Dans le paysage urbain algérien, Oran, seconde ville portuaire, a longtemps été une exception. Ville francophone par excellence, Oran est aussi, comme pour toute l’Oranie, la ville la plus hispanophone comme elle a été, jusqu’à la veille de l’indépendance en 1962, la ville la plus israélite d’Algérie. Mais depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et tous ces attributs qui la singularisaient se sont effrités. La ville a été, en effet, reconquise au point où elle offre aujourd’hui un aperçu des processus de réappropriation des espaces dans toutes les villes d’Algérie. Oran est ainsi en voie de devenir une ville algérienne comme les autres.
Oran est un centre historique en mutation qui connaît ce qu’il est convenu d’appeler la patrimonialisation par le bas, ou encore, si l’on veut, la préservation du patrimoine mineur, tel que formulé par l’Italien Giovanoni dans les années 1920. Sous l’angle de l’anthropologie urbaine, cette patrimonialisation par le bas révèle les rapports particuliers qu’entretiennent les Algériens avec leurs villes.
Notre approche de cette forme de patrimonialisation s’inspire des propos de Mostefa Lacheraf sur « la longue et tenace récupération » des terres par les paysans algériens confrontés à la colonisation agraire :
« Mais ce qu’on ne rappellera jamais assez et qui reste ignoré de nombreux Algériens et de leurs dirigeants politiques, tant ils restent entichés de vaine épopée, c’est la longue et tenace récupération agraire, l’effort patient, obscur et ferme, l’inertie, le courage tranquille et la solidarité ruineuse mais implacable par laquelle les paysans ont entrepris pacifiquement, collectivement, à la suite des insurrections et des séquestres, et à travers des procès et des échecs sans nombre, de racheter, de reconstituer, de défricher, de disputer à la colonisation officielle et privée tout ou partie du patrimoine foncier de la tribu, des terres spoliées ou menacées, du terrain de parcours, du périmètre au sol trop maigre, au climat trop rude pour l’insatiable et douillette boulimie du colon déjà parvenu. Cet aspect là, disions-nous, a échappé à ceux dont le goût pour l’histoire se résumait en hauts faits épisodiques et gratuits, hors de toute continuité laborieuse et prosaïquement sociale ».
En effet, la ville d’Oran fait l’objet d’un processus de reconfiguration spatiale, incessant depuis 1509 (première arrivée des Espagnols), et surtout socio-ethnique, brutale depuis 1831 (début de l’occupation française de la ville). L’hypothèse de la permanence de cette reconfiguration de la ville se vérifie aujourd’hui sous nos yeux. Et si la ville coloniale a donné naissance à la société des faubourgs, la ville post-coloniale a vu, elle, naître de ses flancs la société des douars qui la ceinture. Il importera alors de décrypter le sens de ces différenciations, dont l’espace est à la fois l’objet et le registre, en rappelant, toujours, que la question sociale surplombe la question spatiale. Ce décryptage focalisera son attention sur les contours que laisse entrevoir la société nouvelle qui émerge de ces dynamiques et processus socio-spatiaux. Cette cité, qui a toujours été considérée comme la ville coloniale par excellence, ou encore la ville algérienne la plus européenne en Afrique, si on excepte le cas des villes de l’Afrique du Sud, offre l’image d’une localité saisie par un processus identificatoire. Le détour par l’histoire conduit, dans un premier temps, à travers le dédale colonial, à la découverte d’Oran aux rythmes espagnol et français, et, dans un second temps, à la compréhension de la ville post-coloniale, avec sa population, son habitat et ses territoires informels qui signifient la permanence de sa dualité spatiale. Autant d’éléments que nous tenterons de faire converger dans une interprétation articulée autour de la lutte de sens.
journals. openedition. org/
Oran est un centre historique en mutation qui connaît ce qu’il est convenu d’appeler la patrimonialisation par le bas, ou encore, si l’on veut, la préservation du patrimoine mineur, tel que formulé par l’Italien Giovanoni dans les années 1920. Sous l’angle de l’anthropologie urbaine, cette patrimonialisation par le bas révèle les rapports particuliers qu’entretiennent les Algériens avec leurs villes.
Notre approche de cette forme de patrimonialisation s’inspire des propos de Mostefa Lacheraf sur « la longue et tenace récupération » des terres par les paysans algériens confrontés à la colonisation agraire :
« Mais ce qu’on ne rappellera jamais assez et qui reste ignoré de nombreux Algériens et de leurs dirigeants politiques, tant ils restent entichés de vaine épopée, c’est la longue et tenace récupération agraire, l’effort patient, obscur et ferme, l’inertie, le courage tranquille et la solidarité ruineuse mais implacable par laquelle les paysans ont entrepris pacifiquement, collectivement, à la suite des insurrections et des séquestres, et à travers des procès et des échecs sans nombre, de racheter, de reconstituer, de défricher, de disputer à la colonisation officielle et privée tout ou partie du patrimoine foncier de la tribu, des terres spoliées ou menacées, du terrain de parcours, du périmètre au sol trop maigre, au climat trop rude pour l’insatiable et douillette boulimie du colon déjà parvenu. Cet aspect là, disions-nous, a échappé à ceux dont le goût pour l’histoire se résumait en hauts faits épisodiques et gratuits, hors de toute continuité laborieuse et prosaïquement sociale ».
En effet, la ville d’Oran fait l’objet d’un processus de reconfiguration spatiale, incessant depuis 1509 (première arrivée des Espagnols), et surtout socio-ethnique, brutale depuis 1831 (début de l’occupation française de la ville). L’hypothèse de la permanence de cette reconfiguration de la ville se vérifie aujourd’hui sous nos yeux. Et si la ville coloniale a donné naissance à la société des faubourgs, la ville post-coloniale a vu, elle, naître de ses flancs la société des douars qui la ceinture. Il importera alors de décrypter le sens de ces différenciations, dont l’espace est à la fois l’objet et le registre, en rappelant, toujours, que la question sociale surplombe la question spatiale. Ce décryptage focalisera son attention sur les contours que laisse entrevoir la société nouvelle qui émerge de ces dynamiques et processus socio-spatiaux. Cette cité, qui a toujours été considérée comme la ville coloniale par excellence, ou encore la ville algérienne la plus européenne en Afrique, si on excepte le cas des villes de l’Afrique du Sud, offre l’image d’une localité saisie par un processus identificatoire. Le détour par l’histoire conduit, dans un premier temps, à travers le dédale colonial, à la découverte d’Oran aux rythmes espagnol et français, et, dans un second temps, à la compréhension de la ville post-coloniale, avec sa population, son habitat et ses territoires informels qui signifient la permanence de sa dualité spatiale. Autant d’éléments que nous tenterons de faire converger dans une interprétation articulée autour de la lutte de sens.
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