(1re partie)
Par Ammar Koroghli
L’Algérie est une terre millénaire : des royaumes numides aux invasions romaine, vandale et byzantine. Suite à l’islamisation de la terre algérienne, elle connaît — ainsi d’ailleurs que le Maroc et la Tunisie — les dynasties des Rostémides, Zirides, Hammadides, Zianides, voire Almoravides et Almohades. Territorialement, l’Algérie contemporaine se constitue avec la Régence d’Alger et se perpétue par un Etat-nation après la colonisation française. Dans cette contribution qui se décline en trois parties, j’évoquerai donc le passé de notre Djazaïr ; plus tard, je reviendrai sur El Djazaïr post-indépendance.
Selon les chercheurs, le territoire d’El Djazaïr n’a cessé d’être habité pour une période qui oscille entre 500 000 ans et un million d'années. Des découvertes témoignent de la présence de l’Homo erectus, «contemporain des derniers australopithèques». La présence humaine, datée de 30 000 ans, est attestée par du «matériel lithique» (de pierre) retrouvé sur les gisements côtiers de Mostaganem et Ténès. Il semble également que le paysage était proche de celui de l’Europe (forêt et cours d’eau coulant jusqu’aux confins du Sahara) ; on y trouvait éléphants, rhinocéros, hippopotames, lions, girafes, autruches et antilopes. Dans l’Atlas saharien (Hoggar et plateau du Tassili), on décèle des gravures rupestres de l’homme néolithique d’une richesse artistique reconnue et… délaissée. La fin du néolithique au Maghreb est notamment caractérisée par l’assèchement du climat. Il semble admis que l’actuelle El Djazaïr soit sortie de la Préhistoire vers les XIIe et XIe siècles avant J.-C., lorsque les Phéniciens, navigateurs et commerçants émérites, y débarquèrent.
Deux sites algériens (l’un situé à Aïn El Ahnech près de Sétif et l’autre à Tighennif près de Mascara) attestent de la présence d’hominidés. L’archéologie confirme ainsi l’existence d’ancêtres sur plusieurs milliers d’années. L'Homme de Tighennif est considéré comme le plus ancien représentant connu du peuplement du Maghreb avec l’Atérien (de Bir El Ater, wilaya de Tébessa) où les fouilles archéologiques ont permis de révéler des armes très raffinées servant probablement à la chasse.
Et avec la révolution néolithique sont apparues les sociétés qui se sont sédentarisées pour produire leur nourriture au moyen de l'agriculture et de l’élevage. Il semble que les Capsiens (de Capsa, l’actuelle Gafsa), ancêtres des Numides berbères, sont apparus dans le sud constantinois ; ils s'installaient sur des sites à proximité d'un oued ou près des montagnes. Ils migrèrent aux alentours de 3 000 avant J.-C. au sud de l'Atlas tellien pour se retrouver au-delà de la ville actuelle de Batna, jusqu’à Tamanghasset (Tamanrasset) où ils laissèrent derrière eux les peintures rupestres (celles du Tassili n'Ajjer étant les plus réputées).
Ce sont autant de musées à ciel ouvert qui durent depuis plusieurs millénaires et soumis, hélas, à la dégradation du temps.
Il est admis par les historiens que la langue capsienne représente l'ancêtre des langues berbères au Maghreb (tamazight). Les Grecs les appelaient «Libyens» et leur terre «Libye». Il y eût au Sud les Gétules (peuples berbères d’Afrique du Nord décrits comme des nomades et des cavaliers chevronnés) et au nord, les comptoirs phéniciens (peuple originaire des cités de Phénicie, région correspondant au Liban), ensuite les Garamantes (Berbères libyens mentionnés par Hérodote) et finalement les Numides (ancien royaume du Maghreb central qui avait pour capitale Cirta, l'actuelle Constantine). El Djazaïr, conquise par Rome, fut transformée en province romaine ; christianisés, les Berbères résistèrent à Rome, ensuite aux Vandales et à Byzance. Tour à tour, ils ont été désignés sous les noms de Libyens, Maures, Gétules, Garamantes, Numides... Géographiquement, ils étaient établis sur des territoires s’étendant des Iles Canaries à l’Egypte. Parmi les noms illustres des Berbères figurent les empereurs Septime Sévère (par son père, il descend d'une famille d'origine libyco-punique, de culture punique et ayant obtenu la citoyenneté romaine depuis le Ier siècle) et Caracalla (d'origine punique également et berbère par son père Septime Sévère et syrienne par sa mère). D’autres noms non moins prestigieux : les rois numides Massinissa et Jugurtha, mais aussi Juba I et Juba II. Il y eût également Dihya — une reine guerrière berbère zénète des Aurès — et Tin Hinan qui, selon la tradition touarègue, est une princesse originaire de la tribu berbère du Tafilalet marocain qui s’est installée dans le Hoggar algérien. Outre les auteurs Apulée et Augustin, on peut de même citer Youcef Ibn Tachfine (berbère sanhadjien d’Adrar, semble-t-il), Tarek Ibn Ziyad (avec d'autres Berbères, il fut l’un des principaux acteurs de la conquête islamique de la péninsule Ibérique), Ibn Battouta (explorateur et voyageur musulman marocain d'origine berbère qui a parcouru près de 120 000 km)… La Numidie est sans doute le royaume berbère le plus connu. Selon Ibn Khaldoun, le terme amazigh désignerait le patriarche du peuple berbère.
