Souad Kamoun chouk : je viens de terminer la relecture de " Defeter Errahil " un bel amalgame de nouvelles et de poèmes unis par la même sensibilité à fleur de peau, la même élégance du style d'une langue arabe que je n'ai jamais trouvé aussi belle qu'accessible. J'ai bu cette œuvre d'art d'un coup tellement le goût des mots parfumées d'une authentique sincérité était d'une saveur qui plait aux esprits en mal d'originalité.
Du début à la fin l'auteur vous embarque avec lui dans son errance, vous donne l'occasion de vagabonder sans destination précise, d'échapper aux espaces et au temps pour vous laisser aller librement. Il met en scène des moments de vie avec la candeur d'un enfant émerveillé qui a du mal à se ranger dans l'univers des adultes assagis à l'usure par le temps.
L'éclectisme est la qualité première de l'auteur à qui la surfaim insatiable de savoir et de découverte a donné des appétits de plus en plus difficiles que seuls les grands amoureux et les artistes obsessionnels connaissent.
L'homme de théâtre est au service tantôt du poète tantôt du romancier, il plante le
décor, anime des personnages proches de nous, les fait mouvoir dans des espaces familiers que nous connaissons, leur fait dire ce que nous ressentons ou pensons tout bas. Le peintre met sur sa palette de couleurs des mots différents, un mélange harmonieux de mots sombres, de mots transparents de teinte légère, de mots au ton chaud d’autres au ton froid. Le tout fait une fresque dont le fond est un beau texte orné de couleurs qui arpentent les lignes dans une fluidité déconcertante. Les gestes du musicien viennent enfin en ajuster la mesure et les nuances expressives.
L’homme tout court, est quand à lui, présent tout au long de son œuvre, il se dénude sans fausse pudeur, s’émeut et émeut sans retenue, parle à la première personne reconnaît son entêtement, avoue son narcissisme, assume son excentricité. Les frais sont lourds le bilan n’est pas glorieux mais l’écriture est là pour faire partager, communiquer dire et rompre un silence qui a longtemps duré.
L’œuvre est un voyage dans le temps, de l’enfance brimé qui ne parvient pas à imposer sa différence à l’âge adulte ballotté tel une barque dans l’océan incertain de la vie. Le testament « El Wassia » est un poème qui exprime l’épuisement du guerrier de la lumière qui connaît bien le pouvoir des mots qu’il tente de dire de mille et une façon y compris « belfellaki ».
L’auteur est si profondément enraciné dans ses origines qu’il s’y attache et vous y attache, le bled, le quartier, les voisins qu’il nomme un à un font partie de son environnement affectif. C’est un amour dont il s’est nourri au sein maternel, une sorte de conditionnement « historique » ou « géographique » généré par l’enfance et le milieu, une sorte de déterminisme aliénant du passé et de l’environnement dont l’auteur a du mal à se détacher afin de retrouver une plage de liberté. Peut il oser ce sacrilège et offusquer une mère qu’il vénère tel un disciple pour son maître ?
Le rapport à la mère est quasi fusionnel, le « sevrage » est une épreuve qui provoque une colère incontrôlable qui le fait basculer dans la démesure. La mère est à lui, à lui seul, il est prêt à sacrifier même sa liberté pour la posséder éternellement. Elle est ses racines bien ancrées, ses repères, et son havre de paix quand il est fatigué à force de ramer à contre courant.
La galère du créateur rebelle en quête de contact authentique avec les autres s’éternise dans un ajustement créateur de l’organisme à l’environnement qui réhabilite le ressenti émotionnel censuré par la culture qui codifie l’expression publique de la colère, de la tristesse, de l’angoisse mais aussi de la tendresse, de l’amour ou de la joie. Il s’obstine à être ce qu’il est avant d’être autrement (Beissier, 1970). Il se dénude pour mieux se connaître s’accepter tel qu’il est et refuse de se conformer à un modèle de référence idéalisé.
Sa poésie émane du cœur, qu’il soit envahi jusqu’au débordement par une passion irrésistible dans « Gharikon yamman oua dhifafan », ou par une colère incontrôlable dans « Saat EL Fitam » , il est vrai jusqu’au bout des ongles et touchant jusqu’au bout des larmes. Il compatit avec la douleur de la femme de l’émigré qui ne connaît son homme que l’espace d’un congé, d’un plaisir volé à la « ghorba » lourd à porter les neuf mois qui suivent. Il compatit avec la mère qui attend un fils qui ne rentrera jamais. Il compatit avec la péripatéticienne qui vend de la volupté pour acheter le respect d’un intellectuel fauché à coup de vertu, généreuse et honnête.
Ecrire pour soi, écrire dans le doute sur l’opportunité de publier, c’est un cri de nouveau né qui sort de l’ombre à la lumière, nu, tel qu’il a été crée. Un cri qui permet de s’affranchir de la pudeur qui noie dans le silence et s’impose tel le jour naissant après la nuit sombre.(les Editions du Ptypont).
