NEW YORK – Malcolm X, contrairement à Martin Luther King Jr. ne croyait pas que l’Amérique avait une conscience. Pour lui, il n’y avait pas de grand malaise entre les nobles idéaux de la nation – qu’il disait être une imposture – et l’incapacité à rendre justice aux Noirs. Peut-être mieux que King, il comprenait les rouages internes de l’empire. Il n’avait aucun espoir que ceux qui dirigeaient l’empire entreraient un jour en contact avec le meilleur d’eux-mêmes afin de construire un pays libéré de l’exploitation et de l’injustice. Il a soutenu qu’à partir de l’arrivée du premier navire négrier jusqu’à l’apparition de notre vaste archipel de prisons et de nos colonies urbaines internes sordides, où les pauvres sont emprisonnés et maltraités, l’empire américain était implacablement hostile à ceux que Frantz Fanon a appelés « les damnés de la terre ». Malcolm savait que cela ne changerait pas tant que l’empire ne serait pas détruit.
« Il est impossible pour le capitalisme de survivre, principalement parce que le système du capitalisme a besoin de sang à sucer », a dit Malcolm. « Le capitalisme était comme un aigle, mais maintenant il est plutôt comme un vautour. Avant, il était assez fort pour aller sucer le sang de n’importe qui, qu’il soit fort ou non. Mais maintenant il est devenu plus lâche, comme le vautour, et il ne peut que sucer le sang des sans défense. Au fur et à mesure que les nations du monde se libèrent, le capitalisme a moins de victimes à sa merci, moins à sucer, et il devient de plus en plus faible. Ce n’est qu’une question de temps, à mon avis, avant qu’il ne s’effondre complètement. »
King a pu remporter une victoire juridique grâce au mouvement des droits civiques, représenté dans le nouveau film Selma. Mais il n’a pas réussi à instaurer la justice économique et à contrecarrer l’appétit rapace de la machine de guerre dont il savait pertinemment qu’elle était responsable des abus de l’empire à l’égard des opprimés dans le pays et à l’étranger. Et 50 ans après l’assassinat de Malcolm X dans la salle de bal Audubon à Harlem par des tueurs à gages de Nation of Islam [organisation politico-religieuse américaine, à l’origine de la plupart des organisations musulmanes actuelles de la communauté afro-américaine, NdT], il est clair que c’était lui qui avait raison, et non pas King. Nous sommes la nation que Malcolm connaissait pour ce qu’elle était. Les êtres humains peuvent être rachetés. Les empires ne le peuvent pas. Notre refus de faire face à la vérité sur l’empire, notre refus de nous dresser contre les multiples crimes et atrocités de l’empire, a entraîné le cauchemar prédit par Malcolm. Et comme l’ère numérique et notre société post-alphabétisée implantent une terrifiante amnésie historique, ces crimes sont effacés aussi rapidement qu’ils sont commis.
« Parfois, j’ai osé rêver… qu’un jour, l’histoire pourrait même dire que ma voix – qui a perturbé la suffisance de l’homme blanc, son arrogance et son autosatisfaction – que ma voix a aidé à sauver l’Amérique d’une catastrophe grave, voire fatale », a écrit Malcolm.
L’intégration des élites de couleur, y compris Barack Obama, aux échelons supérieurs des structures institutionnelles et politiques n’a rien fait pour atténuer la nature prédatrice de l’empire. La politique de l’identité et du genre – on est sur le point de nous vendre une femme présidente sous la forme d’Hillary Clinton – ont favorisé, comme Malcolm l’a compris, la fraude et le vol par Wall Street, l’éviscération de nos libertés civiles, la misère d’une classe inférieure dans laquelle la moitié des enfants de toutes les écoles publiques vivent dans la pauvreté, l’expansion de nos guerres impériales et l’exploitation acharnée et peut-être fatale de l’écosystème. Et tant que nous ne tiendrons pas compte de Malcolm X, tant que nous ne nous attaquerons pas à la vérité sur l’autodestruction qui se trouve au cœur de l’empire, les victimes, dans le pays et à l’étranger, seront de plus en plus nombreuses. Malcolm, comme James Baldwin, a compris que ce n’est qu’en faisant face à la vérité sur ce que nous sommes en tant que membres d’une puissance impériale, que les gens de couleur, avec les Blancs, peuvent être libérés. Cette vérité est amère et douloureuse. Elle exige la reconnaissance de notre aptitude au mal, à l’injustice et à l’exploitation, et elle exige la repentance. Mais nous nous accrochons comme des enfants étourdis aux mensonges que nous nous racontons sur nous-mêmes. Nous refusons de grandir. Et à cause de ces mensonges, perpétrés à travers le spectre culturel et politique, la libération n’a pas eu lieu. L’Empire nous dévore tous.
