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Rétrospective sur ces révolutionnaires qui aimaient et soutenaient l’Algérie
Algerie54
L’escalade militaire du Maroc à l’encontre du peuple sahraoui, dévoile au grand jour la stratégie expansionniste du régime du Makhzen, et des régimes réactionnaires arabes composés essentiellement des monarchies du Golfe et de la Jordanie, instruments américano-sionistes, pour la concrétisation du plan impérialiste. En revenant au lendemain de l’indépendance de l’Algérie, arrachée après avoir payé un lourd tribut, et d’énormes sacrifices, nous découvrons que ces mêmes forces réactionnaires agissaient contre l’Algérie et soutenaient le régime expansionniste du Makhzen, dont la doctrine militaire est hostile au pays du million et demi de martyrs.
Durant cette période, L’Algérie ne comptait que sur le soutien des pays comme la Chine, le Vietnam, l’Egypte de Jamal Abdenasser, ou bien entendu le Cuba de Fidel Castro. En cette opportunité, Algérie reprend l’article de l’auteur algérien Ahmed Bensaada , riche en informations, documents et vidéos, dans l’objectif est d’éclairer l’opinion publique sur la convoitise territoriale du Makhzen et l’engagement sincère de certains pays amis.
Fidel Castro à Oran
Par Ahmed Bensaada, publié le lundi, 09 Janvier 2017
C’était une belle et chaude journée du mois de mai 1972. Des nuages blancs et cotonneux parsemaient ce ciel bleu si typique du printemps oranais. Il ne manquait que le triangle rouge et la « Estrella Solitaria » pour parfaire le drapeau du pays de l’hôte de la journée. Mais la météo n’avait pas osé pousser l’extravagance jusqu’à ce point, même si, pour être franc, le visiteur du jour en valait la peine. Il est vrai qu’Oran, capitale de l’Ouest algérien, n’avait pas l’habitude de recevoir des personnages de cette envergure. Et ce jour-là, une décennie après l’indépendance de l’Algérie, l’invité était une icône : Fidel Castro, en personne !
Le « Líder Máximo », le compagnon du Che, l’illustre « barbudo », le rebelle de la Sierra Maestra, le héros de la « Baie des cochons », « El Comandante » : il était à Oran.
Du haut de mes 14 ans, je m’étais frayé, non sans peine, un chemin à travers une foule dense, composée de dizaines de milliers de personnes venues s’amasser sur cette place qui accueillait ce mémorable évènement.
Celui qui défiait la plus grande puissance du monde à partir de sa minuscule île des Caraïbes située à une distance ridicule des rives américaines, était là, devant moi, en chair et en os. Avec une diction aussi passionnée que théâtrale, il débuta son discours :
« Querido compañero Houari Boumedienne ;
Queridos camaradas dirigentes del FLN y del Gobierno Argelino ;
Queridos amigos de Orán » [1].
Les premières phrases en espagnol du « Comandante », amplifiées par des haut-parleurs crachotants, eurent une résonance particulière dans cet immense espace. En fait, il n’y avait qu’à lever la tête et regarder vers le nord, pour apercevoir, majestueusement juché sur une crête du massif du Murdjadjo, le fameux fort de Santa Cruz qui domine El Bahia [2]. Cet imposant édifice, érigé entre 1577 et 1604, est une des œuvres majeures qui témoignent de l’occupation espagnole de la ville pendant presque trois siècles (1509 – 1792). Oran, la plus hispanique des villes algériennes, garde encore dans son sabir les empreintes de mets et des mots qui témoignent de cette présence qui n’a réellement été interrompue qu’avec l’indépendance de l’Algérie en 1962.
Et moi, qui ait grandi dans le vieux quartier de Scalera (escalera : escalier en espagnol), j’en savais quelque chose. À Oran, la figue de barbarie se dit « chumbo », l’eau de javel « lejía », l’armoire « armario » et la paëlla et la « calentita » sont des plats « authentiquement » oranais !
Dominant la ville d’Oran, le fort de Santa Cruz
Hasard de l’histoire, l’Espagne a conquis Oran et Cuba presqu’en même temps. En effet, le conquistador Diego Velázquez de Cuéllar colonisa Cuba en 1511 et y fonda La Havane en 1514. Autre coïncidence ? La libération des peuples cubain et algérien a été arrachée à quelques années d’intervalle (Cuba : 1959 ; Algérie : 1962).
