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12 avril 2018
A l’heure où les USA, avec l’appui officiel et diplomatique de la France, de la Grande- Bretagne rassemble une flotte de guerre au large de la Syrie et du Liban, je me suis demandé ce que pensait Jean Jaurès à quelques jours de son assassinat et du déclenchement de la grande boucherie que fut la première guerre mondiale.
Jaurès a été la sentinelle constamment vigilante de la montée vers la guerre mondiale. Le discours dont est extrait la célèbre citation « Le capitalisme porte en liu la guerre comme la nuée porte l’orage » dans de 1895. Le discours que je présente ici date de 1905. Il devait être prononcé à Berlin, mais Jaurès fut interdit d’entrée sur le territoire allemand et le discours fut publié dans « L’humanité », le 9 juillet 1905, neuf ans avant l’assassinat et le déclenchement de la guerre.
Le monde a certes largement évolué depuis Jaurès et la 1ère guerre mondiale et il faut tenir compte de cette évolution. Ce qui était en 1914 l’arêne européenne, dans laquelle s’affrontait les principales puissances capitalistes rivales pour la domination mondiale est devenue le bloc occidental. Le capitalisme s’est répandu sur l’ensemble du globe et la population compte en milliards. Le détonateur ne se trouve plus seulement dans les Balkans. Le baril de poudre est mondial et le feu s’est déjà propagé du Sahel jusqu’en Afghanistan.
Mais les racines capitalistes de la guerre, telles que les décrit Jaurès sont encore présentes : « Nous savons très bien, les uns et les autres, qu’il y a dans le monde capitaliste des forces formidables de conflit, d’anarchie violente, d’antagonismes exaspérés que le prolétariat universel, au degré insuffisant d’organisation et de puissance politique où il est parvenu, ne peut se flatter encore de maîtriser avec certitude. La concurrence économique de peuple à peuple et d’individu à individu, l’appétit du gain, le besoin d’ouvrir à tout prix, même à coups de canon, des débouchés nouveaux pour dégager la production capitaliste, encombrée et comme étouffée sous son propre désordre, tout cela entretient l’humanité d’aujourd’hui à l’état de guerre permanente et latente ; ce qu’on appelle la guerre n’est que l’explosion de ce feu souterrain qui circule dans toutes les veines de la planète et qui est la fièvre chronique et profonde de toute vie. »
Derrière la guerre qui embrase depuis 25 ans (et même plus) le proche et moyen orient, il y a en effet la concurrence pour la domination économique : le contrôle du pétrole, les puissants marchés d’armement promis par l’Arabie Saoudite en particulier, l’encombrement de la production capitaliste (avec une crise boursière latente depuis plusieurs mois qui réveille le spectre de la récession de 2008), la crise commerciale Chine USA pour l’ouverture ou la fermeture des débouchés et la montée des protectionnismes.
L’Arabie des Saoud a signé des contrats faramineux d’abord avec l’industrie, en particulier militaire, américaine. Tout récemment, lors de sa visite à Paris du prince héritier, et nouvel « homme fort » Mohammed Bin Salman, 18 milliards d’Euros de contrat ont été signés par des grandes entreprises françaises avec l’Arabie Saoudite. Début mars, le même prince héritier s’était rendu à Londres, où il a donné un accord de principe pour l’achat au Royaume Uni de 48 avions de chasse. Il s’agit d’un contrat de plusieurs dizaines de miliards de livres. Mais, ce sont les USA de Donald Trump qui se sont taillées la part du lion. En mai 2017, lors de la visite de Trump à Ryiad, plus de 380 milliards de dollars de contrats avaient été signés, dont 110 milliards de contrats de vente d’armements.
Mais il y a autre chose aussi. La première guerre mondiale s’est achevée avec l’effondrement du Tsarisme, et la révolution qui embrasait l’Europe, en Russie, en Hongrie, en Allemagne. La révolution fut contenue à la Russie. La crise du capitalisment ne fut pas résolue. L’Italie puis l’Allemagne sombrèrent dans le fascisme. La crise de 29 frappa les économies capitalistes et, peu à peu, chacun des états capitalistes chercha dans le réarmement, puis la guerre la solution à cette crise. Jaurès, l’expliquait déjà en 1905 : « D’une guerre européenne peut jaillir la révolu*tion, et les classes dirigeantes feront bien d’y songer ; mais il en peut sortir aussi, pour une longue période, des crises de contre-révolution, de réaction furieuse, de nationalisme exaspéré, de dictature étouffante, de militarisme monstrueux, une longue chaîne de violences rétrogrades et de haines basses, de repré*sailles et de servitude. »
La seconde guerre mondiale fut pourtant très différente de la première. De la première était sorti en même temps la révolution et la « contre-révolution, la réaction furieuse, le nationalisme exaspéré » en un mot, le fascisme. La seconde guerre mondiale méla donc les rivalités industrielles et commerciales des grandes puissances avec un combat d’idée et de classe, le combat contre le fascisme, pour l’émancipation et le socialisme.
