporté vers Kairouan et autres lieux ; deux siècles plus tard, presque tous les tissus de coton dont on fait usage dans le Maghreb occidental se font avec le coton venu de Dây et Tâdala. Est-il envoyé à Tlemcen ? Vestige d'un ancien climat tropical, l'arganier, arbre épineux dont le fruit donne de l'huile, n'existe que dans la région ď Aghmât et du Sous. Il s'agit là d'un produit de consommation locale.

    Les oasis produisent du carvi, du cumin, du henné, mais surtout des dattes. Bien adapté aux conditions de l'agriculture dans ces régions, le palmier dattier ne peut être que difficilement adapté plus au N. Sidjilmâsa, en raison de son commerce avec le S., est la seule oasis où il n'est pas la principale culture : le Tafilalet produit aussi des céréales et des raisins qui, verts ou mûrs, sont desséchés avant d'être exportés. A Adjdâbiya ou à Aghmât, les dattes couvrent les besoins de la population. Dans d'autres régions, au Fezzan et à Awdjila, elles constituent le principal objet de commerce des indigènes. La totalité de la production du Djerîd et du Mzab est réservée au marché ifrîqiyen, en premier lieu à Kairouan. [...] Ubayd Allah le Fâtimide fit accaparer pour son usage toutes les récoltes de liarî — variété de dattes — de Biskra et donna l'ordre aux officiers qui administraient cette province d'empêcher la vente et de les lui envoyer. Si cette anecdote est exacte, elle montre bien l'emprise de Kairouan sur des régions pourtant éloignées et laisse supposer une organisation économique rigoureuse visant à assurer le ravitaillement de la capitale.

    L'Ifrîqiya associe à une polyculture intensive autour de Kairouan — fruits, céréales du Fahç ad-Darrâra — des productions très localisées destinées en partie au ravitaillement de la capitale, en partie à l'exportation. Elle appartient, dans sa partie N.-O., à la « zone du blé », au S. et au S.-O. s'étendent les oasis du Djerîd et du Mzab, au N. de Gafça les régions d'élevage du Qamuda. Elle possède le monopole de la culture du safran puisqu'il n'est cultivé que dans la vallée de l'oued Mellègue et ses environs : à Obba, Lâribus, Madjâna puis Sabîba. Ce produit était destiné à l'industrie textile de Kairouan et à l'exportation puisqu'il figure sur les documents de la Genizah du Caire.

    Cultivé dans le Souss, la région de Fès, le djebel Nafûsa et le littoral tripolitain, l'olivier est surtout abondant en Ifrîqiya ; dans le Mzab et la région de Maqqara, il se substitue au palmier dattier, et toute la région entre Kairouan et Sfax en est couverte. Chaque village a son pressoir qui donne une huile de qualité médiocre, mais à Sfax, les olives échaudées et malaxées donnent une huile réputée, mais dont la production est variable selon les années. Il y a donc en Ifrîqiya une juxtaposition de zones spécialisées, et on peut ajouter à cette liste les productions spéciales à certaines villes : pistaches de Gafça, figues de Madhkûd et Qalchâna, fleurs de Djalûla, fruits de Tunis, élevage du ver à soie à Gabès ... etc. Toute l'Ifrîqiya contribue au ravitaillement de la capitale en denrées alimentaires et produits destinés à ses industries.

    [...] L'Ifrîqiya semble prospère au début du 11e siècle, son agriculture bien organisée autour du marché de Kairouan est capable de fournir un fret de retour non négligeable pour les produits venus d'Orient. Cependant, le pays subit régulièrement des crises cycliques accompagnées de famines qui entraînent la nécessité d'acheter du blé en Sicile. Déjà, à l'époque aghlabide, l'Ifrîqiya avait connu de telles famines et ce n'est pas là le fait principal. Il semble que la crise qui s'amorce dans l'État zîride dans les années 1016-1020 ait touché le monde rural, et les campagnes sont troublées. Trente ans plus tard, l'invasion hilâlienne bouleverse le pays. La Cyrénaïque et la Tripolitaine n'ont été qu'une zone de passage, mais des nomades sont restés au Fezzan, dans les environs de Zawîla, Holl, Sebha, Tadjirfet et les villages entre le djebel Nafûsa et Zawîla ne sont plus mentionnés, et les plantations autour de Waddân commencent à disparaître. Le littoral de Tripolitaine, en particulier les environs de Tripoli et la plaine de Soubijiïn, est le plus éprouvé. La situation est identique en Ifrîqiya. Quelle est la part exacte prise par les nomades dans la ruine des campagnes ? Les renseignements manquent pour certaines régions, en particulier celle que traversaient les deux routes principales de Kairouan à la Qal'a. Gafça, Taqiyûs et sans doute tout le Djerîd ont été épargnés. Parfois les Berbères se réfugient dans la montagne, abandonnant la plaine aux Arabes : c'est ce qui se passe dans la région de Zaghouan. Parfois aussi, à Constantine par exemple, ils traitent avec les envahisseurs. Mais le bilan de l'invasion est lourd : tributs imposés par les Arabes, repli des villes derrière leurs murailles, destructions dans le Sahel et le Qamuda, la décadence de ces zones étant accélérée par le manque d'entretien du système d'irrigation. Pour al-Idrîsî, il n'y a aucun doute : les responsables de cette situation sont les Hilâliens. Mais il est possible, comme le souligne J. Poncet, que le pays ait eu à souffrir des bandes de pillards, gens sans travail et sans terre, soldats en rupture de ban, profitant de la situation créée par l'arrivée des nomades. En outre, le ziride Tamîm aurait provoqué des destructions autour de Gabès et de Sfax lors des sièges de 1081 et 1099. Le désarroi est total en Ifrîqiya où le droit de propriété a subi de graves atteintes. Certains paysans, obligés de moissonner prématurément et en hâte à l'aide d'une main-d'œuvre supplémentaire, demandent en vain la déduction sur la zakât des frais supplémentaires ainsi occasionnés. Toute la vie rurale est perturbée, le nomadisme a sans doute fait des progrès dans la steppe, les échanges interrégionaux, gênés par les Arabes et les pillards, diminuent considérablement. Un siècle après l'invasion hilâlienne, la situation n'a pratiquement pas évolué en Ifrîqiya. A l'autre extrémité du Maghreb, la mise en valeur du Maroc se poursuit avec la multiplication des villages autour de Meknès et Salé, le développement de la culture du coton et de celle des céréales sur la côte atlantique.