Des Berbères
Historiquement, la question de l’origine des Berbères s’est posée depuis longtemps. Ainsi, selon Hérodote, les Libyens (vocable utilisé alors comme terme générique pour désigner les Nord-Africains) prétendaient descendre des Troyens. S’interrogeant sur les origines des Berbères, Salluste consulte les ouvrages en langue punique.
Diodore de Sicile présente les Berbères comme «arrivés à un assez haut degré de puissance et de civilisation». Le Moyen Âge, à l’appui de récits bibliques et de références historiques étudiées notamment par Ibn Khaldoun, place les Berbères comme ayant une origine chamitique. Ce terme ancien désignait un sous-groupe d’origine caucasienne regroupant, outre des populations sémites, des populations originaires d'Afrique du Nord, de la Corne de l'Afrique, de l'Arabie du Sud, voire d’anciens Égyptiens parlant des langues afro-asiatiques autres que les langues sémitiques. Aux XIXe et XXe siècles, plusieurs auteurs leur attribuèrent une origine européenne et nordique.
Il semblerait que, d’études génétiques, anthropologiques et linguistiques et d’études comparatives entre la langue berbère et d’autres langues, des historiens (tel Charles-André Julien) veulent montrer que les Nord-Africains actuels (arabophones comme
berbérophones) descendent essentiellement des Berbères. Toujours est-il que, pour qualifier à la fois l’ethnie et la langue du Maghreb, le vocable «berbère» fut le plus utilisé (à l’origine «barbaros» utilisé par les Grecs, puis par les Romains qui jugeaient «barabares» tous éléments étrangers à leurs cultures. Ibn Khaldoun l’utilse aussi dans son ouvrage : Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l’Afrique septentrionale. Anthropologiquement, au paléolithique, vivait l'homme de Tafoghalt de type «cromagnoïde». Des tests génétiques sur les squelettes de Tafoghalt semblent avoir confirmé l'origine ouest-eurasienne des Berbères (au sens géographique, l'Eurasie est formé de l'Europe à l'ouest et de l'Asie à l'est). Il appert également qu’au néolithique, le Capsien de type «méditerranoïde» venant de l'est de la Tunisie s’y adjoint, la culture capsienne étant décrite comme «proto-berbère».