Jaurès, visionnaire, évoquait cette possibilité en rappelant la guerre de la France révolutionnaire contre l’Angleterre : « Quand s’engagea, il y a plus d’un siècle, la lutte formidable de l’Angleterre et de la France révolutionnaire devenue bientôt la France napoléonienne, des forces si diverses et si confuses conspiraient à la guerre qu’il était sans doute au-dessus de l’esprit humain de la conjurer. Ce n’était pas seulement une rivalité d’intérêts économiques et coloniaux qui mettait aux prises les deux peuples ; leur conflit s’agrandissait et s’aggravait de toutes les forces de dissension qui travaillaient l’univers. La France défendait contre le vieux monde sa liberté révolutionnaire : l’Angleterre défendait contre la démocratie absolue le privilège politique de ses classes dirigeantes. Il y avait sans cesse, pour reprendre un mot de Saint-Just, plusieurs orages dans le même horizon ; ou plutôt la guerre de l’Angleterre et de la France était comme l’orage central et dominant, alimenté par toutes les nuées qu’amenaient tous les souffles, grossi par tous les orages de l’humanité bouleversée. Et contre cet universel déchaînement de la tempête, il n’y avait aucune force organique de paix. »
La rivalité de la 2nde guerre mondiale « ne fut pas seulement une rivalité d’intérêts économiques et coloniaux ». Ceux-ci existaient, bien sûr, et pas seulement entre puissances belligérantes. Les USA mirent à profit la guerre pour s’ouvrir l’ensemble des marchés mondiaux, au détriment notamment de l’Angleterre et de la France. En Europe, il s’agissait d’abattre le fascisme et le nazisme. En France, la résistance à la collaboration et à l’occupation fut menée par le prolétariat, avec un projet de société nouvelle, qui deviendra la programme du Conseil National de la Résistance, créera la sécurité sociale et tant d’autres avancées. En Orient, la révolution chinoise cherchait déjà son chemin face à l’occupation japonaise. …
Depuis l’effondrement de l’Union Soviétique, le monde n’a cessé d’être en guerre. Il y eut très vite la 1ère guerre d’Irak, déclenchée par les USA, sous le prétexte de l’invasion du Koweit par Saddam Hussein. Puis plusieurs guerres de Yougoslavie. Puis le 11 septembre, les jihadistes d’Al Qaeda qui avait été armés et formé par l’occident contre l’Union Soviétique se sont retounés contre celui-ci. S’en suivi la guerre contre l’Afghanistan, puis très vite, et sous l’argument qui s’est avéré être un mensonge total et volontaire, de la détention par l’Irak d’armes de destruction massives. L’incendie se propagea à la Syrie et au Yemen. Il y eut enfin l’intervention militaire contre la Libye.
Le développement généralisé du jihadisme, de l’islamisme armé et intégriste n’est pas le fruit du hasard ni un trait anecdotique de la situation. Il est le fruit d’une politique au centre de laquelle se trouve l’alliance de longue date entre les capitaux et l’idéologie saoudienne et l’industrie pétrolière et militaire américaine. Il est un fléau semblable au fascisme, qui traverse le monde arabo-musulman depuis des décennies.
La crise financière et bancaire de 2008 a précipité le capitalisme mondial dans une ère de profonde instabilité économique. La prospérité d’avant-crise n’a pas été retrouvée, 10 ans après son déclenchement. Seul l’intervention massive des états et des banques centrales, au mépris de toutes les règles édictées auparavant, ont sauvé le système, sans toutefois résoudre aucun des problèmes fondamentaux auxquel il est confronté.
L’escalade actuelle n’est pas non plus sans rapport avec l’évolution des rapports de forces mondiaux et la montée en puissance de la Chine socialiste actuellement deuxième économie du monde. Des tensions commerciales énormes sont en train de se développer entre les USA et le reste du monde.