Par Souad Kamoun chouk.(Professeur à l'institut de Presse et des sciences de l'information de Tunis).
Du début à la fin l'auteur vous embarque avec lui dans son errance, vous donne l'occasion de vagabonder sans destination précise, d'échapper aux espaces et au temps pour vous laisser aller librement. Il met en scène des moments de vie avec la candeur d'un enfant émerveillé qui a du mal à se ranger dans l'univers des adultes assagis à l'usure par le temps.
L'éclectisme est la qualité première de l'auteur à qui la surfaim insatiable de savoir et de découverte a donné des appétits de plus en plus difficiles que seuls les grands amoureux et les artistes obsessionnels connaissent.
L'homme de théâtre est au service tantôt du poète tantôt du romancier, il plante le
décor, anime des personnages proches de nous, les fait mouvoir dans des espaces familiers que nous connaissons, leur fait dire ce que nous ressentons ou pensons tout bas. Le peintre met sur sa palette de couleurs des mots différents, un mélange harmonieux de mots sombres, de mots transparents de teinte légère, de mots au ton chaud d’autres au ton froid. Le tout fait une fresque dont le fond est un beau texte orné de couleurs qui arpentent les lignes dans une fluidité déconcertante. Les gestes du musicien viennent enfin en ajuster la mesure et les nuances expressives.
L’homme tout court, est quand à lui, présent tout au long de son œuvre, il se dénude sans fausse pudeur, s’émeut et émeut sans retenue, parle à la première personne reconnaît son entêtement, avoue son narcissisme, assume son excentricité. Les frais sont lourds le bilan n’est pas glorieux mais l’écriture est là pour faire partager, communiquer dire et rompre un silence qui a longtemps duré.
L’œuvre est un voyage dans le temps, de l’enfance brimé qui ne parvient pas à imposer sa différence à l’âge adulte ballotté tel une barque dans l’océan incertain de la vie. Le testament « El Wassia » est un poème qui exprime l’épuisement du guerrier de la lumière qui connaît bien le pouvoir des mots qu’il tente de dire de mille et une façon y compris « belfellaki ».
L’auteur est si profondément enraciné dans ses origines qu’il s’y attache et vous y attache, le bled, le quartier, les voisins qu’il nomme un à un font partie de son environnement affectif. C’est un amour dont il s’est nourri au sein maternel, une sorte de conditionnement « historique » ou « géographique » généré par l’enfance et le milieu, une sorte de déterminisme aliénant du passé et de l’environnement dont l’auteur a du mal à se détacher afin de retrouver une plage de liberté. Peut il oser ce sacrilège et offusquer une mère qu’il vénère tel un disciple pour son maître ?
Le rapport à la mère est quasi fusionnel, le « sevrage » est une épreuve qui provoque une colère incontrôlable qui le fait basculer dans la démesure. La mère est à lui, à lui seul, il est prêt à sacrifier même sa liberté pour la posséder éternellement. Elle est ses racines bien ancrées, ses repères, et son havre de paix quand il est fatigué à force de ramer à contre courant.
La galère du créateur rebelle en quête de contact authentique avec les autres s’éternise dans un ajustement créateur de l’organisme à l’environnement qui réhabilite le ressenti émotionnel censuré par la culture qui codifie l’expression publique de la colère, de la tristesse, de l’angoisse mais aussi de la tendresse, de l’amour ou de la joie. Il s’obstine à être ce qu’il est avant d’être autrement (Beissier, 1970). Il se dénude pour mieux se connaître s’accepter tel qu’il est et refuse de se conformer à un modèle de référence idéalisé.
Sa poésie émane du cœur, qu’il soit envahi jusqu’au débordement par une passion irrésistible dans « Gharikon yamman oua dhifafan », ou par une colère incontrôlable dans « Saat EL Fitam » , il est vrai jusqu’au bout des ongles et touchant jusqu’au bout des larmes. Il compatit avec la douleur de la femme de l’émigré qui ne connaît son homme que l’espace d’un congé, d’un plaisir volé à la « ghorba » lourd à porter les neuf mois qui suivent. Il compatit avec la mère qui attend un fils qui ne rentrera jamais. Il compatit avec la péripatéticienne qui vend de la volupté pour acheter le respect d’un intellectuel fauché à coup de vertu, généreuse et honnête.
Ecrire pour soi, écrire dans le doute sur l’opportunité de publier, c’est un cri de nouveau né qui sort de l’ombre à la lumière, nu, tel qu’il a été crée. Un cri qui permet de s’affranchir de la pudeur qui noie dans le silence et s’impose tel le jour naissant après la nuit sombre.(les Editions du Ptypont).
Par Souad Kamoun chouk.(Professeur à l'institut de Presse et des sciences de l'information de Tunis).