Les lacunes des Accords d’Evian
Une contribution de l’historien et anthropologue Ali Farid Belkadi
Algérie Patriotique - 16 Mar, 2017
![](http://www.lanouvellerepublique.fr/var/nrv2_archive/storage/images/contenus/articles/2012/03/18/les-accord-d-evian-l-algerie-vers-l-independance/16817079-1-fre-FR/Les-accord-d-Evian-l-Algerie-vers-l-independance_reference.jpg)
Si le concept de crime contre l'humanité déplait tant en France, il y a le crime d'agression qui définit les méfaits graves commis par les personnes ou Etats (la France) ayant préparé, accompli ou promu un conflit armé visant à déstabiliser un ou plusieurs Etats souverains. C'est le cas de l'Algérie dès 1830 et ainsi de suite jusqu’en 1962.
La nouvelle génération de politiciens français, Benoît Hamon, Emmanuel Macron, et certainement d’autres personnalités politiques à venir, reproduit assez étonnamment le mythe Œdipe : adieu François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy. On se souvient de la fin de cette légende : un vieillard monté sur un char commande impérieusement au jeune Œdipe de s'écarter de son chemin. Œdipe, qui a le sang chaud, tue le conducteur du char. C'était le roi Laïos, son propre père. Ainsi, Œdipe accomplit la prophétie.
La prophétie en politique a pour nom le changement, chose que les tenants du pouvoir en Algérie refuseront toujours obstinément. Nos hommes politiques s’achètent, se vendent au plus offrant et s’entredévorent.
Se reproduisent comme des parasites sur le dos du peuple. Jusqu’à quand ?
La nouvelle génération de politiciens français, qui abhorre les temps de la colonisation, voit l’Algérie et les Algériens avec un regard inédit.
Wait and see
Indices infâmes de la présence française en Algérie, les preuves de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de crimes d'agression sont jusqu’à nos jours fournies par la conservation au MNHN de Paris de crânes de résistants algériens assassinés et décapités par le corps expéditionnaire français lors de la conquête de l’Algérie par la France.
Les témoignages vils de soldats français ayant participé ou commis ces crimes abominables contre les populations algériennes sont connus. Ils figurent dans d’innombrables lettres confidentielles ainsi que dans une multitude de livres qui sont accessibles à tout un chacun sur des sites consacrés à l’histoire, dont Gallica.fr.
Au cours du XIXe siècle et au siècle suivant, des millions d'enfants, de femmes et d'hommes ont été assassinés, mutilés, estropiés en Algérie, victimes innocentes de cruautés qui défient l'imagination et offusquent profondément la conscience humaine. L'emploi de la force barbare par la France pour accaparer l'intégrité territoriale algérienne est l’un des crimes internationaux les plus méprisables dans l’histoire contemporaine.
L’accès au savoir et à la connaissance
Les Algériens ont été empêchés durant 132 années d’accéder au savoir et aux connaissances universelles développés par le monde occidental.
L’instruction n’était pas consentie aux petits indigènes d’Algérie, les consignes du ministre de l’Enseignement Jules Ferry adressées aux maîtres d’école de l’époque étaient formelles. Un mythe durable, entretenu par une opinion républicaine complaisante, fait de Jules Ferry le père de l’école, en France et dans les colonies françaises. Alors que J. Ferry, fondateur de la gratuité de l'enseignement primaire ordonnée le 16 juin 1881 à l’intention des petits enfants français, interdisait en parfait raciste aux petits enfants colonisés l’accès à l’école : «Gardons-les (à l’école) disait-il, jusqu’à l’âge de 14 ans, c’est assez, bien assez puisque nous ne voulons pas leur rendre familiers nos beaux programmes d’enseignement primaire, que nous ne voulons leur apprendre ni beaucoup d’histoire, ni beaucoup de géographie, mais seulement le français, le français avant tout, le français et rien d’autre.» Jules Ferry cité par M. C. Duchet. Les Temps modernes, n° 123, mars/avril 1956.
C’est ainsi que la plupart des Algériens se firent subordonnés de petites gens venues d’Europe (et véritables rebuts de la Méditerranée, selon le général Berthezène), serviteurs et petits fonctionnaires appariteurs dans les administrations, les moins chanceux de ces «indigènes» se firent manœuvres, portefaix, employés à la halle, cireurs pour subsister. Voilà pour les bienfaits de la France en Algérie.
Depuis le départ des Français, les jeunes Algériens ont pris le temps de rattraper les retards éducatifs accumulés par leurs aînés, qui dépassaient rarement le cap du cocasse certificat d’études primaires et élémentaires du temps des colonies.