12 avril 2018
A l’heure où les USA, avec l’appui officiel et diplomatique de la France, de la Grande- Bretagne rassemble une flotte de guerre au large de la Syrie et du Liban, je me suis demandé ce que pensait Jean Jaurès à quelques jours de son assassinat et du déclenchement de la grande boucherie que fut la première guerre mondiale.
Jaurès a été la sentinelle constamment vigilante de la montée vers la guerre mondiale. Le discours dont est extrait la célèbre citation « Le capitalisme porte en liu la guerre comme la nuée porte l’orage » dans de 1895. Le discours que je présente ici date de 1905. Il devait être prononcé à Berlin, mais Jaurès fut interdit d’entrée sur le territoire allemand et le discours fut publié dans « L’humanité », le 9 juillet 1905, neuf ans avant l’assassinat et le déclenchement de la guerre.
Le monde a certes largement évolué depuis Jaurès et la 1ère guerre mondiale et il faut tenir compte de cette évolution. Ce qui était en 1914 l’arêne européenne, dans laquelle s’affrontait les principales puissances capitalistes rivales pour la domination mondiale est devenue le bloc occidental. Le capitalisme s’est répandu sur l’ensemble du globe et la population compte en milliards. Le détonateur ne se trouve plus seulement dans les Balkans. Le baril de poudre est mondial et le feu s’est déjà propagé du Sahel jusqu’en Afghanistan.
Mais les racines capitalistes de la guerre, telles que les décrit Jaurès sont encore présentes : « Nous savons très bien, les uns et les autres, qu’il y a dans le monde capitaliste des forces formidables de conflit, d’anarchie violente, d’antagonismes exaspérés que le prolétariat universel, au degré insuffisant d’organisation et de puissance politique où il est parvenu, ne peut se flatter encore de maîtriser avec certitude. La concurrence économique de peuple à peuple et d’individu à individu, l’appétit du gain, le besoin d’ouvrir à tout prix, même à coups de canon, des débouchés nouveaux pour dégager la production capitaliste, encombrée et comme étouffée sous son propre désordre, tout cela entretient l’humanité d’aujourd’hui à l’état de guerre permanente et latente ; ce qu’on appelle la guerre n’est que l’explosion de ce feu souterrain qui circule dans toutes les veines de la planète et qui est la fièvre chronique et profonde de toute vie. »
Derrière la guerre qui embrase depuis 25 ans (et même plus) le proche et moyen orient, il y a en effet la concurrence pour la domination économique : le contrôle du pétrole, les puissants marchés d’armement promis par l’Arabie Saoudite en particulier, l’encombrement de la production capitaliste (avec une crise boursière latente depuis plusieurs mois qui réveille le spectre de la récession de 2008), la crise commerciale Chine USA pour l’ouverture ou la fermeture des débouchés et la montée des protectionnismes.
L’Arabie des Saoud a signé des contrats faramineux d’abord avec l’industrie, en particulier militaire, américaine. Tout récemment, lors de sa visite à Paris du prince héritier, et nouvel « homme fort » Mohammed Bin Salman, 18 milliards d’Euros de contrat ont été signés par des grandes entreprises françaises avec l’Arabie Saoudite. Début mars, le même prince héritier s’était rendu à Londres, où il a donné un accord de principe pour l’achat au Royaume Uni de 48 avions de chasse. Il s’agit d’un contrat de plusieurs dizaines de miliards de livres. Mais, ce sont les USA de Donald Trump qui se sont taillées la part du lion. En mai 2017, lors de la visite de Trump à Ryiad, plus de 380 milliards de dollars de contrats avaient été signés, dont 110 milliards de contrats de vente d’armements.
Mais il y a autre chose aussi. La première guerre mondiale s’est achevée avec l’effondrement du Tsarisme, et la révolution qui embrasait l’Europe, en Russie, en Hongrie, en Allemagne. La révolution fut contenue à la Russie. La crise du capitalisment ne fut pas résolue. L’Italie puis l’Allemagne sombrèrent dans le fascisme. La crise de 29 frappa les économies capitalistes et, peu à peu, chacun des états capitalistes chercha dans le réarmement, puis la guerre la solution à cette crise. Jaurès, l’expliquait déjà en 1905 : « D’une guerre européenne peut jaillir la révolu*tion, et les classes dirigeantes feront bien d’y songer ; mais il en peut sortir aussi, pour une longue période, des crises de contre-révolution, de réaction furieuse, de nationalisme exaspéré, de dictature étouffante, de militarisme monstrueux, une longue chaîne de violences rétrogrades et de haines basses, de repré*sailles et de servitude. »
La seconde guerre mondiale fut pourtant très différente de la première. De la première était sorti en même temps la révolution et la « contre-révolution, la réaction furieuse, le nationalisme exaspéré » en un mot, le fascisme. La seconde guerre mondiale méla donc les rivalités industrielles et commerciales des grandes puissances avec un combat d’idée et de classe, le combat contre le fascisme, pour l’émancipation et le socialisme.