Les linguistes pensent que les langues berbères (la langue amazighe) appartiennent à la famille des langues chamito-sémitiques («langues sémitiques, amharique, copte, langues tchadiques»…). En tout état de cause, Ibn Khaldoun fait remonter l'origine des Berbères à Mazigh, fils de Canaan. Les Berbères descendraient ainsi de Canaan, fils de Cham. Dans son ouvrage intitulé l'«Histoire des Berbères», il cite les travaux déjà faits sur la généalogie ancienne en désignant deux grandes familles : Madghis (Medghassen) et Barnis. Les Berbères, formés de plusieurs alliances entre les Gétules, les Garamantes, les Libyens…, ont noué des relations culturelles avec les Phéniciens. De ces échanges est née la brillante civilisation carthaginoise durant laquelle plusieurs villes portuaires furent érigées (dont Carthage), mais également avec l'Afrique noire, l'Égypte ancienne, la Grèce antique, l'Empire romain. Par la suite, il y eut la première guerre punique ; Massinissa mit en place le premier Etat : la Numidie. Durant l'ère pré-romaine, plusieurs Etats indépendants se succédèrent : Massaesyles, Massyles, Maures (Berbères nomades)… Le roi Massinissa unifia la Numidie et fonda la capitale Cirta. Au cours de la deuxième guerre punique, les Massaesyles (commandés par Syphax) s’allièrent à Carthage alors que les Massyles (commandés par Massinissa) se rallièrent à Rome. La guerre finie, les Romains attribuèrent la Numidie à Massinissa. A la mort de ce dernier, Scipion Emilien (général et homme d’Etat romain) partagea la Numidie entre les trois fils du roi. Rome obligea Micipsa, dernier fils de Massinissa, à répartir sa part entre ses deux fils et Jugurtha, fils naturel de son frère. Dans sa quête d’unification du royaume, ce dernier fit assassiner ses cousins et se rebella contre Rome à qui il infligea de sévères défaites. Mais il fut livré à Rome par Bocchus, son beau-père et jusque-là allié. La Numidie fut partagée : sa partie occidentale fut attribuée à celui-ci (il devint ainsi roi de Maurétanie), le reste fut laissé à un roi vassal de Rome. Plus tard, les Romains parvinrent à devenir maîtres de la totalité du Maghreb qui fut divisé en provinces.
La Numidie
Au IIIe siècle, l’Afrique du Nord était divisée en trois royaumes berbères : celui des Maures (royaume de Maurétanie), au centre celui des Masaesyles avec à sa tête le roi Syphax et près de Carthage, le royaume des Massyles. Les Masaesyles et les Massyles s'opposaient. Massinissa, chef des Massyles, parvint à unifier la Numidie, à défendre l'indépendance de son royaume et à acquérir une prospérité économique (notamment développement de l'agriculture et de l'élevage). Une monnaie fut frappée à son effigie. D’un point de vue de l’organisation politique, chaque province avait un gouverneur et à la tête de chaque tribu un «Amokrane» (un chef). Parmi ses conseillers figurèrent ses trois fils : Gulussa (chargé de l’armée), Mastanabal (chargé du trésor royal) et Micipsa (auquel furent déléguées certaines affaires). A sa mort, s’ensuivit une difficulté de succession (déjà le problème de succession se posait à El Djazaïr) ; la Numidie connut alors des troubles politiques.
Ce fut Micipsa, qui lui succéda ; il envoya Jugurtha (petit-fils de Massinissa) en Ibérie à seule fin de l'éloigner du pouvoir et nomma Gulussa vice-roi et ministre de la Guerre. Toutefois, ses deux fils Adherbal et Hiempsal achevèrent l’œuvre d'unification de Massinissa en scindant la Numidie en Numidie orientale et occidentale. S’ensuivit ensuite une guerre entre Rome et la Numidie lorsque Jugurtha y revint pour s’emparer du pouvoir en exécutant Hiempsal et en expulsant Adherbal afin de réunifier de nouveau la Numidie.
Non satisfaite de cette politique, Rome se mit en devoir de chercher querelle à Jugurtha. Conscient de l'étendue de la corruption qui prévalait chez les officiels romains, il semble qu’il se soit résolu à corrompre une partie de la classe politique romaine pour avoir la paix. Rome reconnut diplomatiquement la Numidie occidentale, mais imposa Adherbal sur le trône en Numidie orientale. Jugurtha, n’arrivant pas à s’y résoudre, finit par envahir cette partie de la Numidie afin de la réunir de nouveau. L’exécution par celui-ci de plusieurs hommes d'affaires romains opérant en Numidie orientale exacerba Rome. Derechef, Jugurtha parvint à corrompre ses responsables politiques. Malgré la conclusion d’un traité de paix, les légions romaines envahirent la Numidie. Jugurtha parvint à résister durant des années, combinant manœuvres militaires face aux Romains et politiques avec le roi Bocchus Ier de Maurétanie qui finit par trahir Jugurtha (capturé lors d’un guet-apens et exécuté). Dès lors, la partie occidentale de la Numidie fut attribuée à Bocchus, roi de Maurétanie. Les populations se rebellèrent de nombreuses fois (notamment les Zénètes).
Par ailleurs, autour de Tlemcen, des populations composant les royaumes Gétules auraient agi de même. On évoque le cas de Tacfarinas qui parvint à soulever celles-ci ; il mourut à Pomaria (l’actuelle ville de Tlemcen). La Numidie constitua alors une province de fait.