Le journal El-Watan du 30 janvier 2014, dans un article intitulé «La fuite des cerveaux en chiffres», dévoile les chiffres effarants concernant les cadres et intellectuels algériens ayant fui l’Algérie : «300 000 cadres dirigeants et chefs d’entreprise algériens se sont établis à l’étranger, selon l’AIDA. 80% de ces cadres vivent en France. 80 000 entre 1994 et 2006 est le nombre de chercheurs ayant quitté le pays pour d’autres cieux plus ouverts à l’intelligence. 50 000 étudiants, entre 1970 et 1990, ont reçu des bourses pour étudier à l’étranger, dont seuls 25 000 sont revenus. 8 000 médecins algériens exercent en France. 420 millions de dollars est le coût de la formation des cadres partis à l’étranger en 20 ans.»
L’historien Gilbert Meynier dans un entretien paru dans le journal El-Watan le 2 décembre 2011 confirme les humiliations à caractère éducatif auxquelles furent soumis les Algériens durant la période coloniale : «Sur la langue parlée par les Algériens à l’indépendance : je voulais juste souligner que peu d’Algériens parlaient français, simplement du fait de la faiblesse de la scolarisation dans l’Algérie coloniale ! D’après les chiffres officiels, 5% d’enfants étaient scolarisés en 1914, moins de 15% en 1954 – en fait, probablement moins (scolarisation qui s’est accrue in extremis avec De Gaulle et le plan de Constantine). Mais il est évident qu’à l’indépendance, une majorité d’Algériens parlaient arabe dialectal. (…) C’est un véritable retournement de l’histoire. Il en est de même de l’apprentissage du français en Algérie, que la France coloniale n’avait pas développé, se souciant plutôt de laisser les Algériens dans leur ignorance. Paradoxalement, c’est l’Algérie indépendante qui aura donné au français ses lettres de noblesse auprès des jeunes Algériens, puisqu’il est enseigné dès l’école primaire.»
Ce retard de 132 ans d’épais obscurantisme dont ont souffert les Algériens a trouvé sa résolution aussitôt l’indépendance acquise. De nos jours, des milliers de médecins, d’ingénieurs, de cadres, de professeurs, de spécialistes de haut niveau, toutes disciplines confondues, qui n’ont pas été formés par la France, dont les mérites sont toujours ignorés par l’Etat algérien, contribuent à l’opulence sociale et économique de la France, de l’Europe ainsi que d’autres pays dans le monde, dont les Etats-Unis d’Amérique et les pays du Golfe.
à suivre ...
Une contribution de l’historien et anthropologue Ali Farid Belkadi
Algérie Patriotique - 16 Mar, 2017
![](http://www.lanouvellerepublique.fr/var/nrv2_archive/storage/images/contenus/articles/2012/03/18/les-accord-d-evian-l-algerie-vers-l-independance/16817079-1-fre-FR/Les-accord-d-Evian-l-Algerie-vers-l-independance_reference.jpg)
Si le concept de crime contre l'humanité déplait tant en France, il y a le crime d'agression qui définit les méfaits graves commis par les personnes ou Etats (la France) ayant préparé, accompli ou promu un conflit armé visant à déstabiliser un ou plusieurs Etats souverains. C'est le cas de l'Algérie dès 1830 et ainsi de suite jusqu’en 1962.
La nouvelle génération de politiciens français, Benoît Hamon, Emmanuel Macron, et certainement d’autres personnalités politiques à venir, reproduit assez étonnamment le mythe Œdipe : adieu François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy. On se souvient de la fin de cette légende : un vieillard monté sur un char commande impérieusement au jeune Œdipe de s'écarter de son chemin. Œdipe, qui a le sang chaud, tue le conducteur du char. C'était le roi Laïos, son propre père. Ainsi, Œdipe accomplit la prophétie.
La prophétie en politique a pour nom le changement, chose que les tenants du pouvoir en Algérie refuseront toujours obstinément. Nos hommes politiques s’achètent, se vendent au plus offrant et s’entredévorent.
Se reproduisent comme des parasites sur le dos du peuple. Jusqu’à quand ?
La nouvelle génération de politiciens français, qui abhorre les temps de la colonisation, voit l’Algérie et les Algériens avec un regard inédit.
Wait and see
Indices infâmes de la présence française en Algérie, les preuves de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de crimes d'agression sont jusqu’à nos jours fournies par la conservation au MNHN de Paris de crânes de résistants algériens assassinés et décapités par le corps expéditionnaire français lors de la conquête de l’Algérie par la France.
Les témoignages vils de soldats français ayant participé ou commis ces crimes abominables contre les populations algériennes sont connus. Ils figurent dans d’innombrables lettres confidentielles ainsi que dans une multitude de livres qui sont accessibles à tout un chacun sur des sites consacrés à l’histoire, dont Gallica.fr.