Jaurès, visionnaire, évoquait cette possibilité en rappelant la guerre de la France révolutionnaire contre l’Angleterre : « Quand s’engagea, il y a plus d’un siècle, la lutte formidable de l’Angleterre et de la France révolutionnaire devenue bientôt la France napoléonienne, des forces si diverses et si confuses conspiraient à la guerre qu’il était sans doute au-dessus de l’esprit humain de la conjurer. Ce n’était pas seulement une rivalité d’intérêts économiques et coloniaux qui mettait aux prises les deux peuples ; leur conflit s’agrandissait et s’aggravait de toutes les forces de dissension qui travaillaient l’univers. La France défendait contre le vieux monde sa liberté révolutionnaire : l’Angleterre défendait contre la démocratie absolue le privilège politique de ses classes dirigeantes. Il y avait sans cesse, pour reprendre un mot de Saint-Just, plusieurs orages dans le même horizon ; ou plutôt la guerre de l’Angleterre et de la France était comme l’orage central et dominant, alimenté par toutes les nuées qu’amenaient tous les souffles, grossi par tous les orages de l’humanité bouleversée. Et contre cet universel déchaînement de la tempête, il n’y avait aucune force organique de paix. »
La rivalité de la 2nde guerre mondiale « ne fut pas seulement une rivalité d’intérêts économiques et coloniaux ». Ceux-ci existaient, bien sûr, et pas seulement entre puissances belligérantes. Les USA mirent à profit la guerre pour s’ouvrir l’ensemble des marchés mondiaux, au détriment notamment de l’Angleterre et de la France. En Europe, il s’agissait d’abattre le fascisme et le nazisme. En France, la résistance à la collaboration et à l’occupation fut menée par le prolétariat, avec un projet de société nouvelle, qui deviendra la programme du Conseil National de la Résistance, créera la sécurité sociale et tant d’autres avancées. En Orient, la révolution chinoise cherchait déjà son chemin face à l’occupation japonaise. …
Depuis l’effondrement de l’Union Soviétique, le monde n’a cessé d’être en guerre. Il y eut très vite la 1ère guerre d’Irak, déclenchée par les USA, sous le prétexte de l’invasion du Koweit par Saddam Hussein. Puis plusieurs guerres de Yougoslavie. Puis le 11 septembre, les jihadistes d’Al Qaeda qui avait été armés et formé par l’occident contre l’Union Soviétique se sont retounés contre celui-ci. S’en suivi la guerre contre l’Afghanistan, puis très vite, et sous l’argument qui s’est avéré être un mensonge total et volontaire, de la détention par l’Irak d’armes de destruction massives. L’incendie se propagea à la Syrie et au Yemen. Il y eut enfin l’intervention militaire contre la Libye.
Le développement généralisé du jihadisme, de l’islamisme armé et intégriste n’est pas le fruit du hasard ni un trait anecdotique de la situation. Il est le fruit d’une politique au centre de laquelle se trouve l’alliance de longue date entre les capitaux et l’idéologie saoudienne et l’industrie pétrolière et militaire américaine. Il est un fléau semblable au fascisme, qui traverse le monde arabo-musulman depuis des décennies.
La crise financière et bancaire de 2008 a précipité le capitalisme mondial dans une ère de profonde instabilité économique. La prospérité d’avant-crise n’a pas été retrouvée, 10 ans après son déclenchement. Seul l’intervention massive des états et des banques centrales, au mépris de toutes les règles édictées auparavant, ont sauvé le système, sans toutefois résoudre aucun des problèmes fondamentaux auxquel il est confronté.
L’escalade actuelle n’est pas non plus sans rapport avec l’évolution des rapports de forces mondiaux et la montée en puissance de la Chine socialiste actuellement deuxième économie du monde. Des tensions commerciales énormes sont en train de se développer entre les USA et le reste du monde.
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