Le retour à l’État de droit doit se faire si l’on veut qu’il continue de régir nos sociétés dites démocratiques et qu’il survive à la crise que nous traversons.
Par Doriane de Lestrange.
Cela fait désormais plus d’un an que la population française, à l’instar de ses voisins européens et de bon nombre de pays à travers le monde, est privée de certaines de ses libertés les plus élémentaires sous couvert d’état d’urgence sanitaire.
Officiellement instauré pour la première fois durant le premier des confinements par la loi du 23 mars 2020, l’état d’urgence sanitaire avait d’abord été prolongé jusqu’à juillet 2020.
Une loi organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire avait alors mis en place un régime transitoire qui autorisait le gouvernement à prendre des mesures exceptionnelles jusqu’à la fin du mois d’octobre suivant pour faire face à l’épidémie.
Le 17 octobre 2020, l’état d’urgence sanitaire était à nouveau instauré par décret sur tout le territoire français. Il avait été prolongé une première fois par le vote d’une loi mi-novembre 2020.
La loi du 15 février 2021 l’a prorogé une nouvelle fois jusqu’au 1er juin prochain.
On le sait, le gouvernement serait en train de travailler à une sortie de l’état d’urgence sanitaire : un projet de loi est attendu en Conseil des ministres le 28 avril et à la mi-mai à l’Assemblée nationale.
S’il peut paraître anodin de le rappeler, l’état d’urgence sanitaire est une « mesure exceptionnelle » pouvant être décidée en Conseil des ministres et prolongée par la loi en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril la santé de la population.
Et pourtant, après plus d’une année d’application, ladite mesure n’a en réalité plus rien d’exceptionnel. En outre, si elle est aussi exceptionnelle et dérogatoire qu’on nous le dit, l’on peut s’étonner qu’il faille passer par une procédure aussi complexe que le vote d’une nouvelle loi pour en sortir…
Les promesses de retour à la normale et les annonces d’assouplissement des restrictions ont été si nombreuses depuis le mois de mai 2020 et si peu respectées, qu’il semble que d’un régime d’exception nous soyons passés à un état pérenne dont le gouvernement peine lui-même à sortir.
Et pourtant, le retour à la normale, c’est-à-dire à l’État de droit, doit désormais se faire si l’on veut que ce dernier continue de régir nos sociétés dites démocratiques et qu’il survive à la crise que nous traversons, car au regard des défaillances des États européens et de l’Union européenne elle-même, cette crise est loin d’être terminée.
À défaut d’action du gouvernement en ce sens, c’est certainement la population elle-même qui finira par se charger de remettre la vie et l’économie du pays en marche, avec tous les débordements, abus, et épisodes de chaos que l’on imagine sans peine et que l’on voit déjà fleurir en Europe.
S’il semble devenu classique de lister les bonnes raisons de maintenir l’isolement et la vie économique et sociale au ralenti, il n’en est pas moins aisé – bien que d’aucuns l’aient oublié – de citer de nombreuses justifications à un retour à la normale.
LE RETOUR À L’ÉTAT DE DROIT EST UNE URGENCE
Statistiquement d’une part. Les chiffres, rois des journaux télévisés depuis un an, sont clairs et une lecture a contrario permet bien souvent une vue différente des choses : il est désormais incontestable que la maladie laisse vivre plus de 99 % des personnes l’ayant contractée ; nous n’oserons pas faire ici la comparaison avec les taux de décès induits par la peste ou la grippe espagnole en leur temps…
Comment donc justifier de telles atteintes aux libertés fondamentales si ce n’est, non pas par le danger, certes évident, que le Covid représente, mais surtout pour pallier la faillite constante des ministres de la Santé qui se succèdent depuis vingt ans et qui ont allègrement grignoté les budgets hospitaliers, précarisant toujours davantage le secteur de la santé devenu quasiment incapable de faire face ne serait-ce qu’aux épidémies annuelles de grippe, que tous semblent d’ailleurs avoir oublié cette année.
La gestion calamiteuse du plan de vaccination est d’ailleurs une illustration supplémentaire de l’incompétence qui règne de manière générale en la matière.
LE RETOUR À L’ÉTAT DE DROIT POUR RESTAURER LES LIBERTÉS ÉCONOMIQUES
Économiquement ensuite. Est-il encore nécessaire d’expliquer pourquoi ? Si les nombreux décès réellement provoqués par le virus sont une tragédie ayant touché presque tout le monde, d’aucuns considèrent que l’ampleur de la tragédie économique qui s’annonce est sans commune mesure.
Secteurs économiques sinistrés dans leur ensemble, chômage de masse, précarisation de l’emploi, crise financière et de la dette. Les prévisions des économistes sont quasi unanimement pessimistes, voire alarmistes.
C’est sans compter les aspects sociaux qui vont de pair avec une telle crise. Les inégalités sociales n’ont pas été aussi marquées depuis des décennies : que ce soit en termes d’instruction (école à la maison, accès aux nouvelles technologies, retards et décrochages scolaires qui s’amoncellent), de violences domestiques, de solitude des personnes âgées qui se meurent aussi, ne l’oublions pas, de l’isolement qui leur est imposé.