« Nous sommes contre le mal, contre l’oppression, contre le lynchage », a dit Malcolm. « Vous ne pouvez pas être contre ces choses à moins d’être aussi contre l’oppresseur et contre le lyncheur. Vous ne pouvez pas être anti-esclavagiste et pro-maître d’esclave ; vous ne pouvez pas être anti-crime et pro-criminel. En fait, M. Muhammad enseigne que si la génération actuelle des Blancs étudiait leur propre race à la lumière de la vraie histoire, ils seraient eux-mêmes anti-blancs ».
Malcolm a dit un jour que s’il avait été un Noir de la classe moyenne encouragé à faire des études de droit, plutôt qu’un enfant pauvre dans une maison de détention qui a abandonné l’école à 15 ans, « je serais probablement aujourd’hui parmi l’élite bourgeoise noire de quelque ville, sirotant des cocktails et me faisant passer pour le porte-parole d’une communauté et leader des masses noires dans la souffrance, alors que mon principal souci serait de ramasser quelques miettes supplémentaires dans les réceptions des blancs hypocrites auprès de qui ils “quémandent de s’intégrer” ». La famille de Malcolm, pauvre et en difficulté, a été brutalement déchirée par les organismes d’État selon un modèle qui demeure inchangé. Les tribunaux, les écoles inférieures aux normes, les appartements remplis de cafards, la peur, l’humiliation, le désespoir, la pauvreté, les banquiers avides, les employeurs abusifs, la police, les prisons et les agents de probation ont fait leur travail comme ils le font aujourd’hui. Malcolm voyait l’intégration raciale comme un jeu politiquement stérile, joué par une classe moyenne noire soucieuse de vendre son âme comme auxiliaire de l’empire et du capitalisme. « L’homme qui jette des vers dans la rivière », dit Malcolm, « n’est pas nécessairement un ami des poissons. Tous les poissons qui le prennent pour un ami, qui pensent que le ver n’a pas d’hameçon, finissent généralement dans la poêle à frire ». Il s’est référé aux batailles apocalyptiques dans le livre de l’Apocalypse où les persécutés se révoltent contre les méchants.
« Martin [Luther King Jr.] n’a pas le feu révolutionnaire que Malcolm a eu jusqu’à la toute fin de sa vie », dit Cornel West dans son livre coécrit avec Christa Buschendorf, Black Prophetic Fire [Le feu prophétique noir, NdT]. « Et par feu révolutionnaire, je veux dire comprendre le système dans lequel nous vivons, le système capitaliste, les tentacules impériaux, l’empire américain, le mépris de la vie, la volonté de violer le droit, qu’il s’agisse du droit international ou du droit intérieur. Malcolm l’a compris très tôt, et ceci a frappé Martin si fort qu’il est devenu un révolutionnaire à sa propre manière morale plus tard dans sa courte vie, alors que Malcolm a eu le feu révolutionnaire très tôt dans sa vie ».
« Il est impossible pour le capitalisme de survivre, principalement parce que le système du capitalisme a besoin de sang à sucer », a dit Malcolm. « Le capitalisme était comme un aigle, mais maintenant il est plutôt comme un vautour. Avant, il était assez fort pour aller sucer le sang de n’importe qui, qu’il soit fort ou non. Mais maintenant il est devenu plus lâche, comme le vautour, et il ne peut que sucer le sang des sans défense. Au fur et à mesure que les nations du monde se libèrent, le capitalisme a moins de victimes à sa merci, moins à sucer, et il devient de plus en plus faible. Ce n’est qu’une question de temps, à mon avis, avant qu’il ne s’effondre complètement. »
King a pu remporter une victoire juridique grâce au mouvement des droits civiques, représenté dans le nouveau film Selma. Mais il n’a pas réussi à instaurer la justice économique et à contrecarrer l’appétit rapace de la machine de guerre dont il savait pertinemment qu’elle était responsable des abus de l’empire à l’égard des opprimés dans le pays et à l’étranger. Et 50 ans après l’assassinat de Malcolm X dans la salle de bal Audubon à Harlem par des tueurs à gages de Nation of Islam [organisation politico-religieuse américaine, à l’origine de la plupart des organisations musulmanes actuelles de la communauté afro-américaine, NdT], il est clair que c’était lui qui avait raison, et non pas King. Nous sommes la nation que Malcolm connaissait pour ce qu’elle était. Les êtres humains peuvent être rachetés. Les empires ne le peuvent pas. Notre refus de faire face à la vérité sur l’empire, notre refus de nous dresser contre les multiples crimes et atrocités de l’empire, a entraîné le cauchemar prédit par Malcolm. Et comme l’ère numérique et notre société post-alphabétisée implantent une terrifiante amnésie historique, ces crimes sont effacés aussi rapidement qu’ils sont commis.
