Par Ramin Mazaheri — 28 septembre 2017
L’Iran a dernièrement tenu des élections présidentielles, mais cet article ne parlera pas des candidats, du résultat ou des conséquences politiques.
Je travaille pour la chaine iranienne Press TV, ce qui fait basiquement de moi un fonctionnaire, et je pense qu’il est plus correct pour moi de ne pas révéler pour qui j’ai voté afin de préserver mon indépendance vis-à-vis du gouvernement. Je suis très heureux de travailler pour « le peuple » au lieu de travailler pour « une personne » – contrairement aux médias privés – et je soutiendrai tout candidat élu par le peuple.
Pourquoi soutiendrai-je le gouvernement iranien, quelle que soit la personne qui le dirige ? Ce n’est certes pas pour mon modeste salaire.
Je soutiens l’Iran parce que je soutiens le socialisme partout où je le trouve, et l’Iran a du socialisme en abondance.
Le socialisme iranien a réussi avec beaucoup de succès à redistribuer la richesse aux citoyens du quotidien ; à sauvegarder la sécurité de la nation malgré les bases militaires américaines qui l’encerclent et les menaces répétées ; à développer l’économie malgré un blocus international ; à produire une politique étrangère basée sur des principes politiques ; et à lutter contre les politiques identitaires clivantes qui sapent la solidarité humaine.
J’ai vu l’Iran de mes yeux au fil des décennies, contrairement à 99% des journalistes qui prétendent comprendre l’Iran, donc vous ne pourrez pas m’en dédire.
Et je ne vais même pas essayer de vous convaincre. Ce n’est pas non plus ce genre d’article.
Cet article vise à présenter aux lecteurs de gauche et aux partisans du socialisme une réalité qui devrait être très claire : l’Iran est une nation socialiste. Et plus encore : l’Iran est une réussite du socialisme.
L’Iran, comme toutes les nations, a connu une histoire et un développement uniques ; bien sûr, nous avons aussi lu Marx, depuis aussi longtemps que tout le monde.
Mais la manière la plus convaincante et la plus simple d’expliquer cela aux non-Iraniens est la suivante : l’Europe est parvenue au socialisme par l’industrialisation, la théorie et la guerre, mais l’Iran est parvenu au socialisme par ses croyances religieuses et ses principes moraux. Les fins sont les mêmes, et c’est tout ce qui devrait importer pour toute personne qui tente vraiment de promouvoir le socialisme pour les avantages qu’il apporte au citoyen de base.
Le problème n’est pas nous, c’est vous
Je le répète : quand il s’agit de considérer les contributions de l’Iran au socialisme, le problème n’est pas nous, c’est vous…
Je crois qu’environ 99% des Occidentaux n’ont aucune idée de ce qu’est vraiment l’Iran. Malheureusement, cette ignorance totale sur l’Iran et sur le monde musulman est la norme historique en Occident.
La plus grande contribution du spécialiste du Moyen-Orient Edward Said est que son livre Orientalisme a définitivement prouvé par la recherche historique que l’Occident n’a jamais, jamais été favorable au monde musulman.
Pas au 8ème siècle, lorsque les musulmans occupaient la péninsule ibérique, ni durant les siècles suivants, lorsque l’Islam était un concurrent idéologique du Christianisme ; pas au 15ème siècle, lorsque l’Empire ottoman occupait les Balkans ; pas au 19ème siècle, lorsque les Européens ont occupé le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord ; pas en 1916, quand ils ont redessiné les frontières au bénéfice de l’Occident ; pas en 1945, quand ils ont bombardé des pays comme la Syrie qui avaient pourtant combattu de leur côté contre les Allemands et les Italiens ; pas dans les années 1960, lorsque leur réaction à l’indépendance fut le néo-colonialisme ; pas en 1979, lorsqu’ils ont créé le précurseur des Talibans ; pas pendant deux guerres en Irak, une guerre en Syrie aujourd’hui, etc.
L’argument d’Edward Said était le suivant : Jamais l’Occident n’a considéré ou traité le monde musulman comme un égal, et encore moins un égal intellectuel.
Compte tenu de cette histoire, pourquoi les Iraniens devraient-ils s’attendre à ce que la réalité de notre modernité de haute performance soit acceptée et admirée ?
LOL, croyez-moi, je suis au-dessus de ça ! J’écris ceci pour vous éclairer, pas pour moi ! J’espère humblement que j’y arriverai.
Je vais aborder la pierre d’achoppement (bien plutôt un rocher) manifeste du problème, et rapidement : Oui, je suppose qu’une grande partie de ce préjugé contre l’Iran est religieux. Certains chrétiens ne peuvent pas accepter que l’Islam promeuve le plus récent Prophète du monothéisme qu’ils partagent tous les deux. [Et tous les adeptes du culte fanatique de la laïcité, après avoir durablement détruit l’Eglise, ne sauraient avoir que répulsion pour tout ce qui évoque l’Islam].