El Comandante continua de plus belle :
« Nous sommes ici avec vous tout simplement parce qu’en Algérie il y avait une révolution et parce qu’à Cuba il y avait une révolution […]. […] chaque combat, chaque bataille, chaque action de la lutte du peuple algérien a été suivie chaque jour par notre peuple. La lutte héroïque contre l’armée colonialiste de la France, la fermeté du peuple algérien, leur patriotisme, a suscité énormément de sympathie dans notre pays »
Fidel n’exagérait en rien la sympathie qu’éprouvait le peuple cubain envers la révolution algérienne et son combat héroïque contre la colonisation française. Entre 1956 et 1957, plus de 20 articles sur la guerre d’indépendance algérienne ont été publiés par Bohemia, le journal cubain d’opposition au dictateur Batista. Illustrés de photos, les articles relataient aussi bien la lutte révolutionnaire en Algérie que les succès militaires du FLN (Front de libération nationale algérien) ou l’utilisation de la torture par les Français [3]. Et les titres étaient éloquents : « Lágrimas, terror y sangre en Argelia » (« Larmes, terreur et sang en Algérie », Bohemia, 14 avril 1957) ou « ¡ Asi es la guerra en Argelia ! » (« Ainsi est la guerre en Algérie ! », Bohemia, 7 juillet 1957), etc.
Mais bien que Fidel eût la décence de ne pas le souligner publiquement, la sympathie du peuple cubain n’a pas été que des sentiments « protocolaires » entre deux nations que séparent des milliers de kilomètres. Au-delà de la langue, de la religion, de la géographie et de la culture, Fidel et Cuba ont concrètement aidé l’Algérie à se faire une place dans le concert des nations, à recouvrer son indépendance, à préserver son intégrité territoriale et à soigner son peuple.
Fidel renchérit :
« A cette époque, personne ne pouvait penser à une rencontre comme celle-ci. La solidarité était d’un autre type. Qu’était-il possible de faire pour soutenir la lutte algérienne, la cause algérienne, qu’était-il possible de faire pour coopérer avec le peuple algérien dans ce combat ? »
Et ces questionnements ne sont pas restés sans lendemain, bien au contraire. Selon Giraldo Mazola, ancien ambassadeur de Cuba en Algérie (1974-1978), une délégation du Gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA) a été reçue dès 1960 par les autorités cubaines. Le 27 juin 1961, soit seulement 2 mois à peine après le débarquement de la Baie des Cochons (avril 1961), Cuba reconnut le gouvernement algérien en exil. Et ce n’était pas anodin : Cuba fut le premier pays de l’hémisphère occidental à le faire, ce qui lui attira les représailles du gouvernement français [4].
L’aide à la cause algérienne durant sa révolution ne s’arrêta pas là. Vers la fin octobre 1961, Fidel Castro envoya un émissaire, le jeune journaliste argentin Jorge Ricardo Masetti, pour rencontrer les combattants algériens à Tunis et s’enquérir de leurs besoins. Masetti y rencontra les leaders du FLN, dont Benyoucef Benkhedda, le président du gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA).
Jorge Ricardo Masetti en compagnie du Che
Deux mois plus tard, le bateau cubain Bahia de Nipe quitta La Havane en direction de Casablanca (Maroc). La cargaison qu’il transportait comprenait 1500 fusils, plus de 30 mitrailleuses et 4 mortiers de fabrication américaine. Elle fut transportée dans un camp du FLN installé à proximité de la ville d’Oujda, à la frontière algérienne. Cet épisode est reconnu comme étant la toute première aide militaire envoyée par Cuba à l’Afrique.
À son retour, le Bahia de Nipe ramena 76 combattants algériens blessés et 20 enfants algériens provenant de camps de réfugiés, pour la plupart des orphelins. Comme l’explique le professeur Piero Gleijeses, l’aide octroyée par Cuba à l’Algérie n’avait rien à voir avec le conflit Est-Ouest. Ses racines sont antérieures à la victoire castriste de 1959 et relève de l’identification d’un grand nombre de Cubains avec la lutte du peuple algérien [5].