Par Ammar Koroghli
L’Algérie est une terre millénaire : des royaumes numides aux invasions romaine, vandale et byzantine. Suite à l’islamisation de la terre algérienne, elle connaît — ainsi d’ailleurs que le Maroc et la Tunisie — les dynasties des Rostémides, Zirides, Hammadides, Zianides, voire Almoravides et Almohades. Territorialement, l’Algérie contemporaine se constitue avec la Régence d’Alger et se perpétue par un Etat-nation après la colonisation française. Dans cette contribution qui se décline en trois parties, j’évoquerai donc le passé de notre Djazaïr ; plus tard, je reviendrai sur El Djazaïr post-indépendance.
Selon les chercheurs, le territoire d’El Djazaïr n’a cessé d’être habité pour une période qui oscille entre 500 000 ans et un million d'années. Des découvertes témoignent de la présence de l’Homo erectus, «contemporain des derniers australopithèques». La présence humaine, datée de 30 000 ans, est attestée par du «matériel lithique» (de pierre) retrouvé sur les gisements côtiers de Mostaganem et Ténès. Il semble également que le paysage était proche de celui de l’Europe (forêt et cours d’eau coulant jusqu’aux confins du Sahara) ; on y trouvait éléphants, rhinocéros, hippopotames, lions, girafes, autruches et antilopes. Dans l’Atlas saharien (Hoggar et plateau du Tassili), on décèle des gravures rupestres de l’homme néolithique d’une richesse artistique reconnue et… délaissée. La fin du néolithique au Maghreb est notamment caractérisée par l’assèchement du climat. Il semble admis que l’actuelle El Djazaïr soit sortie de la Préhistoire vers les XIIe et XIe siècles avant J.-C., lorsque les Phéniciens, navigateurs et commerçants émérites, y débarquèrent.
Deux sites algériens (l’un situé à Aïn El Ahnech près de Sétif et l’autre à Tighennif près de Mascara) attestent de la présence d’hominidés. L’archéologie confirme ainsi l’existence d’ancêtres sur plusieurs milliers d’années. L'Homme de Tighennif est considéré comme le plus ancien représentant connu du peuplement du Maghreb avec l’Atérien (de Bir El Ater, wilaya de Tébessa) où les fouilles archéologiques ont permis de révéler des armes très raffinées servant probablement à la chasse.
Et avec la révolution néolithique sont apparues les sociétés qui se sont sédentarisées pour produire leur nourriture au moyen de l'agriculture et de l’élevage. Il semble que les Capsiens (de Capsa, l’actuelle Gafsa), ancêtres des Numides berbères, sont apparus dans le sud constantinois ; ils s'installaient sur des sites à proximité d'un oued ou près des montagnes. Ils migrèrent aux alentours de 3 000 avant J.-C. au sud de l'Atlas tellien pour se retrouver au-delà de la ville actuelle de Batna, jusqu’à Tamanghasset (Tamanrasset) où ils laissèrent derrière eux les peintures rupestres (celles du Tassili n'Ajjer étant les plus réputées).
Ce sont autant de musées à ciel ouvert qui durent depuis plusieurs millénaires et soumis, hélas, à la dégradation du temps.
Il est admis par les historiens que la langue capsienne représente l'ancêtre des langues berbères au Maghreb (tamazight). Les Grecs les appelaient «Libyens» et leur terre «Libye». Il y eût au Sud les Gétules (peuples berbères d’Afrique du Nord décrits comme des nomades et des cavaliers chevronnés) et au nord, les comptoirs phéniciens (peuple originaire des cités de Phénicie, région correspondant au Liban), ensuite les Garamantes (Berbères libyens mentionnés par Hérodote) et finalement les Numides (ancien royaume du Maghreb central qui avait pour capitale Cirta, l'actuelle Constantine). El Djazaïr, conquise par Rome, fut transformée en province romaine ; christianisés, les Berbères résistèrent à Rome, ensuite aux Vandales et à Byzance. Tour à tour, ils ont été désignés sous les noms de Libyens, Maures, Gétules, Garamantes, Numides... Géographiquement, ils étaient établis sur des territoires s’étendant des Iles Canaries à l’Egypte. Parmi les noms illustres des Berbères figurent les empereurs Septime Sévère (par son père, il descend d'une famille d'origine libyco-punique, de culture punique et ayant obtenu la citoyenneté romaine depuis le Ier siècle) et Caracalla (d'origine punique également et berbère par son père Septime Sévère et syrienne par sa mère). D’autres noms non moins prestigieux : les rois numides Massinissa et Jugurtha, mais aussi Juba I et Juba II. Il y eût également Dihya — une reine guerrière berbère zénète des Aurès — et Tin Hinan qui, selon la tradition touarègue, est une princesse originaire de la tribu berbère du Tafilalet marocain qui s’est installée dans le Hoggar algérien. Outre les auteurs Apulée et Augustin, on peut de même citer Youcef Ibn Tachfine (berbère sanhadjien d’Adrar, semble-t-il), Tarek Ibn Ziyad (avec d'autres Berbères, il fut l’un des principaux acteurs de la conquête islamique de la péninsule Ibérique), Ibn Battouta (explorateur et voyageur musulman marocain d'origine berbère qui a parcouru près de 120 000 km)… La Numidie est sans doute le royaume berbère le plus connu. Selon Ibn Khaldoun, le terme amazigh désignerait le patriarche du peuple berbère.