De tels préjugés religieux ne sont pas mon problème, et ils n’aveuglent pas mon analyse de l’Iran en 2017.
Aucun socialiste ne croit en un « choc de civilisations » ou une « guerre de religions », de toute façon.
Mon but n’est pas de critiquer l’Europe pour son manque de fraternité avec sa consœur religion abrahamique qu’est l’Islam. Mais je la critique en 2017 parce que la plupart des Occidentaux croient que même les Iraniens les plus à gauche ne peuvent pas même pas être qualifiés de « sociaux-démocrates conservateurs » !
Peut-il jamais y avoir un « démocrate » musulman ou un « républicain » iranien ?
La preuve de ce parti pris est les décennies d’oppression occidentale contre les Frères musulmans [qu’ils ont pourtant assisté contre le sécularisme souverainiste de Nasser ou Hafez al-Assad], contre la Révolution iranienne et contre toute tentative musulmane visant à permettre à leur religion de s’inscrire dans leur politique. Cela bien que les partis chrétiens-démocrates aient gouverné l’Europe pendant des décennies après la Seconde Guerre mondiale, et il serait absurde de penser que le dogme chrétien ne soit nullement respecté et promu aujourd’hui au sein de la politique européenne [sauf pouf le laïcisme français, foncièrement antireligieux].
Donc, si les Iraniens ne peuvent même pas être considérés à la hauteur de notions du 19ème siècle, pourquoi l’Occident accepterait-il que l’Iran de 2017 soit encore plus véritablement de gauche que l’idéologie à peine centriste de la social-démocratie européenne ?
Bien sûr, l’Européen moyen ne peut pas l’accepter, et c’est pourquoi les socialistes occidentaux seront atterrés par l’idée que l’Iran est une « réussite méconnue du socialisme ».
La gauche radicale du socialisme européen, qui cherche à détruire la religion organisée, en est particulièrement effarée, mais ils ne sont qu’une petite minorité, heureusement en voie de disparition. Ils ne se rendent pas compte qu’ils ont déjà été drastiquement dilués, sinon évincés, dans les pays encore socialistes qu’ils prétendent admirer : Cuba est pleine de photos de la Santeria et du Pape, le confucianisme yin-yang est promu en Chine, etc.
Mais ces radicaux occidentaux sont une minorité qui ne peut tout simplement pas accepter que la spiritualité ne soit pas effacée, en grande partie parce qu’ils la considèrent comme un choix ou un conditionnement social au lieu d’une partie de la nature intrinsèque d’innombrables individus, bien que ce ne soit pas le cas pour eux. Un socialiste moderne doit accepter le fait que cette lutte a déjà été menée et décidée. Les capitalistes avancent certainement leurs pions pendant que (tels des chiens), nous pourchassons notre queue…
Même si les détracteurs de gauche peuvent s’accommoder de la religion, ils parleront immédiatement des manquements de l’Iran quant aux droits de l’homme.
Je réponds en baillant lourdement : les Afro-Américains remplissent les prisons américaines ; les musulmans remplissent les prisons de France ; nous sommes au centenaire de la famine perse orchestrée par les Britanniques, qui a tué 8 à 10 millions de personnes et a réellement fait de l’Iran la plus grande victime de la Première Guerre mondiale – et ce n’est là qu’une famine / hécatombe / violation des droits de l’homme d’origine occidentale / capitaliste parmi tant d’autres.
Je ne suis pas là pour dire que l’Iran est parfait – seul Dieu peut l’être – mais je dis que l’Iran n’est absolument pas pire que l’Occident. C’est un fait indéniable que la République islamique d’Iran actuelle a beaucoup moins de sang sur les mains que la plupart des autres pays – et l’Iran n’a envahi aucun pays depuis 300 ans !
La religion, les droits de l’homme – ce ne sont que des détournements classiques des faits présentés pour dénigrer les sociétés socialistes, et l’Iran en est certainement une.
L’Iran remplit tous les critères de la nation socialiste et du socialisme révolutionnaire
Quels sont les éléments-clés du socialisme ? Clarifions nos termes.
Le premier élément-clé du socialisme est le leadership d’un parti d’avant-garde résolu à défendre la révolution : l’Iran en a certainement un, et il transcende les lignes de parti classiques entre « Principalistes » et « Réformistes ».
Le deuxième est la planification centrale de l’économie : peu importe qui gagne les élections à cet égard, car il mettra largement en œuvre le 6ème plan quinquennal (2016-2021). Et il y a aussi l’approche « Économie de la résistance » promue par beaucoup, qui est certainement anti-mondialisation.
