
25 mars 2021
Cet hommage est rendu à Abdelhamid Benzine, écrivain. La vie hors du commun du militants nationaliste puis communiste, journaliste, maquisard, prisonniers, interné des camps puis de nouveau militant communiste après l'indépendance, dirigeant clandestin du PAGS, toujours combattif quelques soient les circonstances, ne peut être résumé dans une note. Dans cette vie, l'écriture a tenu une place éminente comme arme de lutte. Elle est extraordinairement remarquable pas sa qualité esthétique qui en fait toujours une écriture digne des grandes littératures. Je rends cet hommage à ses qualités d'écrivain qui font que même décédé, il reste par elles, un militant actuel.
Hommage à Abdelhamid Benzine décédé en mars 2003.
Le 6 du mars 2003 s’est éteint Abdelhamid Benzine militant du PPA puis du PCA, journaliste de renom, auteur prolifique. Textes mémoires ses livres ne sont pas de simples témoignages de moments des luttes politiques ou militaires de notre peuple. Emergent de ces écrits , « Lambèse », « La montagne et la plaine » et « Le camp ». Le récit respecte toutes les règles de l’écriture de l’histoire, et reste un récit, mais l’écriture atteint par ses qualités esthétiques le statut de roman. Les personnages dépeints dans ses textes apparaissent comme « sujets » historiques et non comme simples acteurs dans la lutte hallucinante, selon les termes de Fanon, qui les enveloppait.
Sujets, cela signifie qu’ils répondent aux nécessités historiques engendrées par la condition coloniale. En tant que colonisés, ces militants entrés dans la confrontation pour sortir de l’esclavage colonial, de la misère et de l’humiliation ne répondent pas seulement aux exigences du moment qui déterminent leurs actions. Ils ramènent leur propre surgissement sur la scène de l’histoire. Toute la profondeur de l’écriture de Benzine, ses qualités esthétiques, arrivent à dégager en chacun ce qui sublime la personne en personnage.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : un regard capable de voir et de nous manifester à travers les actions des fellahs de la plaine ou de la montagne, de simples citadins instruits ou analphabètes, d’ouvriers, d’employés, de commerçants des personnes significatives de cette époque, de ces conditions de luttes clandestines en ville, des luttes militaires dans les maquis, des luttes de la survie dans les prisons, et des multiples activités originales et créatives du soutien logistique. C’est cette capacité qui nous déroule la vie non plus de simples acteurs mais véritablement de personnages. Nous pouvons dire, alors, que les témoignages sont à la fois des romans au carré mais également une écriture proprement historique à la puissance « n », car restituer à l’histoire la chair et l’émotion qui l’ont réalisée, est significativement de la littérature, ni forcément classée dans le réalisme ni dépourvue d’une part de fiction qui n’est pas invention mais restitution du réel dans sa complexité émotionnelle et des imaginaires qu’investissaient ces personnages dans leurs engagements et leurs résiliences aux souffrances.
Mais du point de vue strict des différentes philosophies de l’histoire, cette écriture peut être pleinement considérée comme écriture historique : celle de l’histoire par le bas dans la perspective de Hobsbawm. Bien sûr ce dernier aborde des facteurs de la réalisation de l’histoire par des facteurs plus large. Mais cette écriture de Benzine rappelle que l’histoire de notre libération nationale s’est faite d’abord par le bas, et c’est ce qui explique sa résilience et sa survie &aux morts massives de nos dirigeants et de nos militants en civil ou en uniformes.
Mais de façon décisive, ces textes de Benzine sont le démenti le plus authentique que notre révolution a bien été attendue puis porté par l’écrasante majorité de notre peuple et non imposé à lui comme le prétendent des historiens actuels.
S’il a été incontestablement une étoile politique, et même de beaucoup de façons un pôle au sens mystique, une inspiration pour la jeunesse en général, l’opinion publique le perçoit moins comme étoile littéraire. C’est une conception étroite de la littérature inscrite ouvertement dans le champ idéologique classique.
Que la mémoire de Abdelhamid Benzine trouve dans cette note brève une expression modeste de l’hommage fraternel que lui portent d’innombrables algériens militants.
L’homme, Benzine. Il n’est pas devenu par hasard une étoile politique, une référence du journalisme, un militant unanimement respecté dans tous les cercles politiques, un écrivain du peuple qui a choisi de parler de l’héroïsme des gens d’en bas, des gens simples -des anonymes qui ont fait l’histoire, porté nos luttes nationales puis la guerre de libération.
Mohamed Bouhamidi.
Publié dans Horizons du 24 mars 2021.
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