Des Berbères
Historiquement, la question de l’origine des Berbères s’est posée depuis longtemps. Ainsi, selon Hérodote, les Libyens (vocable utilisé alors comme terme générique pour désigner les Nord-Africains) prétendaient descendre des Troyens. S’interrogeant sur les origines des Berbères, Salluste consulte les ouvrages en langue punique.
Diodore de Sicile présente les Berbères comme «arrivés à un assez haut degré de puissance et de civilisation». Le Moyen Âge, à l’appui de récits bibliques et de références historiques étudiées notamment par Ibn Khaldoun, place les Berbères comme ayant une origine chamitique. Ce terme ancien désignait un sous-groupe d’origine caucasienne regroupant, outre des populations sémites, des populations originaires d'Afrique du Nord, de la Corne de l'Afrique, de l'Arabie du Sud, voire d’anciens Égyptiens parlant des langues afro-asiatiques autres que les langues sémitiques. Aux XIXe et XXe siècles, plusieurs auteurs leur attribuèrent une origine européenne et nordique.
Il semblerait que, d’études génétiques, anthropologiques et linguistiques et d’études comparatives entre la langue berbère et d’autres langues, des historiens (tel Charles-André Julien) veulent montrer que les Nord-Africains actuels (arabophones comme
berbérophones) descendent essentiellement des Berbères. Toujours est-il que, pour qualifier à la fois l’ethnie et la langue du Maghreb, le vocable «berbère» fut le plus utilisé (à l’origine «barbaros» utilisé par les Grecs, puis par les Romains qui jugeaient «barabares» tous éléments étrangers à leurs cultures. Ibn Khaldoun l’utilse aussi dans son ouvrage : Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l’Afrique septentrionale. Anthropologiquement, au paléolithique, vivait l'homme de Tafoghalt de type «cromagnoïde». Des tests génétiques sur les squelettes de Tafoghalt semblent avoir confirmé l'origine ouest-eurasienne des Berbères (au sens géographique, l'Eurasie est formé de l'Europe à l'ouest et de l'Asie à l'est). Il appert également qu’au néolithique, le Capsien de type «méditerranoïde» venant de l'est de la Tunisie s’y adjoint, la culture capsienne étant décrite comme «proto-berbère».