L’Iran a dernièrement tenu des élections présidentielles, mais cet article ne parlera pas des candidats, du résultat ou des conséquences politiques.
Je travaille pour la chaine iranienne Press TV, ce qui fait basiquement de moi un fonctionnaire, et je pense qu’il est plus correct pour moi de ne pas révéler pour qui j’ai voté afin de préserver mon indépendance vis-à-vis du gouvernement. Je suis très heureux de travailler pour « le peuple » au lieu de travailler pour « une personne » – contrairement aux médias privés – et je soutiendrai tout candidat élu par le peuple.
Pourquoi soutiendrai-je le gouvernement iranien, quelle que soit la personne qui le dirige ? Ce n’est certes pas pour mon modeste salaire.
Je soutiens l’Iran parce que je soutiens le socialisme partout où je le trouve, et l’Iran a du socialisme en abondance.
Le socialisme iranien a réussi avec beaucoup de succès à redistribuer la richesse aux citoyens du quotidien ; à sauvegarder la sécurité de la nation malgré les bases militaires américaines qui l’encerclent et les menaces répétées ; à développer l’économie malgré un blocus international ; à produire une politique étrangère basée sur des principes politiques ; et à lutter contre les politiques identitaires clivantes qui sapent la solidarité humaine.
J’ai vu l’Iran de mes yeux au fil des décennies, contrairement à 99% des journalistes qui prétendent comprendre l’Iran, donc vous ne pourrez pas m’en dédire.
Et je ne vais même pas essayer de vous convaincre. Ce n’est pas non plus ce genre d’article.
Cet article vise à présenter aux lecteurs de gauche et aux partisans du socialisme une réalité qui devrait être très claire : l’Iran est une nation socialiste. Et plus encore : l’Iran est une réussite du socialisme.
L’Iran, comme toutes les nations, a connu une histoire et un développement uniques ; bien sûr, nous avons aussi lu Marx, depuis aussi longtemps que tout le monde.
Mais la manière la plus convaincante et la plus simple d’expliquer cela aux non-Iraniens est la suivante : l’Europe est parvenue au socialisme par l’industrialisation, la théorie et la guerre, mais l’Iran est parvenu au socialisme par ses croyances religieuses et ses principes moraux. Les fins sont les mêmes, et c’est tout ce qui devrait importer pour toute personne qui tente vraiment de promouvoir le socialisme pour les avantages qu’il apporte au citoyen de base.
Le problème n’est pas nous, c’est vous
Je le répète : quand il s’agit de considérer les contributions de l’Iran au socialisme, le problème n’est pas nous, c’est vous…
Je crois qu’environ 99% des Occidentaux n’ont aucune idée de ce qu’est vraiment l’Iran. Malheureusement, cette ignorance totale sur l’Iran et sur le monde musulman est la norme historique en Occident.
La plus grande contribution du spécialiste du Moyen-Orient Edward Said est que son livre Orientalisme a définitivement prouvé par la recherche historique que l’Occident n’a jamais, jamais été favorable au monde musulman.
Pas au 8ème siècle, lorsque les musulmans occupaient la péninsule ibérique, ni durant les siècles suivants, lorsque l’Islam était un concurrent idéologique du Christianisme ; pas au 15ème siècle, lorsque l’Empire ottoman occupait les Balkans ; pas au 19ème siècle, lorsque les Européens ont occupé le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord ; pas en 1916, quand ils ont redessiné les frontières au bénéfice de l’Occident ; pas en 1945, quand ils ont bombardé des pays comme la Syrie qui avaient pourtant combattu de leur côté contre les Allemands et les Italiens ; pas dans les années 1960, lorsque leur réaction à l’indépendance fut le néo-colonialisme ; pas en 1979, lorsqu’ils ont créé le précurseur des Talibans ; pas pendant deux guerres en Irak, une guerre en Syrie aujourd’hui, etc.
L’argument d’Edward Said était le suivant : Jamais l’Occident n’a considéré ou traité le monde musulman comme un égal, et encore moins un égal intellectuel.
Compte tenu de cette histoire, pourquoi les Iraniens devraient-ils s’attendre à ce que la réalité de notre modernité de haute performance soit acceptée et admirée ?
LOL, croyez-moi, je suis au-dessus de ça ! J’écris ceci pour vous éclairer, pas pour moi ! J’espère humblement que j’y arriverai.
Je vais aborder la pierre d’achoppement (bien plutôt un rocher) manifeste du problème, et rapidement : Oui, je suppose qu’une grande partie de ce préjugé contre l’Iran est religieux. Certains chrétiens ne peuvent pas accepter que l’Islam promeuve le plus récent Prophète du monothéisme qu’ils partagent tous les deux. [Et tous les adeptes du culte fanatique de la laïcité, après avoir durablement détruit l’Eglise, ne sauraient avoir que répulsion pour tout ce qui évoque l’Islam].