ÉVITER LA MALADIE, REFUSER LA MORT
Philosophiquement enfin. La crise qui dure pose véritablement la question de la place de la mort et de la maladie dans nos sociétés modernes. Que dire de gouvernants et d’une partie de la population qui n’acceptent pas l’idée que, dans une certaine mesure bien entendu, la maladie soit un risque inhérent à la vie humaine, et que la mort en soit le terme inévitable vers lequel chacun de nous chemine inexorablement ?
Ce refus de la possibilité de souffrir ou de mourir sans en contrôler la cause justifie-t-il que l’on sacrifie toute une génération ? Cette vision humaniste héritée des Lumières et par laquelle l’Homme utilise sa raison pour se déterminer lui-même, refusant l’idée de se laisser transcender par quoi que ce soit, n’est-elle pas en train d’atteindre ses propres limites ?
Le philosophe André Comte-Sponvile, qui a osé poser ces questions très tôt, aura d’ailleurs tantôt récolté l’ire des tenants de l’argument sanitaire et tantôt l’approbation de ceux qui osent encore poser la question.
Il semble parallèlement que l’on soit définitivement entré dans l’absurdité alors qu’après une année d’auto-restriction pour sauver principalement nos aînés, l’on décide aujourd’hui d’examiner une proposition de loi visant à permettre leur euthanasie.
CE N’EST PLUS UN ÉTAT D’URGENCE OU D’EXCEPTION
Si nous pourrions énumérer encore bien des raisons de restaurer l’État de droit, ces dernières nous semblent suffisamment illustrer combien les termes urgence et exceptionnel sont largement galvaudés et ce depuis de longs mois.
L’application de ces notions peut-elle en toute logique s’étaler sur une période aussi longue sans leur faire perdre tout leur sens ? Le manque d’adhésion croissant de la population pour les mesures décrétées par le gouvernement n’en est-il d’ailleurs pas une parfaite illustration ?
La lassitude a bien gagné la population qui ne se sent plus dans une situation d’urgence mais bien dans un état de fait pérenne qui perdure depuis trop longtemps. Notre Constitution et notre tradition politique de ces deux derniers siècles ne sont-elles pourtant pas basées sur les principes de la démocratie plutôt que sur ceux de la bureaucratie, de la technocratie ou encore de l’oligarchie ?
Si les promesses faites par le gouvernement venaient une fois de plus à ne pas être tenues, il sera bientôt permis de se demander si nous ne sommes pas en passe de changer de modèle.
contrepoints
Par Doriane de Lestrange.
Cela fait désormais plus d’un an que la population française, à l’instar de ses voisins européens et de bon nombre de pays à travers le monde, est privée de certaines de ses libertés les plus élémentaires sous couvert d’état d’urgence sanitaire.
Officiellement instauré pour la première fois durant le premier des confinements par la loi du 23 mars 2020, l’état d’urgence sanitaire avait d’abord été prolongé jusqu’à juillet 2020.
Une loi organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire avait alors mis en place un régime transitoire qui autorisait le gouvernement à prendre des mesures exceptionnelles jusqu’à la fin du mois d’octobre suivant pour faire face à l’épidémie.
Le 17 octobre 2020, l’état d’urgence sanitaire était à nouveau instauré par décret sur tout le territoire français. Il avait été prolongé une première fois par le vote d’une loi mi-novembre 2020.
La loi du 15 février 2021 l’a prorogé une nouvelle fois jusqu’au 1er juin prochain.
On le sait, le gouvernement serait en train de travailler à une sortie de l’état d’urgence sanitaire : un projet de loi est attendu en Conseil des ministres le 28 avril et à la mi-mai à l’Assemblée nationale.
S’il peut paraître anodin de le rappeler, l’état d’urgence sanitaire est une « mesure exceptionnelle » pouvant être décidée en Conseil des ministres et prolongée par la loi en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril la santé de la population.
Et pourtant, après plus d’une année d’application, ladite mesure n’a en réalité plus rien d’exceptionnel. En outre, si elle est aussi exceptionnelle et dérogatoire qu’on nous le dit, l’on peut s’étonner qu’il faille passer par une procédure aussi complexe que le vote d’une nouvelle loi pour en sortir…
Les promesses de retour à la normale et les annonces d’assouplissement des restrictions ont été si nombreuses depuis le mois de mai 2020 et si peu respectées, qu’il semble que d’un régime d’exception nous soyons passés à un état pérenne dont le gouvernement peine lui-même à sortir.
Et pourtant, le retour à la normale, c’est-à-dire à l’État de droit, doit désormais se faire si l’on veut que ce dernier continue de régir nos sociétés dites démocratiques et qu’il survive à la crise que nous traversons, car au regard des défaillances des États européens et de l’Union européenne elle-même, cette crise est loin d’être terminée.