« Parfois, j’ai osé rêver… qu’un jour, l’histoire pourrait même dire que ma voix – qui a perturbé la suffisance de l’homme blanc, son arrogance et son autosatisfaction – que ma voix a aidé à sauver l’Amérique d’une catastrophe grave, voire fatale », a écrit Malcolm.
L’intégration des élites de couleur, y compris Barack Obama, aux échelons supérieurs des structures institutionnelles et politiques n’a rien fait pour atténuer la nature prédatrice de l’empire. La politique de l’identité et du genre – on est sur le point de nous vendre une femme présidente sous la forme d’Hillary Clinton – ont favorisé, comme Malcolm l’a compris, la fraude et le vol par Wall Street, l’éviscération de nos libertés civiles, la misère d’une classe inférieure dans laquelle la moitié des enfants de toutes les écoles publiques vivent dans la pauvreté, l’expansion de nos guerres impériales et l’exploitation acharnée et peut-être fatale de l’écosystème. Et tant que nous ne tiendrons pas compte de Malcolm X, tant que nous ne nous attaquerons pas à la vérité sur l’autodestruction qui se trouve au cœur de l’empire, les victimes, dans le pays et à l’étranger, seront de plus en plus nombreuses. Malcolm, comme James Baldwin, a compris que ce n’est qu’en faisant face à la vérité sur ce que nous sommes en tant que membres d’une puissance impériale, que les gens de couleur, avec les Blancs, peuvent être libérés. Cette vérité est amère et douloureuse. Elle exige la reconnaissance de notre aptitude au mal, à l’injustice et à l’exploitation, et elle exige la repentance. Mais nous nous accrochons comme des enfants étourdis aux mensonges que nous nous racontons sur nous-mêmes. Nous refusons de grandir. Et à cause de ces mensonges, perpétrés à travers le spectre culturel et politique, la libération n’a pas eu lieu. L’Empire nous dévore tous.
« Nous sommes contre le mal, contre l’oppression, contre le lynchage », a dit Malcolm. « Vous ne pouvez pas être contre ces choses à moins d’être aussi contre l’oppresseur et contre le lyncheur. Vous ne pouvez pas être anti-esclavagiste et pro-maître d’esclave ; vous ne pouvez pas être anti-crime et pro-criminel. En fait, M. Muhammad enseigne que si la génération actuelle des Blancs étudiait leur propre race à la lumière de la vraie histoire, ils seraient eux-mêmes anti-blancs ».
Malcolm a dit un jour que s’il avait été un Noir de la classe moyenne encouragé à faire des études de droit, plutôt qu’un enfant pauvre dans une maison de détention qui a abandonné l’école à 15 ans, « je serais probablement aujourd’hui parmi l’élite bourgeoise noire de quelque ville, sirotant des cocktails et me faisant passer pour le porte-parole d’une communauté et leader des masses noires dans la souffrance, alors que mon principal souci serait de ramasser quelques miettes supplémentaires dans les réceptions des blancs hypocrites auprès de qui ils “quémandent de s’intégrer” ». La famille de Malcolm, pauvre et en difficulté, a été brutalement déchirée par les organismes d’État selon un modèle qui demeure inchangé. Les tribunaux, les écoles inférieures aux normes, les appartements remplis de cafards, la peur, l’humiliation, le désespoir, la pauvreté, les banquiers avides, les employeurs abusifs, la police, les prisons et les agents de probation ont fait leur travail comme ils le font aujourd’hui. Malcolm voyait l’intégration raciale comme un jeu politiquement stérile, joué par une classe moyenne noire soucieuse de vendre son âme comme auxiliaire de l’empire et du capitalisme. « L’homme qui jette des vers dans la rivière », dit Malcolm, « n’est pas nécessairement un ami des poissons. Tous les poissons qui le prennent pour un ami, qui pensent que le ver n’a pas d’hameçon, finissent généralement dans la poêle à frire ». Il s’est référé aux batailles apocalyptiques dans le livre de l’Apocalypse où les persécutés se révoltent contre les méchants.
« Martin [Luther King Jr.] n’a pas le feu révolutionnaire que Malcolm a eu jusqu’à la toute fin de sa vie », dit Cornel West dans son livre coécrit avec Christa Buschendorf, Black Prophetic Fire [Le feu prophétique noir, NdT]. « Et par feu révolutionnaire, je veux dire comprendre le système dans lequel nous vivons, le système capitaliste, les tentacules impériaux, l’empire américain, le mépris de la vie, la volonté de violer le droit, qu’il s’agisse du droit international ou du droit intérieur. Malcolm l’a compris très tôt, et ceci a frappé Martin si fort qu’il est devenu un révolutionnaire à sa propre manière morale plus tard dans sa courte vie, alors que Malcolm a eu le feu révolutionnaire très tôt dans sa vie ».
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