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    "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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    • #3
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      Conclusion

      Malgré leurs lacunes, les textes des auteurs arabes des 9e-12e siècles nous permettent de voir le rôle de l'Afrique du Nord dans le monde musulman, les aspects positifs de la conquête musulmane et l'évolution des différentes régions :

      - C'est surtout l'Ifrîqiya qui a joué un rôle dans l'ensemble économique musulman. Elle transmet vers l'O. les influences orientales et redistribue vers l'Espagne les produits d'Orient. Au 12e siècle, elle sert aussi de relais entre la Chrétienté et l'Orient, et ses ports tendent à devenir de simples ports de transit.

      - Depuis la conquête musulmane, trois modifications essentielles se sont produit : l'Ifrîqiya n'est plus une province tournée vers la Méditerranée, elle s'est intégrée au continent africain et ceci se marque par l'établissement de routes vers le monde noir. Le processus de sédentarisation et de mise en valeur des terres se poursuit, en particulier au Maroc. Enfin, l'urbanisation a progressé.
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      L'évolution économique du Maghreb du 9e au 12e siècle peut être divisée en quatre périodes. Cette division a été faite surtout en fonction de l'évolution des activités artisanales et commerciales, ce qui ne saurait faire oublier que l'Afrique du Nord est avant tout un pays rural.

      1) Au 9e siècle, le pays est divisé en trois ensembles économiques. L'Ifrîqiya s'organise : débuts du trafic maritime avec l'E., de l'industrie « de luxe » influencée par l'Orient, politique de développement et de contrôle de l'activité agricole avec la construction des réservoirs du Qamuda.

      2) Dans un deuxième temps, Kairouan contrôle efficacement les échanges E.-O. et tente de se subordonner toute l'économie nord-africaine. Elle fait appel à un arrière-pays très étendu pour son ravitaillement et ses industries et contrôle pour la première fois une route de commerce vers le S., par Sidjilmâsa. Conséquence de cette politique : le début de la formation d'un réseau routier étoile autour de Kairouan et la complication des routes entre l'E. et l'O. du Maghreb.

      3) Après l'abandon de Fès par le ziride Buluggîn en 986, l'Afrique du Nord est scindée en deux parties dont l'évolution économique diffère. La seule modification importante pour l'Ifrîqiya est sans doute l'acceptation de l'intermédiaire des Ibâdites et la multiplication des échanges avec le S. par Ouargla. A l'O., un axe économique N.-S. s'établit dès la fin du 10e siècle, le Maroc servant d'intermédiaire entre l'Espagne et le monde noir. Ceci se traduit par la multiplication des routes venant de Fès et de Sidjilmâsa vers la côte N. du Maroc où viennent les Espagnols.

      4) La désintégration du réseau routier à l'intérieur de l'Ifrîqiya après 1050 montre bien que toute l'activité économique est désormais concentrée sur la côte. Au Maroc, toute la région O. est devenue primordiale, le commerce avec le S. n'a pas décliné, l'urbanisation a progressé, et, occupant le Maghreb jusqu'à Tlemcen, c'est toute la zone « utile » de l'Afrique du Nord qu'ont tenue les Almoravides. Après le 9e siècle, en dépit de la tentative fâtimide d'intégration de l'O. maghrébin au système économique centré sur l'Ifrîqiya, il y a eu divergence dans les destinées économiques des deux parties de l'Afrique du Nord. Au 12e siècle, l'unité économique n'est pas faite, malgré l'unification politique due aux Almohades.

      [Fin]
      "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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      • #4
        Merci pour cette excellente lecture. 9a permet de mieux situer le monde de l’Afrique du nord dans ses origines.

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        • #5
          Yep ! C'est le genre de matières qu'on est sensés rechercher et ingurgiter lorsqu'on souhaite mieux voir et mieux comprendre comment les choses se présentaient dans le passé et ainsi mieux cerner comment on est devenus aujourd'hui.
          "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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