À défaut d’action du gouvernement en ce sens, c’est certainement la population elle-même qui finira par se charger de remettre la vie et l’économie du pays en marche, avec tous les débordements, abus, et épisodes de chaos que l’on imagine sans peine et que l’on voit déjà fleurir en Europe.
S’il semble devenu classique de lister les bonnes raisons de maintenir l’isolement et la vie économique et sociale au ralenti, il n’en est pas moins aisé – bien que d’aucuns l’aient oublié – de citer de nombreuses justifications à un retour à la normale.
LE RETOUR À L’ÉTAT DE DROIT EST UNE URGENCE
Statistiquement d’une part. Les chiffres, rois des journaux télévisés depuis un an, sont clairs et une lecture a contrario permet bien souvent une vue différente des choses : il est désormais incontestable que la maladie laisse vivre plus de 99 % des personnes l’ayant contractée ; nous n’oserons pas faire ici la comparaison avec les taux de décès induits par la peste ou la grippe espagnole en leur temps…
Comment donc justifier de telles atteintes aux libertés fondamentales si ce n’est, non pas par le danger, certes évident, que le Covid représente, mais surtout pour pallier la faillite constante des ministres de la Santé qui se succèdent depuis vingt ans et qui ont allègrement grignoté les budgets hospitaliers, précarisant toujours davantage le secteur de la santé devenu quasiment incapable de faire face ne serait-ce qu’aux épidémies annuelles de grippe, que tous semblent d’ailleurs avoir oublié cette année.
La gestion calamiteuse du plan de vaccination est d’ailleurs une illustration supplémentaire de l’incompétence qui règne de manière générale en la matière.
LE RETOUR À L’ÉTAT DE DROIT POUR RESTAURER LES LIBERTÉS ÉCONOMIQUES
Économiquement ensuite. Est-il encore nécessaire d’expliquer pourquoi ? Si les nombreux décès réellement provoqués par le virus sont une tragédie ayant touché presque tout le monde, d’aucuns considèrent que l’ampleur de la tragédie économique qui s’annonce est sans commune mesure.
Secteurs économiques sinistrés dans leur ensemble, chômage de masse, précarisation de l’emploi, crise financière et de la dette. Les prévisions des économistes sont quasi unanimement pessimistes, voire alarmistes.
C’est sans compter les aspects sociaux qui vont de pair avec une telle crise. Les inégalités sociales n’ont pas été aussi marquées depuis des décennies : que ce soit en termes d’instruction (école à la maison, accès aux nouvelles technologies, retards et décrochages scolaires qui s’amoncellent), de violences domestiques, de solitude des personnes âgées qui se meurent aussi, ne l’oublions pas, de l’isolement qui leur est imposé.
ÉVITER LA MALADIE, REFUSER LA MORT
Philosophiquement enfin. La crise qui dure pose véritablement la question de la place de la mort et de la maladie dans nos sociétés modernes. Que dire de gouvernants et d’une partie de la population qui n’acceptent pas l’idée que, dans une certaine mesure bien entendu, la maladie soit un risque inhérent à la vie humaine, et que la mort en soit le terme inévitable vers lequel chacun de nous chemine inexorablement ?
Ce refus de la possibilité de souffrir ou de mourir sans en contrôler la cause justifie-t-il que l’on sacrifie toute une génération ? Cette vision humaniste héritée des Lumières et par laquelle l’Homme utilise sa raison pour se déterminer lui-même, refusant l’idée de se laisser transcender par quoi que ce soit, n’est-elle pas en train d’atteindre ses propres limites ?
Le philosophe André Comte-Sponvile, qui a osé poser ces questions très tôt, aura d’ailleurs tantôt récolté l’ire des tenants de l’argument sanitaire et tantôt l’approbation de ceux qui osent encore poser la question.
Il semble parallèlement que l’on soit définitivement entré dans l’absurdité alors qu’après une année d’auto-restriction pour sauver principalement nos aînés, l’on décide aujourd’hui d’examiner une proposition de loi visant à permettre leur euthanasie.
CE N’EST PLUS UN ÉTAT D’URGENCE OU D’EXCEPTION
Si nous pourrions énumérer encore bien des raisons de restaurer l’État de droit, ces dernières nous semblent suffisamment illustrer combien les termes urgence et exceptionnel sont largement galvaudés et ce depuis de longs mois.
L’application de ces notions peut-elle en toute logique s’étaler sur une période aussi longue sans leur faire perdre tout leur sens ? Le manque d’adhésion croissant de la population pour les mesures décrétées par le gouvernement n’en est-il d’ailleurs pas une parfaite illustration ?
La lassitude a bien gagné la population qui ne se sent plus dans une situation d’urgence mais bien dans un état de fait pérenne qui perdure depuis trop longtemps. Notre Constitution et notre tradition politique de ces deux derniers siècles ne sont-elles pourtant pas basées sur les principes de la démocratie plutôt que sur ceux de la bureaucratie, de la technocratie ou encore de l’oligarchie ?
Si les promesses faites par le gouvernement venaient une fois de plus à ne pas être tenues, il sera bientôt permis de se demander si nous ne sommes pas en passe de changer de modèle.
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