Au cours du XIXe siècle et au siècle suivant, des millions d'enfants, de femmes et d'hommes ont été assassinés, mutilés, estropiés en Algérie, victimes innocentes de cruautés qui défient l'imagination et offusquent profondément la conscience humaine. L'emploi de la force barbare par la France pour accaparer l'intégrité territoriale algérienne est l’un des crimes internationaux les plus méprisables dans l’histoire contemporaine.
L’accès au savoir et à la connaissance
Les Algériens ont été empêchés durant 132 années d’accéder au savoir et aux connaissances universelles développés par le monde occidental.
L’instruction n’était pas consentie aux petits indigènes d’Algérie, les consignes du ministre de l’Enseignement Jules Ferry adressées aux maîtres d’école de l’époque étaient formelles. Un mythe durable, entretenu par une opinion républicaine complaisante, fait de Jules Ferry le père de l’école, en France et dans les colonies françaises. Alors que J. Ferry, fondateur de la gratuité de l'enseignement primaire ordonnée le 16 juin 1881 à l’intention des petits enfants français, interdisait en parfait raciste aux petits enfants colonisés l’accès à l’école : «Gardons-les (à l’école) disait-il, jusqu’à l’âge de 14 ans, c’est assez, bien assez puisque nous ne voulons pas leur rendre familiers nos beaux programmes d’enseignement primaire, que nous ne voulons leur apprendre ni beaucoup d’histoire, ni beaucoup de géographie, mais seulement le français, le français avant tout, le français et rien d’autre.» Jules Ferry cité par M. C. Duchet. Les Temps modernes, n° 123, mars/avril 1956.
C’est ainsi que la plupart des Algériens se firent subordonnés de petites gens venues d’Europe (et véritables rebuts de la Méditerranée, selon le général Berthezène), serviteurs et petits fonctionnaires appariteurs dans les administrations, les moins chanceux de ces «indigènes» se firent manœuvres, portefaix, employés à la halle, cireurs pour subsister. Voilà pour les bienfaits de la France en Algérie.
Depuis le départ des Français, les jeunes Algériens ont pris le temps de rattraper les retards éducatifs accumulés par leurs aînés, qui dépassaient rarement le cap du cocasse certificat d’études primaires et élémentaires du temps des colonies.
Le journal El-Watan du 30 janvier 2014, dans un article intitulé «La fuite des cerveaux en chiffres», dévoile les chiffres effarants concernant les cadres et intellectuels algériens ayant fui l’Algérie : «300 000 cadres dirigeants et chefs d’entreprise algériens se sont établis à l’étranger, selon l’AIDA. 80% de ces cadres vivent en France. 80 000 entre 1994 et 2006 est le nombre de chercheurs ayant quitté le pays pour d’autres cieux plus ouverts à l’intelligence. 50 000 étudiants, entre 1970 et 1990, ont reçu des bourses pour étudier à l’étranger, dont seuls 25 000 sont revenus. 8 000 médecins algériens exercent en France. 420 millions de dollars est le coût de la formation des cadres partis à l’étranger en 20 ans.»
L’historien Gilbert Meynier dans un entretien paru dans le journal El-Watan le 2 décembre 2011 confirme les humiliations à caractère éducatif auxquelles furent soumis les Algériens durant la période coloniale : «Sur la langue parlée par les Algériens à l’indépendance : je voulais juste souligner que peu d’Algériens parlaient français, simplement du fait de la faiblesse de la scolarisation dans l’Algérie coloniale ! D’après les chiffres officiels, 5% d’enfants étaient scolarisés en 1914, moins de 15% en 1954 – en fait, probablement moins (scolarisation qui s’est accrue in extremis avec De Gaulle et le plan de Constantine). Mais il est évident qu’à l’indépendance, une majorité d’Algériens parlaient arabe dialectal. (…) C’est un véritable retournement de l’histoire. Il en est de même de l’apprentissage du français en Algérie, que la France coloniale n’avait pas développé, se souciant plutôt de laisser les Algériens dans leur ignorance. Paradoxalement, c’est l’Algérie indépendante qui aura donné au français ses lettres de noblesse auprès des jeunes Algériens, puisqu’il est enseigné dès l’école primaire.»
Ce retard de 132 ans d’épais obscurantisme dont ont souffert les Algériens a trouvé sa résolution aussitôt l’indépendance acquise. De nos jours, des milliers de médecins, d’ingénieurs, de cadres, de professeurs, de spécialistes de haut niveau, toutes disciplines confondues, qui n’ont pas été formés par la France, dont les mérites sont toujours ignorés par l’Etat algérien, contribuent à l’opulence sociale et économique de la France, de l’Europe ainsi que d’autres pays dans le monde, dont les Etats-Unis d’Amérique et les pays du Golfe.
à suivre ...
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