Rétrospective sur ces révolutionnaires qui aimaient et soutenaient l’Algérie
Algerie54
L’escalade militaire du Maroc à l’encontre du peuple sahraoui, dévoile au grand jour la stratégie expansionniste du régime du Makhzen, et des régimes réactionnaires arabes composés essentiellement des monarchies du Golfe et de la Jordanie, instruments américano-sionistes, pour la concrétisation du plan impérialiste. En revenant au lendemain de l’indépendance de l’Algérie, arrachée après avoir payé un lourd tribut, et d’énormes sacrifices, nous découvrons que ces mêmes forces réactionnaires agissaient contre l’Algérie et soutenaient le régime expansionniste du Makhzen, dont la doctrine militaire est hostile au pays du million et demi de martyrs.
Durant cette période, L’Algérie ne comptait que sur le soutien des pays comme la Chine, le Vietnam, l’Egypte de Jamal Abdenasser, ou bien entendu le Cuba de Fidel Castro. En cette opportunité, Algérie reprend l’article de l’auteur algérien Ahmed Bensaada , riche en informations, documents et vidéos, dans l’objectif est d’éclairer l’opinion publique sur la convoitise territoriale du Makhzen et l’engagement sincère de certains pays amis.
Fidel Castro à Oran
Par Ahmed Bensaada, publié le lundi, 09 Janvier 2017
C’était une belle et chaude journée du mois de mai 1972. Des nuages blancs et cotonneux parsemaient ce ciel bleu si typique du printemps oranais. Il ne manquait que le triangle rouge et la « Estrella Solitaria » pour parfaire le drapeau du pays de l’hôte de la journée. Mais la météo n’avait pas osé pousser l’extravagance jusqu’à ce point, même si, pour être franc, le visiteur du jour en valait la peine. Il est vrai qu’Oran, capitale de l’Ouest algérien, n’avait pas l’habitude de recevoir des personnages de cette envergure. Et ce jour-là, une décennie après l’indépendance de l’Algérie, l’invité était une icône : Fidel Castro, en personne !
Le « Líder Máximo », le compagnon du Che, l’illustre « barbudo », le rebelle de la Sierra Maestra, le héros de la « Baie des cochons », « El Comandante » : il était à Oran.
Du haut de mes 14 ans, je m’étais frayé, non sans peine, un chemin à travers une foule dense, composée de dizaines de milliers de personnes venues s’amasser sur cette place qui accueillait ce mémorable évènement.
Celui qui défiait la plus grande puissance du monde à partir de sa minuscule île des Caraïbes située à une distance ridicule des rives américaines, était là, devant moi, en chair et en os. Avec une diction aussi passionnée que théâtrale, il débuta son discours :
« Querido compañero Houari Boumedienne ;
Queridos camaradas dirigentes del FLN y del Gobierno Argelino ;
Queridos amigos de Orán » [1].
Les premières phrases en espagnol du « Comandante », amplifiées par des haut-parleurs crachotants, eurent une résonance particulière dans cet immense espace. En fait, il n’y avait qu’à lever la tête et regarder vers le nord, pour apercevoir, majestueusement juché sur une crête du massif du Murdjadjo, le fameux fort de Santa Cruz qui domine El Bahia [2]. Cet imposant édifice, érigé entre 1577 et 1604, est une des œuvres majeures qui témoignent de l’occupation espagnole de la ville pendant presque trois siècles (1509 – 1792). Oran, la plus hispanique des villes algériennes, garde encore dans son sabir les empreintes de mets et des mots qui témoignent de cette présence qui n’a réellement été interrompue qu’avec l’indépendance de l’Algérie en 1962.
Et moi, qui ait grandi dans le vieux quartier de Scalera (escalera : escalier en espagnol), j’en savais quelque chose. À Oran, la figue de barbarie se dit « chumbo », l’eau de javel « lejía », l’armoire « armario » et la paëlla et la « calentita » sont des plats « authentiquement » oranais !
Dominant la ville d’Oran, le fort de Santa Cruz
Hasard de l’histoire, l’Espagne a conquis Oran et Cuba presqu’en même temps. En effet, le conquistador Diego Velázquez de Cuéllar colonisa Cuba en 1511 et y fonda La Havane en 1514. Autre coïncidence ? La libération des peuples cubain et algérien a été arrachée à quelques années d’intervalle (Cuba : 1959 ; Algérie : 1962).