Les linguistes pensent que les langues berbères (la langue amazighe) appartiennent à la famille des langues chamito-sémitiques («langues sémitiques, amharique, copte, langues tchadiques»…). En tout état de cause, Ibn Khaldoun fait remonter l'origine des Berbères à Mazigh, fils de Canaan. Les Berbères descendraient ainsi de Canaan, fils de Cham. Dans son ouvrage intitulé l'«Histoire des Berbères», il cite les travaux déjà faits sur la généalogie ancienne en désignant deux grandes familles : Madghis (Medghassen) et Barnis. Les Berbères, formés de plusieurs alliances entre les Gétules, les Garamantes, les Libyens…, ont noué des relations culturelles avec les Phéniciens. De ces échanges est née la brillante civilisation carthaginoise durant laquelle plusieurs villes portuaires furent érigées (dont Carthage), mais également avec l'Afrique noire, l'Égypte ancienne, la Grèce antique, l'Empire romain. Par la suite, il y eut la première guerre punique ; Massinissa mit en place le premier Etat : la Numidie. Durant l'ère pré-romaine, plusieurs Etats indépendants se succédèrent : Massaesyles, Massyles, Maures (Berbères nomades)… Le roi Massinissa unifia la Numidie et fonda la capitale Cirta. Au cours de la deuxième guerre punique, les Massaesyles (commandés par Syphax) s’allièrent à Carthage alors que les Massyles (commandés par Massinissa) se rallièrent à Rome. La guerre finie, les Romains attribuèrent la Numidie à Massinissa. A la mort de ce dernier, Scipion Emilien (général et homme d’Etat romain) partagea la Numidie entre les trois fils du roi. Rome obligea Micipsa, dernier fils de Massinissa, à répartir sa part entre ses deux fils et Jugurtha, fils naturel de son frère. Dans sa quête d’unification du royaume, ce dernier fit assassiner ses cousins et se rebella contre Rome à qui il infligea de sévères défaites. Mais il fut livré à Rome par Bocchus, son beau-père et jusque-là allié. La Numidie fut partagée : sa partie occidentale fut attribuée à celui-ci (il devint ainsi roi de Maurétanie), le reste fut laissé à un roi vassal de Rome. Plus tard, les Romains parvinrent à devenir maîtres de la totalité du Maghreb qui fut divisé en provinces.
La Numidie
Au IIIe siècle, l’Afrique du Nord était divisée en trois royaumes berbères : celui des Maures (royaume de Maurétanie), au centre celui des Masaesyles avec à sa tête le roi Syphax et près de Carthage, le royaume des Massyles. Les Masaesyles et les Massyles s'opposaient. Massinissa, chef des Massyles, parvint à unifier la Numidie, à défendre l'indépendance de son royaume et à acquérir une prospérité économique (notamment développement de l'agriculture et de l'élevage). Une monnaie fut frappée à son effigie. D’un point de vue de l’organisation politique, chaque province avait un gouverneur et à la tête de chaque tribu un «Amokrane» (un chef). Parmi ses conseillers figurèrent ses trois fils : Gulussa (chargé de l’armée), Mastanabal (chargé du trésor royal) et Micipsa (auquel furent déléguées certaines affaires). A sa mort, s’ensuivit une difficulté de succession (déjà le problème de succession se posait à El Djazaïr) ; la Numidie connut alors des troubles politiques.
Ce fut Micipsa, qui lui succéda ; il envoya Jugurtha (petit-fils de Massinissa) en Ibérie à seule fin de l'éloigner du pouvoir et nomma Gulussa vice-roi et ministre de la Guerre. Toutefois, ses deux fils Adherbal et Hiempsal achevèrent l’œuvre d'unification de Massinissa en scindant la Numidie en Numidie orientale et occidentale. S’ensuivit ensuite une guerre entre Rome et la Numidie lorsque Jugurtha y revint pour s’emparer du pouvoir en exécutant Hiempsal et en expulsant Adherbal afin de réunifier de nouveau la Numidie.
Non satisfaite de cette politique, Rome se mit en devoir de chercher querelle à Jugurtha. Conscient de l'étendue de la corruption qui prévalait chez les officiels romains, il semble qu’il se soit résolu à corrompre une partie de la classe politique romaine pour avoir la paix. Rome reconnut diplomatiquement la Numidie occidentale, mais imposa Adherbal sur le trône en Numidie orientale. Jugurtha, n’arrivant pas à s’y résoudre, finit par envahir cette partie de la Numidie afin de la réunir de nouveau. L’exécution par celui-ci de plusieurs hommes d'affaires romains opérant en Numidie orientale exacerba Rome. Derechef, Jugurtha parvint à corrompre ses responsables politiques. Malgré la conclusion d’un traité de paix, les légions romaines envahirent la Numidie. Jugurtha parvint à résister durant des années, combinant manœuvres militaires face aux Romains et politiques avec le roi Bocchus Ier de Maurétanie qui finit par trahir Jugurtha (capturé lors d’un guet-apens et exécuté). Dès lors, la partie occidentale de la Numidie fut attribuée à Bocchus, roi de Maurétanie. Les populations se rebellèrent de nombreuses fois (notamment les Zénètes).
Par ailleurs, autour de Tlemcen, des populations composant les royaumes Gétules auraient agi de même. On évoque le cas de Tacfarinas qui parvint à soulever celles-ci ; il mourut à Pomaria (l’actuelle ville de Tlemcen). La Numidie constitua alors une province de fait.
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