De tels préjugés religieux ne sont pas mon problème, et ils n’aveuglent pas mon analyse de l’Iran en 2017.
Aucun socialiste ne croit en un « choc de civilisations » ou une « guerre de religions », de toute façon.
Mon but n’est pas de critiquer l’Europe pour son manque de fraternité avec sa consœur religion abrahamique qu’est l’Islam. Mais je la critique en 2017 parce que la plupart des Occidentaux croient que même les Iraniens les plus à gauche ne peuvent pas même pas être qualifiés de « sociaux-démocrates conservateurs » !
Peut-il jamais y avoir un « démocrate » musulman ou un « républicain » iranien ?
La preuve de ce parti pris est les décennies d’oppression occidentale contre les Frères musulmans [qu’ils ont pourtant assisté contre le sécularisme souverainiste de Nasser ou Hafez al-Assad], contre la Révolution iranienne et contre toute tentative musulmane visant à permettre à leur religion de s’inscrire dans leur politique. Cela bien que les partis chrétiens-démocrates aient gouverné l’Europe pendant des décennies après la Seconde Guerre mondiale, et il serait absurde de penser que le dogme chrétien ne soit nullement respecté et promu aujourd’hui au sein de la politique européenne [sauf pouf le laïcisme français, foncièrement antireligieux].
Donc, si les Iraniens ne peuvent même pas être considérés à la hauteur de notions du 19ème siècle, pourquoi l’Occident accepterait-il que l’Iran de 2017 soit encore plus véritablement de gauche que l’idéologie à peine centriste de la social-démocratie européenne ?
Bien sûr, l’Européen moyen ne peut pas l’accepter, et c’est pourquoi les socialistes occidentaux seront atterrés par l’idée que l’Iran est une « réussite méconnue du socialisme ».
La gauche radicale du socialisme européen, qui cherche à détruire la religion organisée, en est particulièrement effarée, mais ils ne sont qu’une petite minorité, heureusement en voie de disparition. Ils ne se rendent pas compte qu’ils ont déjà été drastiquement dilués, sinon évincés, dans les pays encore socialistes qu’ils prétendent admirer : Cuba est pleine de photos de la Santeria et du Pape, le confucianisme yin-yang est promu en Chine, etc.
Mais ces radicaux occidentaux sont une minorité qui ne peut tout simplement pas accepter que la spiritualité ne soit pas effacée, en grande partie parce qu’ils la considèrent comme un choix ou un conditionnement social au lieu d’une partie de la nature intrinsèque d’innombrables individus, bien que ce ne soit pas le cas pour eux. Un socialiste moderne doit accepter le fait que cette lutte a déjà été menée et décidée. Les capitalistes avancent certainement leurs pions pendant que (tels des chiens), nous pourchassons notre queue…
Même si les détracteurs de gauche peuvent s’accommoder de la religion, ils parleront immédiatement des manquements de l’Iran quant aux droits de l’homme.
Je réponds en baillant lourdement : les Afro-Américains remplissent les prisons américaines ; les musulmans remplissent les prisons de France ; nous sommes au centenaire de la famine perse orchestrée par les Britanniques, qui a tué 8 à 10 millions de personnes et a réellement fait de l’Iran la plus grande victime de la Première Guerre mondiale – et ce n’est là qu’une famine / hécatombe / violation des droits de l’homme d’origine occidentale / capitaliste parmi tant d’autres.
Je ne suis pas là pour dire que l’Iran est parfait – seul Dieu peut l’être – mais je dis que l’Iran n’est absolument pas pire que l’Occident. C’est un fait indéniable que la République islamique d’Iran actuelle a beaucoup moins de sang sur les mains que la plupart des autres pays – et l’Iran n’a envahi aucun pays depuis 300 ans !
La religion, les droits de l’homme – ce ne sont que des détournements classiques des faits présentés pour dénigrer les sociétés socialistes, et l’Iran en est certainement une.
L’Iran remplit tous les critères de la nation socialiste et du socialisme révolutionnaire
Quels sont les éléments-clés du socialisme ? Clarifions nos termes.
Le premier élément-clé du socialisme est le leadership d’un parti d’avant-garde résolu à défendre la révolution : l’Iran en a certainement un, et il transcende les lignes de parti classiques entre « Principalistes » et « Réformistes ».
Le deuxième est la planification centrale de l’économie : peu importe qui gagne les élections à cet égard, car il mettra largement en œuvre le 6ème plan quinquennal (2016-2021). Et il y a aussi l’approche « Économie de la résistance » promue par beaucoup, qui est certainement anti-mondialisation.
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