El Comandante continua de plus belle :
« Nous sommes ici avec vous tout simplement parce qu’en Algérie il y avait une révolution et parce qu’à Cuba il y avait une révolution […]. […] chaque combat, chaque bataille, chaque action de la lutte du peuple algérien a été suivie chaque jour par notre peuple. La lutte héroïque contre l’armée colonialiste de la France, la fermeté du peuple algérien, leur patriotisme, a suscité énormément de sympathie dans notre pays »
Fidel n’exagérait en rien la sympathie qu’éprouvait le peuple cubain envers la révolution algérienne et son combat héroïque contre la colonisation française. Entre 1956 et 1957, plus de 20 articles sur la guerre d’indépendance algérienne ont été publiés par Bohemia, le journal cubain d’opposition au dictateur Batista. Illustrés de photos, les articles relataient aussi bien la lutte révolutionnaire en Algérie que les succès militaires du FLN (Front de libération nationale algérien) ou l’utilisation de la torture par les Français [3]. Et les titres étaient éloquents : « Lágrimas, terror y sangre en Argelia » (« Larmes, terreur et sang en Algérie », Bohemia, 14 avril 1957) ou « ¡ Asi es la guerra en Argelia ! » (« Ainsi est la guerre en Algérie ! », Bohemia, 7 juillet 1957), etc.
Mais bien que Fidel eût la décence de ne pas le souligner publiquement, la sympathie du peuple cubain n’a pas été que des sentiments « protocolaires » entre deux nations que séparent des milliers de kilomètres. Au-delà de la langue, de la religion, de la géographie et de la culture, Fidel et Cuba ont concrètement aidé l’Algérie à se faire une place dans le concert des nations, à recouvrer son indépendance, à préserver son intégrité territoriale et à soigner son peuple.
Fidel renchérit :
« A cette époque, personne ne pouvait penser à une rencontre comme celle-ci. La solidarité était d’un autre type. Qu’était-il possible de faire pour soutenir la lutte algérienne, la cause algérienne, qu’était-il possible de faire pour coopérer avec le peuple algérien dans ce combat ? »
Et ces questionnements ne sont pas restés sans lendemain, bien au contraire. Selon Giraldo Mazola, ancien ambassadeur de Cuba en Algérie (1974-1978), une délégation du Gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA) a été reçue dès 1960 par les autorités cubaines. Le 27 juin 1961, soit seulement 2 mois à peine après le débarquement de la Baie des Cochons (avril 1961), Cuba reconnut le gouvernement algérien en exil. Et ce n’était pas anodin : Cuba fut le premier pays de l’hémisphère occidental à le faire, ce qui lui attira les représailles du gouvernement français [4].
L’aide à la cause algérienne durant sa révolution ne s’arrêta pas là. Vers la fin octobre 1961, Fidel Castro envoya un émissaire, le jeune journaliste argentin Jorge Ricardo Masetti, pour rencontrer les combattants algériens à Tunis et s’enquérir de leurs besoins. Masetti y rencontra les leaders du FLN, dont Benyoucef Benkhedda, le président du gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA).
Jorge Ricardo Masetti en compagnie du Che
Deux mois plus tard, le bateau cubain Bahia de Nipe quitta La Havane en direction de Casablanca (Maroc). La cargaison qu’il transportait comprenait 1500 fusils, plus de 30 mitrailleuses et 4 mortiers de fabrication américaine. Elle fut transportée dans un camp du FLN installé à proximité de la ville d’Oujda, à la frontière algérienne. Cet épisode est reconnu comme étant la toute première aide militaire envoyée par Cuba à l’Afrique.
À son retour, le Bahia de Nipe ramena 76 combattants algériens blessés et 20 enfants algériens provenant de camps de réfugiés, pour la plupart des orphelins. Comme l’explique le professeur Piero Gleijeses, l’aide octroyée par Cuba à l’Algérie n’avait rien à voir avec le conflit Est-Ouest. Ses racines sont antérieures à la victoire castriste de 1959 et relève de l’identification d’un grand nombre de Cubains avec la lutte du peuple algérien [5].
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